HODOI ELEKTRONIKAI
Du texte à l'hypertexte

APOLLONIOS de Rhodes, Argonautica, chant II

Vers 100-199

  Vers 100-199

[2,100] ἰθὺς ἀνασχόμενοι Πολυδεύκεος ἀντιάασκον.
τοῦ δὲ πάρος κολεῶν εὐήκεα φάσγαν' ἑταῖροι
ἔσταν ἐρυσσάμενοι. πρῶτός γε μὲν ἀνέρα Κάστωρ
ἤλασ' ἐπεσσύμενον κεφαλῆς ὕπερ: δ' ἑκάτερθεν
ἔνθα καὶ ἔνθ' ὤμοισιν ἐπ' ἀμφοτέροις ἐκεάσθη.
105 αὐτὸς δ' Ἰτυμονῆα πελώριον ἠδὲ Μίμαντα,
τὸν μὲν ὑπὸ στέρνοιο θοῷ ποδὶ λὰξ ἐπορούσας
πλῆξε, καὶ ἐν κονίῃσι βάλεν: τοῦ δ' ἆσσον ἰόντος
δεξιτερῇ σκαιῆς ὑπὲρ ὀφρύος ἤλασε χειρί,
δρύψε δέ οἱ βλέφαρον, γυμνὴ δ' ὑπελείπετ' ὀπωπή.
110 Ὠρεΐδης δ' Ἀμύκοιο βίην ὑπέροπλος ὀπάων
οὖτα Βιαντιάδαο κατὰ λαπάρην Ταλαοῖο,
ἀλλά μιν οὐ κατέπεφνεν, ὅσον δ' ἐπὶ δέρματι μοῦνον
νηδυίων ἄψαυστος ὑπὸ ζώνην θόρε χαλκός.
αὔτως δ' Ἄρητος μενεδήιον Εὐρύτου υἷα
115 Ἴφιτον ἀζαλέῃ κορύνῃ στυφέλιξεν ἐλάσσας,
οὔπω κηρὶ κακῇ πεπρωμένον: τάχ' ἔμελλεν
αὐτὸς δῃώσεσθαι ὑπὸ ξίφει Κλυτίοιο.
καὶ τότ' ἄρ' Λγκαῖος Λυκοόργοιο θρασὺς υἱὸς
αἶψα μάλ' ἀντεταγὼν πέλεκυν μέγαν ἠδὲ κελαινὸν
120 ἄρκτου προσχόμενος σκαιῇ δέρος ἔνθορε μέσσῳ
ἐμμεμαὼς Βέβρυξιν: ὁμοῦ δέ οἱ ἐσσεύοντο
Αἰακίδαι, σὺν δέ σφιν ἀρήιος ὤρνυτ' Ἰήσων.
ὡς δ' ὅτ' ἐνὶ σταθμοῖσιν ἀπείρονα μῆλ' ἐφόβησαν
ἤματι χειμερίῳ πολιοὶ λύκοι ὁρμηθέντες
125 λάθρῃ ἐυρρίνων τε κυνῶν αὐτῶν τε νομήων,
μαίονται δ' τι πρῶτον ἐπαΐξαντες ἕλωσιν,
πόλλ' ἐπιπαμφαλόωντες ὁμοῦ: τὰ δὲ πάντοθεν αὔτως
στείνονται πίπτοντα περὶ σφίσιν: ὧς ἄρα τοίγε
λευγαλέως Βέβρυκας ὑπερφιάλους ἐφόβησαν.
130 ὡς δὲ μελισσάων σμῆνος μέγα μηλοβοτῆρες
ἠὲ μελισσοκόμοι πέτρῃ ἔνι καπνιόωσιν,
αἱ δ' ἤτοι τείως μὲν ἀολλέες ἐνὶ σίμβλῳ
βομβηδὸν κλονέονται, ἐπιπρὸ δὲ λιγνυόεντι
καπνῷ τυφόμεναι πέτρης ἑκὰς ἀίσσουσιν:
135 ὧς οἵγ' οὐκέτι δὴν μένον ἔμπεδον, ἀλλ' ἐκέδασθεν
εἴσω Βεβρυκίης, Ἀμύκου μόρον ἀγγελέοντες:
νήπιοι, οὐδ' ἐνόησαν δή σφισιν ἐγγύθεν ἄλλο
πῆμ' ἀίδηλον ἔην. πέρθοντο γὰρ ἠμὲν ἀλωαὶ
ἠδ' οἶαι τῆμος δῄῳ ὑπὸ δουρὶ Λύκοιο
140 καὶ Μαριανδυνῶν ἀνδρῶν, ἀπεόντος ἄνακτος.
