HODOI ELEKTRONIKAI
Du texte à l'hypertexte

Homère, Odyssée, chant I

Vers 300-399

  Vers 300-399

[1,300] Αἴγισθον δολόμητιν, οἱ πατέρα κλυτὸν ἔκτα;
καὶ σύ, φίλος, μάλα γάρ ς´ ὁρόω καλόν τε μέγαν τε,
ἄλκιμος ἔσς´, ἵνα τίς σε καὶ ὀψιγόνων ἐῢ εἴπῃ.
αὐτὰρ ἐγὼν ἐπὶ νῆα θοὴν κατελεύσομαι ἤδη
ἠδ´ ἑτάρους, οἵ πού με μάλ´ ἀσχαλόωσι μένοντες;
σοὶ δ´ αὐτῷ μελέτω, καὶ ἐμῶν ἐμπάζεο μύθων.
τὴν δ´ αὖ Τηλέμαχος πεπνυμένος ἀντίον ηὔδα;
ξεῖν´, τοι μὲν ταῦτα φίλα φρονέων ἀγορεύεις,
ὥς τε πατὴρ παιδί, καὶ οὔ ποτε λήσομαι αὐτῶν.
ἀλλ´ ἄγε νῦν ἐπίμεινον, ἐπειγόμενός περ ὁδοῖο,
[1,300] le perfide Égisthe, cet impie assassin, qui lui ravit le plus illustre des pères ? Ami, je te vois une haute stature, des traits pleins de noblesse et de beauté : sois donc, intrépide, et ton nom ne sera pas oublié des races futures.
Mais il est temps que je me rende à mon navire, où peut- être mes compagnons s'impatientent de mon retard. Veille toi-même à ton destin, et garde un profond souvenir de mes paroles.
Étranger, répond Télémaque, je vois en tes discours le zèle pur de l'amitié ; ainsi parle un père à son fils : non, jamais cet entretien ne s'effacera de ma mémoire. Mais, quoique si pressé de partir, demeure encore;
[1,310] ὄφρα λοεσσάμενός τε τεταρπόμενός τε φίλον κῆρ
δῶρον ἔχων ἐπὶ νῆα κίῃς, χαίρων ἐνὶ θυμῷ,
τιμῆεν, μάλα καλόν, τοι κειμήλιον ἔσται
ἐξ ἐμεῦ, οἷα φίλοι ξεῖνοι ξείνοισι διδοῦσι.
τὸν δ´ ἠμείβετ´ ἔπειτα θεὰ γλαυκῶπις Ἀθήνη;
μή μ´ ἔτι νῦν κατέρυκε, λιλαιόμενόν περ ὁδοῖο;
δῶρον δ´ ὅττι κέ μοι δοῦναι φίλον ἦτορ ἀνώγῃ,
αὖτις ἀνερχομένῳ δόμεναι οἶκόνδε φέρεσθαι,
καὶ μάλα καλὸν ἑλών; σοὶ δ´ ἄξιον ἔσται ἀμοιβῆς.
μὲν ἄρ´ ὣς εἰποῦς´ ἀπέβη γλαυκῶπις Ἀθήνη,
[1,310] ne veux-tu pas te rafraîchir par le bain, goûter les attraits du repos? tu te rendras ensuite, le coeur satisfait, à ton navire, après avoir reçu de ma part un don choisi, précieux, tel que ceux qu'un ami met entre les mains de son ami, et qui sera dans ta demeure un monument de notre tendresse.
Ne retarde point mon départ, dit la déesse ; un objet pressant l'accélère. Lorsque je reviendrai, tu me feras tel don que me destinera ton coeur sensible, et (juste retour de ta bienveillance) tu en recevras un de moi, qui ne sera pas d'un prix moins flatteur. En disant ces mots, Pallas s'éloigne
[1,320] ὄρνις δ´ ὣς ἀνόπαια διέπτατο; τῷ δ´ ἐνὶ θυμῷ
θῆκε μένος καὶ θάρσος, ὑπέμνησέν τέ πατρὸς
μᾶλλον ἔτ´ τὸ πάροιθεν. δὲ φρεσὶν ᾗσι νοήσας
θάμβησεν κατὰ θυμόν; ὀΐσατο γὰρ θεὸν εἶναι.
αὐτίκα δὲ μνηστῆρας ἐπῴχετο ἰσόθεος φώς.
τοῖσι δ´ ἀοιδὸς ἄειδε περικλυτός, οἱ δὲ σιωπῇ
εἵατ´ ἀκούοντες; δ´ Ἀχαιῶν νόστον ἄειδε
λυγρόν, ὃν ἐκ Τροίης ἐπετείλατο Παλλὰς Ἀθήνη.
