[27] ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ KZ'.
Οἱ συγχωρήσαντες ἀναποβλήτους τὰς ἀρετάς τε καὶ
τὰς κακίας εἶναι, ἴσως προχειρότερον λαμβανόμενον
λέγοιμεν ἂν κατὰ τοῦτο τὰς ἕξεις ἐπὶ τοῖς ἔχουσιν
εἶναι, καθόσον πρὸ τοῦ λαβεῖν αὐτὰς ἐπ' αὐτοῖς ἦν καὶ
μὴ λαβεῖν. Οἵ τε γὰρ τὰς ἀρετὰς ἔχοντες καὶ τοῦ τῶν
βελτιόνων ἀμελεῖν ἑλόμενοι τὰ βελτίω αὑτοῖς αἴτιοι
τῆς τῶν ἀρετῶν ἐγένοντο κτήσεως, οἵ τε τὰς κακίας
ἔχοντες παραπλησίως. Ὁ δ' αὐτὸς καὶ ἐπὶ τῶν τεχνῶν
λόγος· καὶ γὰρ τῶν τεχνιτῶν ἕκαστος πρὸ μὲν τοῦ τὴν
τέχνην ἔχειν εἶχεν καὶ τοῦ μὴ γενέσθαι τὴν ἐξουσίαν,
γενόμενος δὲ οὐκέτ' ἔσται κύριος τοῦ μὴ γεγονέναι τε
καὶ εἶναι τοιοῦτος. Αἱ γὰρ γενέσεις τῶν τοιούτων ἐφ'
ἡμῖν, καὶ διὰ τοῦτο οὐχ ὅμοιον τὸ ἀληθὲς ἐπί τε τῶν
μελλόντων καὶ ἐπὶ τῶν ὄντων τε καὶ γεγονότων, ὅτι
τὸ μὲν ὄν τε καὶ γεγονὸς οὐχ οἷόν τε ἢ μὴ εἶναι ἢ μὴ
γεγονέναι, τὸ δὲ μέλλον γίνεσθαι ἐνδέχεται καὶ μὴ
γίνεσθαι. Διὸ πρὸ μὲν τοῦ τὴν ἀρετὴν ἔχειν τόνδε τινὰ
ἀληθὲς ἦν τὸ ἐνδέχεσθαι καὶ μὴ γενέσθαι τοιοῦτον, ὃ
δὲ τοιοῦτον γίνεται, τοῦτο καὶ γενόμενον ἀληθὲς
οὕτως λέγειν γεγονέναι. Εἰ μὲν οὖν ἦν ἐκ γενετῆς ὁ
φρόνιμος τοιοῦτος καὶ τοῦτο πρὸς τοῖς ἄλλοις τοῖς ὑπὸ
τῆς φύσεως αὐτῷ δεδομένοις εἶχεν παρ' ἐκείνης
λαβών, οὐδ' ὅλως ἂν ἦν ἐπ' αὐτῷ τὸ εἶναι τοιούτῳ,
ὥσπερ οὐδὲ τὸ εἶναι δίποδι ἢ λογικῷ, οὐδ' ἂν ἐπῃνεῖτο
ἔτι ἐπὶ τῷ τοιοῦτος εἶναι, ἀλλ' ἐθαυμάζετο ὡς ἔχων
παρὰ τῆς θείας φύσεως δῶρον τηλικοῦτον. Ὡς γὰρ
τῶν ὑγιαινόντων, ὅσοι μὲν ἀσθενεῖς ὄντες τὴν φύσιν
διὰ τῆς οἰκείας ἐπιμελείας εἰσὶ τοιοῦτοι, τούτους μὲν
ἐπαινοῦμεν ὡς ἑαυτῶν πρόνοιαν τὴν προσήκουσαν
ποιουμένους, δι' ἣν πρόνοιαν οὔκ εἰσιν ἐν τῷ νοσεῖν,
τοὺς δὲ ἐκ φύσεως ὑγιεινοὺς {καὶ τοὺς νοσοῦντας}
ἄνευ πραγματείας καὶ φροντίδων οὐκέτι μὲν
ἐπαινοῦμεν, μακαρίζομεν δὲ ὡς χωρὶς καμάτων τοῦτο
ἔχοντας, ὃ καὶ τοῖς ἄλλοις ἀγαπητόν, εἰ καὶ μετὰ
καμάτου παρείη, τὸν αὐτὸν τρόπον ἢ καὶ ἔτι μᾶλλον
ἐπὶ τῶν ἀρετῶν ἐποιοῦμεν ἄν, εἰ ἦσαν ἐκ φύσεώς τισιν
