[53] Ἐπὶ τούτοις δὲ θαυμαστωθεὶς καὶ ἀγαπηθείς,
αὖθις οὐκ ἐλάττονα φθόνον ἔσχεν, ὅτι
πρεσβευταῖς φίλοις παραδοὺς τὰ στρατεύματα
καὶ τὰς ἐπαρχίας, αὐτὸς ἐν τοῖς περὶ τὴν Ἰταλίαν
ἡβητηρίοις, μετιὼν ἄλλοτε ἀλλαχόσε, μετὰ τῆς
γυναικὸς διῆγεν, εἴτε ἐρῶν αὐτῆς, εἴτε ἐρῶσαν
οὐχ ὑπομένων ἀπολιπεῖν· καὶ γὰρ καὶ τοῦτο
λέγεται. καὶ περιβόητον ἦν τῆς κόρης τὸ φίλανδρον,
οὐ καθ´ ὥραν ποθούσης τὸν Πομπήϊον, ἀλλ´
αἴτιον ἔοικεν ἥ τε σωφροσύνη τοῦ ἀνδρὸς εἶναι
μόνην γινώσκοντος τὴν γεγαμημένην, ἥ τε σεμνότης
οὐκ ἄκρατον, ἀλλ´ εὔχαριν ἔχουσα τὴν
ὁμιλίαν καὶ μάλιστα γυναικῶν ἀγωγόν, εἰ δεῖ
μηδὲ Φλώραν ἁλῶναι τὴν ἑταίραν ψευδομαρτυριῶν.
ἐν δ´ οὖν ἀγορανομικοῖς ἀρχαιρεσίοις εἰς
χεῖράς τινων ἐλθόντων καὶ φονευθέντων περὶ
αὐτὸν οὐκ ὀλίγων ἀναπλησθεὶς αἵματος ἤλλαξε
τὰ ἱμάτια. πολλοῦ δὲ θορύβου καὶ δρόμου πρὸς
τὴν οἰκίαν γενομένου τῶν κομιζόντων τὰ ἱμάτια
θεραπόντων, ἔτυχε μὲν ἡ κόρη κύουσα, θεασαμένη
δὲ καθῃμαγμένην τὴν τήβεννον ἐξέλιπε καὶ μόλις
ἀνήνεγκεν, ἐκ δὲ τῆς ταραχῆς ἐκείνης καὶ τοῦ
πάθους ἀπήμβλωσεν. ὅθεν οὐδὲ οἱ μάλιστα
μεμφόμενοι τὴν πρὸς Καίσαρα Πομπηΐου φιλίαν
ᾐτιῶντο τὸν ἔρωτα τῆς γυναικός. αὖθις μέντοι
κυήσασα καὶ τεκοῦσα θῆλυ παιδίον ἐκ τῶν
ὠδίνων ἐτελεύτησε, καὶ τὸ παιδίον οὐ πολλὰς
ἡμέρας ἐπέζησε. παρεσκευασμένου δὲ τοῦ Πομπηΐου
τὸ σῶμα θάπτειν ἐν Ἀλβανῷ, βιασάμενος
ὁ δῆμος εἰς τὸ Ἄρειον πεδίον κατήνεγκεν, οἴκτῳ
τῆς κόρης μᾶλλον ἢ Πομπηΐῳ καὶ Καίσαρι
χαριζόμενος. αὐτῶν δὲ ἐκείνων μεῖζον ἐδόκει
μέρος ἀπόντι Καίσαρι νέμειν ὁ δῆμος ἢ Πομπηΐῳ
παρόντι τῆς τιμῆς. εὐθὺς γὰρ ἐκύμαινεν ἡ πόλις,
καὶ πάντα τὰ πράγματα σάλον εἶχε καὶ λόγους
διαστατικούς, ὡς ἡ πρότερον παρακαλύπτουσα
μᾶλλον ἢ κατείργουσα τῶν ἀνδρῶν τὴν φιλαρχίαν
οἰκειότης ἀνῄρηται. μετ´ οὐ πολὺ δὲ καὶ Κράσσος
ἐν Πάρθοις ἀπολωλὼς ἠγγέλλετο· καὶ τοῦτο
κώλυμα ὂν μέγα τοῦ συμπεσεῖν τὸν ἐμφύλιον
πόλεμον ἐκποδὼν ἐγεγόνει· δεδιότες γὰρ ἐκεῖνον
ἀμφότεροι τοῖς πρὸς ἀλλήλους ἁμῶς γέ πως
ἐνέμενον δικαίοις. ἐπεὶ δὲ ἀνεῖλεν ἡ τύχη τὸν
ἔφεδρον τοῦ ἀγῶνος, εὐθὺς ἦν εἰπεῖν τὸ κωμικόν,
ὡς ἅτερος πρὸς τὸν ἕτερον ὑπαλείφεται τὼ χεῖρέ θ´ ὑποκονίεται.