τοῦ δ´ ὑπερωϊόθεν φρεσὶ σύνθετο θέσπιν ἀοιδὴν
κούρη Ἰκαρίοιο, περίφρων Πηνελόπεια;
[1,320] et disparaît avec la rapidité de l'aigle. Le coeur de Télémaque est rempli d'une noble audace ; le souvenir de son père s'y réveille avec une force nouvelle. Frappé d'étonnement, il s'abandonne à ses pensées, et reconnaît que son hôte était une divinité. Bien- tôt il s'avance avec la majesté des immortels vers les amants de sa mère.
Le célèbre Phémius charmait par ses chants leur troupe assise en silence. II chantait les malheurs dont les Grecs furent accablés par Minerve, qui les poursuivit à leur retour de Troie. Du haut de son appartement, la fille d'Icare, la sage Pénélope, entendit les funestes accents du chantre divin.
[1,330] κλίμακα δ´ ὑψηλὴν κατεβήσετο οἷο δόμοιο,
οὐκ οἴη, ἅμα τῇ γε καὶ ἀμφίπολοι δύ´ ἕποντο.
δ´ ὅτε δὴ μνηστῆρας ἀφίκετο δῖα γυναικῶν,
στῆ ῥα παρὰ σταθμὸν τέγεος πύκα ποιητοῖο,
ἄντα παρειάων σχομένη λιπαρὰ κρήδεμνα;
ἀμφίπολος δ´ ἄρα οἱ κεδνὴ ἑκάτερθε παρέστη.
δακρύσασα δ´ ἔπειτα προσηύδα θεῖον ἀοιδόν;
Φήμιε, πολλὰ γὰρ ἄλλα βροτῶν θελκτήρια οἶδας
ἔργ´ ἀνδρῶν τε θεῶν τε, τά τε κλείουσιν ἀοιδοί;
τῶν ἕν γέ σφιν ἄειδε παρήμενος, οἱ δὲ σιωπῇ
[1,330] Elle descend les nombreux degrés, non seule; deux de ses femmes la suivent. Arrivée auprès de ses amants, la reine s'arrête sur le seuil de la salle superbe : là, couverte d'un voile qui ombrage légèrement ses traits, pla- cée entre ces deux femmes vertueuses, elle se tourne vers le chantre divin, et versant des larmes :
Phémius, dit-elle, il est en ton pouvoir de nous ravir par le chant d'un grand nombre d'actions merveilleuses, soit des dieux, soit des mortels, que célèbrent les fils des muses assis parmi ces chefs ; captive leur attention par l'un de ces sujets, et qu'ils vident les coupes en silence.
[1,340] οἶνον πινόντων; ταύτης δ´ ἀποπαύε´ ἀοιδῆς
λυγρῆς, τέ μοι αἰὲν ἐνὶ στήθεσσι φίλον κῆρ
τείρει, ἐπεί με μάλιστα καθίκετο πένθος ἄλαστον.
τοίην γὰρ κεφαλὴν ποθέω μεμνημένη αἰεὶ
ἀνδρός, τοῦ κλέος εὐρὺ καθ´ Ἑλλάδα καὶ μέσον Ἄργος.
τὴν δ´ αὖ Τηλέμαχος πεπνυμένος ἀντίον ηὔδα;
μῆτερ ἐμή, τί τ´ ἄρα φθονέεις ἐρίηρον ἀοιδὸν
τέρπειν ὅππῃ οἱ νόος ὄρνυται; οὔ νύ τ´ ἀοιδοὶ
αἴτιοι, ἀλλά ποθι Ζεὺς αἴτιος, ὅς τε δίδωσιν
ἀνδράσιν ἀλφηστῇσιν ὅπως ἐθέλῃσιν ἑκάστῳ.
[1,340] Mais arrête ce chant lugubre : chaque fois que tu l'entonnes, il porte le désespoir au fond de ce coeur brisé par le sentiment continuel des inexprimables regrets que je donne si justement à l'époux dont j'attends, hélas ! depuis tant d'années le retour; jour et nuit est présente à ma pensée l'image de ce héros, qui remplit la Grèce entière de sa gloire.
Le prudent Télémaque, prenant la parole : Ma mère, dit- il, pourquoi te courroucer contre l'aimable favori des muses, qui laisse couler de son âme ces accents enchanteurs ? Les chantres divins ne sont point la cause de tes infortunes ; c'est Jupiter, qui distribue à son gré aux misérables mortels les biens et les disgrâces.
