[2,44] Ἐντεῦθεν ἡμᾶς ὑπεδέχετο πέλαγος προσηνὲς καὶ νῆσος οὐ
μεγάλη, εὐπρόσιτος, συνοικουμένη? ἐνέμοντο δὲ αὐτὴν ἄνθρωποι
ἄγριοι, Βουκέφαλοι, κέρατα ἔχοντες, οἷον παρ´ ἡμῖν τὸν Μινώταυρον
ἀναπλάττουσιν. ἀποβάντες δὲ προῄειμεν ὑδρευσόμενοι
καὶ σιτία ληψόμενοι, εἴ ποθεν δυνηθείημεν? οὐκέτι γὰρ εἴχομεν.
καὶ ὕδωρ μὲν αὐτοῦ πλησίον εὕρομεν, ἄλλο δὲ οὐδὲν ἐφαίνετο,
πλὴν μυκηθμὸς πολὺς οὐ πόρρωθεν ἠκούετο. δόξαντες οὖν ἀγέλην
εἶναι βοῶν, κατ´ ὀλίγον προχωροῦντες ἐπέστημεν τοῖς ἀνθρώποις.
οἱ δὲ ἰδόντες ἡμᾶς ἐδίωκον, καὶ τρεῖς μὲν τῶν ἑταίρων λαμβάνουσιν,
οἱ δὲ λοιποὶ πρὸς τὴν θάλατταν καταφεύγομεν. εἶτα
μέντοι πάντες ὁπλισάμενοι—οὐ γὰρ ἐδόκει ἡμῖν ἀτιμωρήτους
περιιδεῖν τοὺς φίλους—ἐμπίπτομεν τοῖς Βουκεφάλοις τὰ κρέα τῶν
ἀνῃρημένων διαιρουμένοις? φοβήσαντες δὲ πάντας διώκομεν, καὶ
κτείνομέν γε ὅσον πεντήκοντα καὶ ζῶντας αὐτῶν δύο λαμβάνομεν,
καὶ αὖθις ὀπίσω ἀναστρέφομεν τοὺς αἰχμαλώτους ἔχοντες. σιτίον
μέντοι οὐδὲν εὕρομεν. οἱ μὲν οὖν ἄλλοι παρῄνουν ἀποσφάττειν
τοὺς εἰλημμένους, ἐγὼ δὲ οὐκ ἐδοκίμαζον, ἀλλὰ δήσας ἐφύλαττον
αὐτούς, ἄχρι δὴ ἀφίκοντο παρὰ τῶν Βουκεφάλων πρέσβεις
ἀπαιτοῦντες ἐπὶ λύτροις τοὺς συνειλημμένους? συνίεμεν γὰρ
αὐτῶν διανευόντων καὶ γοερόν τι μυκωμένων ὥσπερ ἱκετευόντων.
τὰ λύτρα δὲ ἦν τυροὶ πολλοὶ καὶ ἰχθύες ξηροὶ καὶ κρόμμυα
καὶ ἔλαφοι τέτταρες, τρεῖς ἑκάστη πόδας ἔχουσα, δύο μὲν τοὺς
ὄπισθεν, οἱ δὲ πρόσω ἐς ἕνα συμπεφύκεσαν. ἐπὶ τούτοις ἀποδόντες
τοὺς συνειλημμένους καὶ μίαν ἡμέραν ἐπιμείναντες ἀνήχθημεν.
| [2,44] A partir de là, nous entrons dans une mer fort calme, et nous arrivons à une
île peu considérable, mais d'un abord facile; elle était habitée par des hommes
sauvages nommés Bucéphales, qui avaient le front armé de cornes, et tels
qu'on représente le Minotaure. Nous y descendons pour faire de l'eau et
rafraîchir, s'il était possible, nos vivres, qui commençaient à nous manquer.
Nous trouvons de l'eau tout près du rivage, mais nous ne voyons pas autre chose
; nous entendons seulement un grand mugissement à peu de distance. Persuadés que
c'était un troupeau de boeufs, nous faisons quelques pas en avant, et nous
rencontrons les hommes dont j'ai parlé. Dès qu'ils nous aperçoivent , ils se
mettent à notre poursuite, ils prennent trois le nos compagnons : le reste de
notre troupe s'enfuit vers la mer. Là, nous prenons nos armes, résolus de venger
nos camarades ; nous tombons sur les Bucéphales, qui déjà se partageaient les
chairs de leurs prisonniers; nous les effrayons, et, nous mettant à leur
poursuite, nous en tuons une cinquantaine, nous en prenons deux vivants, et nous
retournons au rivage avec nos captifs. Cependant nous n'avions pas trouvé de
vivres ; plusieurs d'entre nous voulaient qu'on égorgeât les hommes que nous
avions pris. Je ne fus point de cet avis ; je les fis entraîner et garder à vue,
jusqu'à ce qu'il nous arrivât des envoyés des Bucéphales, pour traiter de leur
rançon. Nous voyions, en effet, que ceux-ci nous faisaient des signes, et nous
les entendions produire une espèce de mugissement plaintif qui ressemblait à une
prière. La rançon fut un grand nombre de fromages, des poissons secs, des
oignons et quatre cerfs, faits de telle sorte qu'ils n'ont que trois pieds, deux
de derrière et ceux de devant réunis en un seul. A ce prix, nous rendons les
captifs, et, après être demeurés encore un jour dans l'île, nous reprenons notre voyage.
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