παροῦσαι, ὅπερ ἀμέλει ποιοῦμεν ἐπὶ τῶν θεῶν. Ἐπεὶ
δὲ ἀδύνατον ἡμῖν τοῦτο, καὶ οὐδὲν ἀδύνατον δεῖ παρὰ
τῆς φύσεως ἀπαιτεῖν (αὕτη γὰρ δυνατῷ τε καὶ
ἀδυνάτῳ μέτρον· τελειότης μὲν γὰρ ἡ ἀρετὴ καὶ {ἡ}
ἀκρότης τῆς οἰκείας φύσεως ἑκάστου, ἀδύνατον δὲ
ἀτελές τι ὂν ἐν τελειότητι εἶναι, ἀτελὲς δὲ τὸ
γενόμενον εὐθὺ τῷ γενέσθαι), οὐδὲ τὴν ἀρετὴν οἷόν
τε τὸν ἄνθρωπον ἔχοντα φῦναι. Οὐ μὴν ἀσύμβολος
ἡ φύσις αὐτῷ πρὸς τὴν κτῆσιν αὐτῆς, ἀλλ' ἔχει παρ'
αὐτῆς δύναμίν τε καὶ ἐπιτηδειότητα δεκτικὴν αὐτῆς,
ἣν οὐδὲν τῶν ἄλλων ζῴων ἔχει. Καὶ διὰ τήνδε τὴν
δύναμιν ὁ ἄνθρωπος τῶν ἄλλων ζῴων φύσει διαφέρει,
καίτοι πολλῶν ζῴων ἀπολειπόμενος ἐν τοῖς
σωματικοῖς πλεονεκτήμασιν. Εἰ μὲν οὖν οὕτως
εἴχομεν παρ' αὐτῆς τὴν δύναμιν τὴν τῶν ἀρετῶν
δεκτικήν, ὡς προιόντες καὶ τελειούμενοι καὶ ταύτην
λαμβάνειν, ὡς τὸ περιπατεῖν, ὡς τὸ ὀδόντας, ὡς τὸ
γένεια φύειν, ὡς ἄλλο τι τῶν ἐπιγινομένων ἡμῖν κατὰ
φύσιν, οὐδ' οὕτως ἂν ἐφ' ἡμῖν ἦσαν αἱ ἀρεταὶ ὥσπερ
οὐδὲ τῶν προειρημένων τι, ἐπεὶ δὲ μὴ τοῦτον τὸν
τρόπον αὐτὰς κτώμεθα (εἰ γὰρ ἦν ὥσπερ τὰ ἄλλα,
οὕτως δὲ καὶ φρόνησίς τε καὶ ἀρετὴ τοῖς ἀνθρώποις
συγγενῆ, πάντες ἂν ἢ οἵ γε πλεῖστοι, ὥσπερ τῶν
ἄλλων κατὰ φύσιν αὐτοῖς τυγχάνουσιν, οὕτως οὐ τὴν
δύναμιν τὴν τῶν ἀρετῶν δεκτικὴν μόνην, ἀλλὰ καὶ
τὰς ἀρετὰς αὐτὰς παρ' ἐκείνης ἂν εἴχομεν καὶ οὐδὲν
οὐδ' οὕτως ἂν ἔδει ἐπαίνων ἢ ψόγων ἤ τινος τῶν
τοιούτων ἐπὶ {δὲ} ταῖς ἀρεταῖς τε καὶ κακίαις
θειοτέραν πρόφασίν τε καὶ οὐσίαν τῆς παρουσίας
αὐτῶν ἔχουσιν), ἐπεὶ δὴ οὐχ οὕτως ἔχει (οὐ γὰρ τοὺς
πάντας οὐδὲ τοὺς πλείστους ὁρῶμεν τὰς ἀρετὰς
ἔχοντας, ὃ τῶν κατὰ φύσιν γινομένων σημεῖόν ἐστιν,
ἀλλ' ἀγαπητὸν ἕνα που λαβεῖν τοιοῦτον, ὃς δι'
ἀσκήσεώς τε καὶ διδασκαλίας δείκνυσιν τὴν τῶν
ἀνθρώπων πρὸς τὰ ἄλλα ζῷα φυσικὴν πλεονεξίαν, δι'
αὑτοῦ προστιθεὶς τὸ ἀναγκαῖον ἐνδέον ἡμῶν τῇ
φύσει), διὰ τοῦτο ἐφ' ἡμῖν τέ ἐστιν ἡ τῶν ἀρετῶν
κτῆσις καὶ οὐκ ἄχρηστοι οὐδὲ μάτην οὔτε οἱ ἔπαινοι
οὔτε οἱ ψόγοι οὔτε αἱ πρὸς βελτίω προτροπαὶ οὔθ' ἡ
διὰ τῶν βελτιόνων ἐθῶν κατὰ τοὺς νόμους ἀγωγή.