[1,350] τούτῳ δ´ οὐ νέμεσις Δαναῶν κακὸν οἶτον ἀείδειν;
τὴν γὰρ ἀοιδὴν μᾶλλον ἐπικλείους´ ἄνθρωποι,
τις ἀϊόντεσσι νεωτάτη ἀμφιπέληται.
σοὶ δ´ ἐπιτολμάτω κραδίη καὶ θυμὸς ἀκούειν;
οὐ γὰρ Ὀδυσσεὺς οἶος ἀπώλεσε νόστιμον ἦμαρ
ἐν Τροίῃ, πολλοὶ δὲ καὶ ἄλλοι φῶτες ὄλοντο.
ἀλλ´ εἰς οἶκον ἰοῦσα τὰ ς´ αὐτῆς ἔργα κόμιζε,
ἱστόν τ´ ἠλακάτην τε, καὶ ἀμφιπόλοισι κέλευε
ἔργον ἐποίχεσθαι; μῦθος δ´ ἄνδρεσσι μελήσει
πᾶσι, μάλιστα δ´ ἐμοί; τοῦ γὰρ κράτος ἔστ´ ἐνὶ οἴκῳ.
[1,350] Phémius doit être exempt de blâme s'il célèbre les malheurs des Grecs : les chants les plus nouveaux captivent l'oreille charmée.
Aie assez d'empire sur toi-même pour l'écouter. Parmi ceux qui se rendirent aux bords troyens, Ulysse ne fut pas seul destiné à ne point revoir sa patrie : combien d'illustres guerriers y trouvèrent leur tombeau 1 Rentre dans ton appartement, reprends tes occupations chéries, la toile et les fuseaux ; dirige les mains industrieuses de tes femmes. Parler dans les assemblées est le partage des hommes, et ce doit être ici le mien, si le chef de ce palais a de l'autorité.
[1,360] μὲν θαμβήσασα πάλιν οἶκόνδε βεβήκει;
παιδὸς γὰρ μῦθον πεπνυμένον ἔνθετο θυμῷ.
ἐς δ´ ὑπερῷ´ ἀναβᾶσα σὺν ἀμφιπόλοισι γυναιξὶ
κλαῖεν ἔπειτ´ Ὀδυσῆα, φίλον πόσιν, ὄφρα οἱ ὕπνον
ἡδὺν ἐπὶ βλεφάροισι βάλε γλαυκῶπις Ἀθήνη.
μνηστῆρες δ´ ὁμάδησαν ἀνὰ μέγαρα σκιόεντα;
πάντες δ´ ἠρήσαντο παραὶ λεχέεσσι κλιθῆναι.
τοῖσι δὲ Τηλέμαχος πεπνυμένος ἤρχετο μύθων;
μητρὸς ἐμῆς μνηστῆρες, ὑπέρβιον ὕβριν ἔχοντες,
νῦν μὲν δαινύμενοι τερπώμεθα, μηδὲ βοητὺς
[1,360] Vivement frappée de la sagesse de son fils, Pénélope se retire, et recueille au fond du coeur toutes les paroles de Télémaque. Remontée avec ses femmes à son appartement, ses larmes recommencent à couler pour celui qu'elle aime, Ulysse son époux, jusqu'à ce qu'un doux sommeil envoyé par Minerve, ferme sa paupière.
Mais les amants de Pénélope font retentir d'un tumulte épouvantable le palais obscurci des ombres du soir ; l'amour embrase le coeur de tous ces chefs ; leurs désirs éclatent sans contrainte. Le sage Télémaque les réprime par ce dis- cours : O vous qui aspirez à ma mère, vous dont l'audace n'a plus de bornes, soyez du moins paisibles en ce moment, et livrez-vous aux plaisirs du festin sans le troubler par des cris tumultueux;
[1,370] ἔστω, ἐπεὶ τό γε καλὸν ἀκουέμεν ἐστὶν ἀοιδοῦ
τοιοῦδ´ οἷος ὅδ´ ἐστί, θεοῖς´ ἐναλίγκιος αὐδήν.
ἠῶθεν δ´ ἀγορήνδε καθεζώμεσθα κιόντες
πάντες, ἵν´ ὕμιν μῦθον ἀπηλεγέως ἀποείπω,
ἐξιέναι μεγάρων; ἄλλας δ´ ἀλεγύνετε δαῖτας,
ὑμὰ κτήματ´ ἔδοντες, ἀμειβόμενοι κατὰ οἴκους.