αἰεὶ γὰρ μάρναντο σιδηροφόρου περὶ γαίης.
οἱ δ' ἤδη σταθμούς τε καὶ αὔλια δηιάασκον:
ἤδη δ' ἄσπετα μῆλα περιτροπάδην ἐτάμοντο
ἥρωες, καὶ δή τις ἔπος μετὰ τοῖσιν ἔειπεν:
145 "Φράζεσθ' ὅττι κεν ᾗσιν ἀναλκείῃσιν ἔρεξαν,
εἴ πως Ἡρακλῆα θεὸς καὶ δεῦρ' ἐκόμισσε̣̣.
ἤτοι μὲν γὰρ ἐγὼ κείνου παρεόντος ἔολπα
οὐδ' ἂν πυγμαχίῃ κρινθήμεναι: ἀλλ' ὅτε θεσμοὺς
ἤλυθεν ἐξερέων, αὐτοῖς ἄφαρ οἷς ἀγόρευεν
[2,100] s'avancent vers Pollux en levant leurs massues et brandissant
leurs dards. Ses compagnons se précipitent à l'instant devant lui et lui
font un rempart de leurs épées.
Castor frappe d'abord un des ennemis qui s'élançait sur
son frère, d'un seul coup lui fend la tête qui tombe ainsi partagée
sur les deux épaules. Pollux lui-même renverse d'un coup de
pied dans la poitrine le géant Itymon, et d'un de ses poings
encore armés du ceste, il porte à Mimas, au-dessus du sourcil
gauche, un coup qui lui emporte la paupière et laisse voir le globe
de l'oeil à découvert. Le fier Oridès, l'un des gardes d'Amycus,
atteignit d'un dard Tatlaüs dans le flanc, mais le coup ne fit
qu'effleurer la peau sans blesser les entrailles. Arétus, de sa
lourde massue, porte également au brave Iphitus un coup inutile
et expire bientôt, lui-même sous le glaive de Clytius qui accourt
au secours de son frère, levant d'une main sa hache redoutable
et prèsentant de l'autre la dépouille d'un ours qui lui servait de
bouclier. L'intrépide Ancée s'élance avec fureur au milieu des
ennemis. Les deux fils d'Eacus fondent en même temps sur eux
et Jason se précipite avec ardeur dans la mêlée.
Lorsqu'au milieu de l'hiver des loups affamés , trompant les
chiens et les pasteurs, sont entrés dans une bergerie, et que,
regardant avec avidité tout le troupeau, ils cherchent la proie
qu'ils doivent d'abord dévorer, on voit les brebis effrayées se
serrer, se presser et se renverser les unes sur les autres, telle est
l'épouvante que les héros minyens répandent parmi les Bébryces.
Comme des abeilles cachées dans le creux d'un rocher, où des
pasteurs ont introduit une épaisse fumée, s'agitent d'abord en
bourdonnant, et s'échappent ensuite en fuyant loin de leur
retraite, ainsi ces perfides adversaires, après une courte
résistance, prennent la fuite et vont porter la nouvelle de la mort
du roi dans le fond de leur pays. Là pour comble de désastre, ils
rencontrent Lycus à la tête des Mariandyniens leurs mortels
ennemis, qui, profitant de l'absence d'Amycus, ravageait leurs
campagnes et pillait leurs demeures. Les Argonautes de leur côté
n'épargnaient rien de ce qui était près du rivage, et chassaient
devant eux des troupeaux innombrables : "Qu'auraient donc fait,
disaient-ils alors entre eux, les faibles Bébryces, si le destin eût
conduit Hercule en ces lieux ? Sans doute, il n'y aurait eu aucun
combat; mais lorsque Amycus venait fièrement nous annoncer ses lois,
[2,150] θεσμοῖσιν ῥοπάλῳ μιν ἀγηνορίης λελαθέσθαι.