οὕτως ἡ τύχη μικρόν ἐστι πρὸς τὴν φύσιν. οὐ
γὰρ ἀποπίμπλησιν αὐτῆς τὴν ἐπιθυμίαν, ὅπου
τοσοῦτον βάθος ἡγεμονίας καὶ μέγεθος εὐρυχωρίας
δυοῖν ἀνδροῖν οὐκ ἐπέσχεν, ἀλλ´ ἀκούοντες
καὶ ἀναγινώσκοντες ὅτι "τριχθὰ δὲ πάντα
δέδασται" τοῖς θεοῖς, "ἕκαστος δ´ ἔμμορε τιμῆς,"
ἑαυτοῖς οὐκ ἐνόμιζον ἀρκεῖν δυσὶν οὖσι τὴν Ῥωμαίων ἀρχήν.
| [53] LIII. Propter haec in admiratione habitus et dilectus
ab omnibus, eo tamen haud leuiorem sibi inuidiam parauit,
quod exercitum et prouincias amicis suis legatis mandans,
ipse per amoena Italiae loca obambulans modo hic,
modo alibi cum uxore degeret, siue amore eius captus, siue
amantem sui uxorem deserere non sustinens. Nam et
hoc fertur, et Iuliae insignis in maritum Pompeium praeter
aetatis rationem amor celebratur; cui causam praebuisse
uidetur continentia uiri, nullius praeter uxorem notitiam
habentis, et grauitas, consuetudine non immodica, sed gratiosa
et mulierum animos apprime trahenti utentis, si quidem
etiam Florae testimonio habenda est fides. Comitiis
sane aediliciis conflictu circa se orto et caesis haud paucis,
sanguine conspersus uestem mutauit Pompeius. Cruentam
uero quum serui cursim et cum tumultu domum referrent,
Iulia tum pragnans ueste conspecta animi deliquium
passa est aegreque ad se rediit, isque adeo terror abortus
ei causa fuit. Itaque qui amicitiam Pompeii cum Caesare
maxime improbarent, amorem tamen erga uxorem non
culpabant. Iterum grauida facta, filiolam enixa e doloribus
partus exspirauit, ac filiolae paucis post diebus
mors subsecuta est. Quum in Albano coniugem sepelire
Pompeius statuisset, populus ui eum coegit in campum
Martium funus ducere, magis adeo miseratione Iuliae, quam
in Pompeii Caesarisue gratiam, tametsi ex illis ipsis maiorem
honoris partem populus absenti Caesari quam Pompeio
praesenti uisus est detulisse. Statim enim a morte
Iuliae ciuitas fluctuabat, omnibusque in rebus aestus sermonesque
ad dissidium facientes exsistebant, affinitate, quae
eatenus occultauerat magis eorum uirorum quam inhibuerat
principatus cupiditatem, sublata. Neque diu post
Crassum apud Parthos periisse renuntiatum est, atque
hunc etiam magnum belli ciuilis obicem remotum esse apparebat.
Quippe antea uterque huius metu, utcunque pactis
inter sese steterant. Sed ubi fortuna eum, qui certaminis
eorum inspector uictori imminebat, sustulit, statim licuit
comici poetae illud usurpare :
"Aduersus alterum alter hic inungitur,
hauritque manibus puluerem".