Τῶν μὲν γὰρ φύσει τισὶν ὑπαρχόντων οὐδὲν οἷόν τε
ὑπό τινος ἔθους ἀλλοῖον γενέσθαι (οὐχ οὕτως
πολλάκις τὸ βάρος ἔχον ἀναρριφθήσεται, ὡς
ἐθισθῆναι κατὰ τὴν αὑτοῦ φύσιν ἄνω φέρεσθαι), τὰ δὲ
ἤθη τῶν ἀνθρώπων τοῖα καὶ τοῖα διὰ τῶν
διαφερόντων ἐθῶν γίνεται. καὶ ἐπὶ μὲν τῶν φύσει
πρώτας τὰς ἕξεις κτησάμενοι οὕτως ἐνεργοῦμεν κατ'
αὐτάς (οὐ γὰρ ἰδόντες πολλάκις τὴν ὁρατικὴν ἕξιν
κτώμεθα, ἀλλ' ἔχοντες αὐτὴν οὕτως ὁρῶμεν), ἐπὶ δὲ
τῶν οὐ φύσει ἐκ τῶν ἐνεργειῶν τὰς ἕξεις κτώμεθα. Οὐ
γὰρ ἄλλως τέκτων τις ἂν γένοιτο μὴ πολλάκις
ἐνεργήσας τὰς τοῦ τέκτονος ἐνεργείας κατὰ τὰς
ὑποθήκας τοῦ διδάσκοντος. Ὥστ' ἐπεὶ καὶ τὰς ἀρετὰς
οὕτως κτώμεθα (ἐνεργοῦντες γὰρ καὶ τὰ σωφρονικὰ
γινόμεθα σώφρονες), οὐκ ἂν ἡμῖν ὑπάρχοιεν φύσει.
| [27] CHAPITRE XXVII.
Accordât-on que les vertus et les vices sont
inadmissibles, il y aurait sans doute à observer
immédiatement que les vices et les vertus sont chez
ceux où on les rencontre des habitudes, qu’avant de les
contracter, il dépendait d’eux de ne pas contracter.
C’est, en effet, pour s’être appliqués au meilleur, alors
qu’il leur était possible de négliger le meilleur, que
ceux qui ont des vertus sont devenus à eux-mêmes les
causes de l’acquisition de ces vertus; et on peut en dire
autant de ceux qui ont des vices. De même en matière
d’art. Car tout artiste, avant de posséder un art, avait
aussi la possibilité de ne pas devenir artiste mais, l’étant
devenu, il ne sera plus maître de ne pas l’être devenu et
de l’être. Dans ces sortes de choses, ce qui doit arriver
dépend de nous, et c’est pourquoi il n’est pas exact de
dire qu’il en soit de ce qui doit être comme de ce qui est
et de ce qui a été. Ce qui est ou ce qui a été ne peut pas
ne pas être ou ne pas avoir été; tandis que ce qui doit
être peut aussi ne pas être. Conséquemment, avant
qu’un homme devînt vertueux, il était vrai qu’il pouvait
aussi ne pas devenir tel. Mais ce qui est devenu tel,
quand il est devenu tel, il est vrai d’affirmer qu’il l’est
devenu. Si donc quelqu’un se trouvait être homme de
bien dès sa naissance, et qu’il tînt aussi de la nature
cette qualité en sus de toutes les autres qui lui auraient
été départies, il n’aurait absolument pas plus été en son
pouvoir de n’être pas homme de bien, que de n’avoir
pas deux pieds, ou de n’être pas doué de raison. Par
conséquent, on ne songerait point à le louer d’être tel,
mais on admirerait qu’il eût reçu de la divine nature un
don aussi considérable. De même en effet que, si des
gens, de maladifs qu’ils étaient naturellement,
deviennent bien portants par le soin qu’eux-mêmes ont
eu de leur santé, nous les louons, pour avoir fait à eux-mêmes
l’attention convenable, attention d’où il suit
qu’ils ne sont pas malades, tandis que nous ne louons
pas ceux qui, naturellement bien portants, ne doivent
pas à des soins ni à de la prudence leur bonne santé,
nous contentant de les féliciter de ce qu’ils goûtent,
sans prendre aucune peine, un bien, dont d’autres se
réjouiraient, même au prix de précautions laborieuses;
de même ferions-nous et plus encore relativement aux
vertus, si c’était de la nature que procédassent les
vertus. Et c’est précisément ce que nous faisons à
l’égard des Dieux. Mais pour nous, il n’en peut être
ainsi, et nous ne devons pas demander de la nature
l’impossible, la nature étant elle-même la mesure du
possible et de l’impossible. Qu’est-ce effectivement que
la vertu? La perfection et le suprême degré de la nature
propre de chacun. Or il est impossible que dans ce qui
est imparfait se rencontre la perfection; mais ce qui est
produit est imparfait au moment même où il est produit;
il n’est donc pas possible que l’homme naisse vertueux.