εἰ δ´ ὕμιν δοκέει τόδε λωΐτερον καὶ ἄμεινον
ἔμμεναι, ἀνδρὸς ἑνὸς βίοτον νήποινον ὀλέσθαι,
κείρετ´; ἐγὼ δὲ θεοὺς ἐπιβώσομαι αἰὲν ἐόντας,
αἴ κέ ποθι Ζεὺς δῷσι παλίντιτα ἔργα γενέσθαι;
[1,370] il y a bien plus de charme et de décence à prêter l'oreille aux chants d'un fils des muses, tel que celui-ci, dont les accents semblent partir des lèvres des immortels. Demain, réunis à la place publique dans une nombreuse assemblée, je vous dirai ouvertement de sortir de ce palais ; établissez ailleurs le lieu de vos festins, et vous recevant tour à tour, consumez vos propres richesses. Si, croyant ne pas rencontrer ici de vengeur, vous trouvez qu'il est bien plus facile et plus avantageux de conspirer lâchement à la perte d'une seule maison, poursuivez ; mais je conjurerai les dieux immortels, si jamais leurs châtiments répondent aux crimes,
[1,380] νήποινοί κεν ἔπειτα δόμων ἔντοσθεν ὄλοισθε.
ὣς ἔφαθ´, οἱ δ´ ἄρα πάντες ὀδὰξ ἐν χείλεσι φύντες
Τηλέμαχον θαύμαζον, θαρσαλέως ἀγόρευε.
τὸν δ´ αὖτ´ Ἀντίνοος προσέφη, Εὐπείθεος υἱός;
Τηλέμαχ´, μάλα δή σε διδάσκουσιν θεοὶ αὐτοὶ
ὑψαγόρην τ´ ἔμεναι καὶ θαρσαλέως ἀγορεύειν.
μὴ σέ γ´ ἐν ἀμφιάλῳ Ἰθάκῃ βασιλῆα Κρονίων
ποιήσειεν, τοι γενεῇ πατρώϊόν ἐστιν.
τὸν δ´ αὖ Τηλέμαχος πεπνυμένος ἀντίον ηὔδα;
Ἀντίνο´, εἴ πέρ μοι καὶ ἀγάσσεαι ὅττι κεν εἴπω,
[1,380] de vous ensevelir au sein de ce palais dans une ruine commune, sans qu'il reste de vous un vengeur.
Il dit : frappés du courage de ce jeune prince, ils le regardent avec étonnement, et, muets, ils impriment leurs dents sur leurs lèvres.
Mais le fils d'Eupithès, Antinoüs, prend la parole. Télémaque, les dieux mêmes t'ont sans doute instruit à parler avec tant d'élévation et d'audace. Puisse Jupiter, malgré les droits de ta naissance, ne permettre jamais que tu règnes dans l'île d'Ithaque !
Ma réponse, Antinoüs, enflammera-t-elle ton courroux? répliqua le fils d'Ulysse :
[1,390] καί κεν τοῦτ´ ἐθέλοιμι Διός γε διδόντος ἀρέσθαι.
φῂς τοῦτο κάκιστον ἐν ἀνθρώποισι τετύχθαι;
οὐ μὲν γάρ τι κακὸν βασιλευέμεν; αἶψά τέ οἱ δῶ
ἀφνειὸν πέλεται καὶ τιμηέστερος αὐτός.
ἀλλ´ τοι βασιλῆες Ἀχαιῶν εἰσὶ καὶ ἄλλοι
πολλοὶ ἐν ἀμφιάλῳ Ἰθάκῃ, νέοι ἠδὲ παλαιοί,
τῶν κέν τις τόδ´ ἔχῃσιν, ἐπεὶ θάνε δῖος Ὀδυσσεύς;
αὐτὰρ ἐγὼν οἴκοιο ἄναξ ἔσομ´ ἡμετέροιο
καὶ δμώων, οὕς μοι ληΐσσατο δῖος Ὀδυσσεύς.
τὸν δ´ αὖτ´ Εὐρύμαχος, Πολύβου πάϊς, ἀντίον ηὔδα;
[1,390] si telle est la volonté de Jupiter, je recevrai le sceptre de sa main. Toi-même, penses-tu qu'il soit un don si méprisable !
Il est beau de régner : un roi est environné de richesses et d'honneurs; sa personne est sacrée.
Mais parmi les jeunes gens ou les vieillards d'Ithaque, bien d'autres encore que moi peuvent aspirer au rang suprême : que l'un d'entre eux le possède, si le magnanime Ulysse n'est plus. Sachez cependant que, roi dans ma maison, je gouvernerai les biens et les esclaves que m'acquit ce héros.
Le fils de Polybe, Eurymaque, rompt le silence.


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Dernière mise à jour : 16/02/2005