ναὶ μὲν ἀκήδεστον γαίῃ ἔνι τόνγε λιπόντες
πόντον ἐπέπλωμεν: μάλα δ' ἡμέων αὐτὸς ἕκαστος
εἴσεται οὐλομένην ἄτην, ἀπάνευθεν ἐόντος."
Ὧς ἄρ' ἔφη: τὰ δὲ πάντα Διὸς βουλῇς ἐτέτυκτο.
155 καὶ τότε μὲν μένον αὖθι διὰ κνέφας, ἕλκεά τ' ἀνδρῶν
οὐταμένων ἀκέοντο, καὶ ἀθανάτοισι θυηλὰς
ῥέξαντες μέγα δόρπον ἐφώπλισαν: οὐδέ τιν' ὕπνος
εἷλε παρὰ κρητῆρι καὶ αἰθομένοις ἱεροῖσιν.
ξανθὰ δ' ἐρεψάμενοι δάφνῃ καθύπερθε μέτωπα
160 ἀγχιάλῳ, τῇ, ἀκτῇ ἔπι, πρυμνήσι' ἀνῆπτο,
Ὀρφείῃ φόρμιγγι συνοίμιον ὕμνον ἄειδον
ἐμμελέως: περὶ δέ σφιν ἰαίνετο νήνεμος ἀκτὴ
μελπομένοις: κλεῖον δὲ Θεραπναῖον Διὸς υἷα.
Ἠμος δ' ἠέλιος δροσερὰς ἐπέλαμψε κολώνας
165 ἐκ περάτων ἀνιών, ἤγειρε δὲ μηλοβοτῆρας,
δὴ τότε λυσάμενοι νεάτης ἐκ πείσματα δάφνης,
ληίδα τ' εἰσβήσαντες ὅσην χρεὼ ἦεν ἄγεσθαι,
πνοιῇ δινήεντ' ἀνὰ Βόσπορον ἰθύνοντο.
ἔνθα μὲν ἠλιβάτῳ ἐναλίγκιον οὔρει κῦμα
170 ἀμφέρεται προπάροιθεν ἐπαΐσσοντι ἐοικός,
αἰὲν ὑπὲρ νεφέων ἠερμένον: οὐδέ κε φαίης
φεύξεσθαι κακὸν οἶτον, ἐπεὶ μάλα μεσσόθι νηὸς
λάβρον ἐπικρέμαται, καθάπερ νέφος. ἀλλὰ τόγ' ἔμπης
στόρνυται, εἴ κ' ἐσθλοῖο κυβερνητῆρος ἐπαύρῃ.
175 τῶ καὶ Τίφυος οἵδε δαημοσύνῃσι νέοντο,
ἀσκηθεῖς μέν, ἀτὰρ πεφοβημένοι. ἤματι δ' ἄλλῳ
ἀντιπέρην γαίῃ Βιθυνίδι πείσματ' ἀνῆψαν.
Ἔνθα δ' ἐπάκτιον οἶκον Ἀγηνορίδης ἔχε Φινεύς,
ὃς περὶ δὴ πάντων ὀλοώτατα πήματ' ἀνέτλη
180 εἵνεκα μαντοσύνης, τήν οἱ πάρος ἐγγυάλιξεν
Λητοΐδης: οὐδ' ὅσσον ὀπίζετο καὶ Διὸς αὐτοῦ
χρείων ἀτρεκέως ἱερὸν νόον ἀνθρώποισιν.
τῶ καί οἱ γῆρας μὲν ἐπὶ δηναιὸν ἴαλλεν,
ἐκ δ' ἕλετ' ὀφθαλμῶν γλυκερὸν φάος: οὐδὲ γάνυσθαι
185 εἴα ἀπειρεσίοισιν ὀνείασιν, ὅσσα οἱ αἰεὶ
θέσφατα πευθόμενοι περιναιέται οἴκαδ' ἄγειρον.
ἀλλὰ διὰ νεφέων ἄφνω πέλας ἀίσσουσαι
Ἅρπυιαι στόματος χειρῶν τ' ἀπὸ γαμφηλῇσιν
συνεχέως ἥρπαζον. ἐλείπετο δ' ἄλλοτε φορβῆς
190 οὐδ' ὅσον, ἄλλοτε τυτθόν, ἵνα ζώων ἀκάχοιτο.
