[6,3] Ἐμοὶ δὲ ἡ συνήθης Τύχη πάλιν ἐπιτίθεται καὶ συντίθεται κατ´
ἐμοῦ δρᾶμα καινόν· ἐπάγει γάρ μοι τὸν Θέρσανδρον εὐθὺς παρελθόντα.
μεταπεισθεὶς γὰρ ὑπὸ τοῦ φίλου, πρὸς ὃν ᾤχετο, μὴ ἀπόκοιτος γενέσθαι,
δειπνήσας πάλιν ἀνέστρεφεν ἐπὶ τὴν οἰκίαν. ἦν δὲ
τῆς Ἀρτέμιδος ἱερομηνία καὶ μεθυόντων πάντα μεστά, ὥστε καὶ
δι´ ὅλης νυκτὸς τὴν ἀγορὰν ἅπασαν κατεῖχε πλῆθος ἀνθρώπων.
κἀγὼ μὲν ἐδόκουν τοῦτο μόνον εἶναι τὸ δεινόν· ἐλελήθει δὲ καὶ
ἄλλο τεχθέν μοι χαλεπώτερον.
ὁ γὰρ Σωσθένης ὁ τὴν Λευκίππην ἐωνημένος, ὃν ἡ Μελίτη τῆς τῶν ἀγρῶν
ἐκέλευσεν ἀποστῆναι διοικήσεως, μαθὼν παρεῖναι τὸν δεσπότην
τούς τε ἀγροὺς οὐκέτι ἀφῆκε τήν τε Μελίτην ἤθελεν ἀμύνασθαι.
καὶ πρῶτον μὲν φθάσας καταμηνύει μου πρὸς τὸν Θέρσανδρον
(ὁ γὰρ διαβαλὼν αὐτὸς ἦν), ἔπειτα καὶ περὶ Λευκίππης λέγει πάνυ πιθανῶς
πλασάμενος. ἐπεὶ γὰρ αὐτὸς αὐτῆς ἀπεγνώκει τυχεῖν, μαστροπεύει πρὸς
τὸν δεσπότην, ὡς ἂν αὐτὸν τῆς Μελίτης ἀπαγάγοι· "Κόρην ἐωνησάμην,
ὦ δέσποτα, καλήν, ἀλλὰ χρῆμά τι κάλλους ἄπιστον·
οὕτως αὐτὴν πιστεύσειας ἀκούων, ὡς ἰδών. ταύτην ἐφύλαττόν σοι·
καὶ γὰρ ἠκηκόειν ζῶντά σε, καὶ ἐπίστευον, ὅπερ ἤθελον. ἀλλ´ οὐκ ἐξέφαινον,
ἵνα τὴν δέσποιναν ἐπ´ αὐτοφώρῳ καταλάβοις καὶ μή σου καταγελᾷ μοιχὸς
ἄτιμος καὶ ξένος.
ἀφῄρηται δὲ ταύτην χθὲς ἡ δέσποινα καὶ ἔμελλεν ἀποπέμψειν· ἡ τύχη
δὲ ἐτήρησέ σοι, ὥστε τοσοῦτον κάλλος λαβεῖν. ἔστι δὲ νῦν ἐν τοῖς ἀγροῖς,
οὐκ οἶδ´ ὅπως πρὸς αὐτῆς ἀπεσταλμένη. πρὶν οὖν αὖθις ἐπανελθεῖν,
εἰ θέλεις, κατακλείσας αὐτὴν φυλάξω σοι, ὡς ὑπὸ σοὶ γένοιτο."
| [6,3] Pour moi, la Fortune, comme à l'ordinaire, se
refusa à me sourire et machina contre moi une nouvelle
mésaventure. Elle me conduisit droit en face de Thersandre,
qui passait. Il avait été persuadé par l'ami chez
lequel il s'était retiré de ne pas abandonner son domicile;
aussi, après avoir dîné, il revenait chez lui. C'était la fête
mensuelle d'Artémis et tout était rempli d'hommes ivres;
si bien que, même pendant toute la nuit, il y avait foule
sur la grand-place. Et moi je croyais que c'était là tout ce
que j'avais à redouter; j'ignorais qu'il se préparait un
danger autrement terrible !
Sosthénès, l'homme qui avait acheté Leucippé et que
Mélitté avait destitué de ses fonctions d'intendant de la
propriété de campagne, apprenant que le maître était
revenu, n'abandonna pas encore le domaine et chercha
le moyen de se venger de Mélitté. D'abord, il se dépêcha
de raconter à Thersandre tout ce qui me concernait
— c'était lui qui nous avait trahis; ensuite, au sujet de
Leucippé, il inventa une histoire tout à fait plausible.
Comme il ne pouvait parvenir lui-même à ses fins auprès
d'elle, il se fit entremetteur pour le compte de son
maître, afin d'éloigner celui-ci de Mélitté : « J'ai acheté
une fille, maître, une belle fille, un prodige incroyable
de beauté; crois ce que je t'en dis, comme si tu l'avais
vue. Je la gardais pour toi, car j'avais entendu dire que
tu étais vivant, et je le croyais, parce que je le désirais.
Mais je n'en disais rien, pour que tu surprennes la maîtresse
en flagrant délit, et qu'un amant de rien du tout,
un étranger, ne te ridiculise pas. Hier, la maîtresse m'a
enlevé la fille et elle se préparait à l'éloigner; mais la
Fortune te l'a conservée, et tu vas avoir à toi cette beauté.
Elle est maintenant à la maison de campagne, où on l'a
renvoyée pour je ne sais quelle raison. Avant qu'elle ne
s'en retourne, je puis, si tu veux, l'enfermer et te la
garder, pour qu'elle soit à ta disposition. »
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