Ce n’est pas que la nature ne contribue en rien chez
l’homme à l’acquisition de la vertu; c’est d’elle, au
contraire, qu’il tient la puissance et l’aptitude qui lui
permettent d’acquérir la vertu, puissance et aptitude que
ne possède aucun autre animal, et par où l’homme
l’emporte naturellement sur les autres animaux,
quoiqu’en ce qui touche les avantages du corps il leur
soit inférieur. Que si d’ailleurs nous tenions de la nature
l’aptitude à la vertu, en ce sens qu’avançant à la fois en
vertu et en âge, la vertu fût en nous ce qu’est en nous la
faculté de marcher, ou la pousse des dents, ou la pousse
de la barbe, ou toute autre qualité naturelle, alors non
plus les vertus ne seraient pas en notre pouvoir, de
même que n’est en notre pouvoir aucune des choses que
nous venons d’énumérer. Mais ce n’est pas de cette
manière que nous acquérons les vertus. Si, en effet,
comme les autres dons de la nature, la prudence et la
vertu étaient innées aux hommes, elles se
rencontreraient, aussi bien que les autres dons de la
nature, chez tous les hommes, ou du moins chez la
plupart, et ce ne serait pas seulement l’aptitude aux
vertus, mais les vertus elles-mêmes que nous aurions
reçues de la nature. C’est pourquoi il ne saurait plus
être question ni de louange ni de blâme, ni de rien de
semblable; ce serait à une origine toute divine que nous
rapporterions les vices et les vertus et leur raison d’être.
Mais il n’en va pas de la sorte; car nous ne voyons pas
que tous les hommes, ni même que le plus grand
nombre aient des vertus, ce qui pourtant est le signe
des choses naturelles. Loin de là: c’est beaucoup si l’on
peut rencontrer quelque part un homme qui, à force
d’exercice et de bonne discipline, manifeste la
supériorité naturelle des hommes sur les autres
animaux, parce qu’il aura, de lui-même, ajouté ce qui
nécessairement manque à notre nature. L’acquisition
des vertus est donc, à certains égards, en notre pouvoir,
et ce ne sont point choses illusoires et de nul usage que
les éloges, les reproches, les exhortations au mieux, non
plus que les dispositions de la loi qui tendent à
améliorer les mœurs. Certainement, il est de tous points
impossible que l’habitude change rien de ce que les
êtres tiennent de la nature. Ainsi, vainement jetterait-on
souvent en l’air une chose pesante, on ne l’habituerait
pas à être portée en haut contre sa nature. Toutefois les
mœurs des hommes se diversifient avec la diversité
même des habitudes. Pour ce qui est des choses
naturelles, il est vrai, c’est après avoir reçu d’abord
certaines facultés, que nous agissons ensuite en
exerçant ces facultés; car ce n’est point en voyant
souvent que nous acquérons la faculté de voir, mais
c’est parce que nous avons la faculté de voir, que nous
voyons. Mais, s’il est question, au contraire, de choses
qui ne sont pas naturelles, c’est en exerçant ces facultés
primitives, que nous acquérons de nouvelles facultés
qui sont habitudes. Nul, en effet, ne deviendrait ouvrier,
qui ne répéterait fréquemment les opérations de
l’ouvrier, conformément aux préceptes du maître. Or,
comme c’est à ces conditions que nous acquérons les
vertus (car c’est en nous exerçant à la tempérance que
nous devenons tempérants), les vertus ne nous viennent
donc pas de la nature.
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