Usque adeo fortuna nihil est ad naturam. Neque enim
eius potest cupiditatem implere, quando hos duos uiros
tanta moles tantaque amplitudo imperii cohibere non potuit,
qui quum legendo et auditu percepissent inter ipsos
deos trifariam omnia diuisa esse et quemque accepisse
honorem, sibi duobus sufficere Romanum imperium non putauerunt.
| [53] LIII. Cette magnificence lui mérita de nouveau
l'admiration et la bienveillance du peuple; mais
bientôt il ne fut pas moins l'objet de son envie,
quand on le vit abandonner à ceux de ses lieutenants
qu'il chérissait le plus ses gouvernements et
ses armées, et passer son temps à se promener avec
sa femme dans ses plus belles maisons de plaisance,
soit qu'il fût toujours amoureux d'elle, soit qu'en
étant tendrement aimé, il n'ont pas la force de s'en
séparer, car on en donne cette dernière raison. Il est
vrai que l'amour de Julie pour Pompée était connu
de tout le monde, non qu'il fût d'âge à être aimé si
passionnément; mais la tendresse de cette femme
prenait sa source dans la sagesse de son mari, qui
n'aimait point d'autre femme qu'elle, et dans sa
gravité naturelle, qui n'avait rien d'austère, et
était tempérée par une conversation remplie de
grâce, propre surtout à s'insinuer dans l'esprit des
femmes, car on ne peut révoquer en doute le témoignage
que lui rendait sur ce point la courtisane Flora.
Un jour d'assemblée pour l'élection des
édiles, on en vint aux mains; plusieurs personnes
furent tuées auprès de Pompée, qui, étant tout
couvert de sang, fut obligé de changer d'habit. Ses
esclaves coururent rapporter chez lui ses vêtements
souillés de sang : leur précipitation ayant causé
du trouble et du tumulte dans la maison, Julie,
qui était enceinte, s'évanouit à la vue de cette robe
ensanglantée; elle eut beaucoup de peine à reprendre
ses sens; et l'inquiétude, la frayeur qu'elle
avait eue, la firent avorter. Cet accident inspira
tant d'intérêt pour elle, que ceux qui condamnaient
le plus l'attachement de Pompée pour César
ne pouvaient blâmer sa tendresse pour sa
femme. Elle devint grosse une seconde fois, et
accoucha d'une fille; mais elle mourut dans son travail,
et l'enfant ne lui survécut que peu de jours.
Pompée se disposait à la faire inhumer dans sa terre
d'Albe, lorsque le peuple, usant de violence, emporta
le corps au champ de Mars, moins pour faire
plaisir à César et à Pompée, que pour témoigner
la compassion que lui inspirait cette jeune femme;
et dans les honneurs qu'il lui rendait, il paraissait
en faire beaucoup plus pour César absent que
pour Pompée, qui était alors à Rome.
Mais cette mort fut bientôt suivie d'une agitation violente,
qui excita la plus grande fermentation : l'alliance entre
César et Pompée, qui couvrait leur ambition plutôt
qu'elle ne la réprimait, étant rompue, on ne parlait dans la
ville que de division et de rupture. Peu de temps après on
apprit que Crassus avait été défait et tué par les Parthes,
et sa mort faisait tomber la plus forte barrière qui
restât encore contre la guerre civile. La crainte que
César et Pompée avaient de Crassus leur faisait observer
l'un envers l'autre, jusqu'à un certain point,
les lois de la justice; mais quand la fortune leur
eut ôté cet athlète, qui pouvait lutter contre
celui des deux à qui la victoire serait restée,
alors on put leur appliquer ces vers d'un poète comique :
"Je vois ces deux rivaux préparer leurs combats;
L'huile couvre leurs corps, la poussière leurs bras."
Tant la fortune a peu de pouvoir sur la nature,
dont elle ne saurait satisfaire les désirs! car une
si grande autorité, une si vaste étendue de pays,
ne purent assouvir l'ambition de ces deux hommes,
qui cependant avaient souvent lu et entendu dire:
"Qu'en trois parts l'univers divisé par les dieux ,
Du sort qui leur échut les rendit tous heureux)."
Ils n'étaient que deux à partager l'empire romain,
et ils ne croyaient pas qu'il pût leur suffire.
|