καὶ δ' ἐπὶ μυδαλέην ὀδμὴν χέον: οὐδέ τις ἔτλη
μὴ καὶ λευκανίηνδε φορεύμενος, ἀλλ' ἀποτηλοῦ
ἑστηώς: τοῖόν οἱ ἀπέπνεε λείψανα δαιτός.
αὐτίκα δ' εἰσαΐων ἐνοπὴν καὶ δοῦπον ὁμίλου
195 τούσδ' αὐτοὺς παριόντας ἐπήισεν, ὧν οἱ ἰόντων
θέσφατον ἐκ Διὸς ἦεν ἑῆς ἀπόνασθαι ἐδωδῆς.
ὀρθωθεὶς δ' εὐνῆθεν, ἀκήριον ἠύτ' ὄνειρον,
βάκτρῳ σκηπτόμενος ῥικνοῖς ποσὶν ᾖε θύραζε,
τοίχους ἀμφαφόων: τρέμε δ' ἅψεα νισσομένοιο
[2,150] la massue d'Hercule lui aurait fait oublier et ses lois et sa
fierté. Mais hélas ? nous l'avons abandonné par mégarde, nous
naviguons maintenant sans lui, et nous aurons plus d'une fois à
gémir de son absence."
Ainsi les Argonautes se reprochaient sans cesse une séparation
dont les décrets de Zeus étaient seuls la cause. Ils passèrent la
nuit sur le rivage, et s'occupèrent d'abord du soin des blessés. On
offrit ensuite un sacrifice aux Immortels et on prépara le repas,
après lequel, au lieu de se laisser aller au sommeil, chacun se
couronna des branches d'un laurier auquel le vaisseau était
attaché. Orphée prit en main sa lyre dorée, et tous mêlant leurs
voix à ses divins accords, chantèrent ensemble les louanges du
dieu qu'on révère à Thérapné. Les vents retenaient leur
haleine, le rivage était tranquille, la nature entière semblait
sourire à leurs chants.
Le soleil recommençant sa carrière, éclairait le sommet des
montagnes couvertes de rosée, et les bergers écartaient le doux
sommeil de leurs paupières. Les Argonautes, après avoir
embarqué les troupeaux qui leur étaient nécessaires, détachèrent
du pied du laurier le câble du vaisseau; et poussés par un vent
favorable, entrèrent dans le rapide détroit du Bosphore. Là des
flots semblables à des montagnes, s'élèvent jusqu'aux cieux, et
sont toujours prêts à fondre sur les navigateurs, qui semblent ne
pouvoir échapper à la mort suspendue comme un nuage sur leurs
têtes. Cependant l'habile pilote sait se frayer une route au milieu
du danger. Ainsi les Argonautes, par l'adresse de Tiphys,
avançant toujours sans accident, mais non sans frayeur,
abordèrent le lendemain vis-à-vis les côtes de la Bithynie.
Un fils d'Agénor, Phinée, faisait sa demeure sur ce rivage.
Apollon lui avait accordé depuis longtemps le don de prévoir
l'avenir; faveur dangereuse qui devint la source de tous ses
malheurs. Sans respect pour le maître des dieux, il découvrait
hardiment aux mortels ses décrets sacrés. Zeus irrité le
condamna à une éternelle vieillesse, priva ses yeux de la douce
lumière du jour, et voulut qu'il ne pût jamais se rassasier d'aucun
mets. En vain ceux qui venaient consulter ses oracles, lui en
apportaient sans cesse de nouveaux; les Harpies, fondant tout à
coup du haut des cieux, les lui arrachaient de la bouche et des
mains. Quelquefois pour prolonger ses tourments en soutenant
sa misérable vie, elles lui abandonnaient de légers restes, sur
lesquels elles répandaient une odeur si infecte que personne
n'aurait eu le courage non seulement de s'en nourrir, mais même
d'en supporter de loin la puanteur. Phinée n'eut pas plus tôt
entendu la voix des Argonautes et le bruit de leur débarquement
qu'il comprit aussitôt qu'ils étaient les étrangers dont l'arrivée,
suivant les décrets de Zeus, devait mettre fin au plus cruel de
ses maux. Semblable à un fantôme, il sort de son lit, et
s'appuyant sur un bâton, il traîne en tâtonnant le long des murs
ses pieds chancelants. Tous ses membres, épuisés par la faim et
la vieillesse, tremblent à chaque pas.


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Dernière mise à jour : 13/06/2005