[6,10] Ταῦτα δὲ ἔλεγε, προσποιησαμένη τὸν ἀφανισμὸν τῆς Λευκίππης
μὴ ἐγνωκέναι, ταμιευσαμένη αὖθις, εἰ ζητήσει ὁ Θέρσανδρος
εὑρεῖν τὴν ἀλήθειαν, τὰς θεραπαίνας ἀγαγεῖν, αἷς συναπελθοῦσα
ἔτυχεν, ἂν μὴ παραγένηται περὶ τὴν ἕω, λεγούσας, ὅπερ ἦν, οὐδαμοῦ
φαίνεσθαι τὴν κόρην· οὕτω γὰρ αὐτῇ ἦν ἐγκεῖσθαι πρὸς τὴν
ζήτησιν φανερῶς, ὡς καὶ τὸν Θέρσανδρον ἐπαναγκάσαι. ταῦτα οὖν
ὑποκριναμένη πιθανῶς κἀκεῖνα προσετίθει· "Πίστευσον, ἄνερ· οὐδέν
μου, φίλτατε, παρὰ τὸν τῆς συμβιώσεως κατέγνωκας χρόνον· μηδὲ
νῦν τοιοῦτον ὑπολάβοις. ἡ δὲ φήμη διαπεφοίτηκεν ἐκ τῆς εἰς τὸν
νεανίσκον τιμῆς, οὐκ εἰδότων τῶν πολλῶν τὴν αἰτίαν τῆς κοινωνίας.
καὶ γὰρ σὺ φήμῃ τέθνηκας.
Φήμη δὲ καὶ Διαβολὴ δύο συγγενῆ κακά· θυγάτηρ ἡ Φήμη τῆς Διαβολῆς.
καὶ ἔστι μὲν ἡ Διαβολὴ μαχαίρας ὀξυτέρα, πυρὸς σφοδροτέρα, Σειρήνων
πιθανωτέρα, ἡ δὲ Φήμη ὕδατος ὑγροτέρα, πνεύματος δρομικωτέρα, πτερῶν
ταχυτέρα. ὅταν οὖν ἡ Διαβολὴ τοξεύσῃ τὸν λόγον, ὁ μὲν δίκην βέλους
ἐξίπταται καὶ τιτρώσκει μὴ παρόντα καθ´ οὗ πέμπεται· ὁ δὲ ἀκούων
ταχὺ πείθεται, καὶ ὀργῆς αὐτῷ πῦρ ἐξάπτεται, καὶ ἐπὶ τὸν βληθέντα
μαίνεται. τεχθεῖσα δὲ ἡ Φήμη τῷ τοξεύματι ῥεῖ μὲν εὐθὺς πολλὴ
καὶ ἐπικλύζει τὰ ὦτα τῶν ἐντυχόντων, διαπνεῖ δὲ ἐπὶ πλεῖστον
καταιγίζουσα τῷ τοῦ λόγου πνεύματι καὶ ἐξίπταται κουφιζομένη τῷ
τῆς γλώττης πτερῷ. ταῦτά με τὰ δύο πολεμεῖ· ταῦτά σου τὴν ψυχὴν
κατέλαβε καὶ ἀπέκλεισέ μου τοῖς λόγοις τῶν ὤτων σου τὰς θύρας."
| [6,10] Voilà ce qu'elle lui raconta, en faisant semblant
d'ignorer la disparition de Leucippé; elle se réservait,
si Thersandre cherchait à découvrir la vérité, de faire
comparaître les petites servantes en compagnie desquelles
Leucippé était partie, afin, si Leucippé ne reparaissait
pas vers le matin, de leur faire dire, ce qui était la vérité,
que la jeune fille avait disparu. Ainsi, elle pourrait
continuer elle-même ouvertement ses recherches et,
en même temps, elle forcerait la main à Thersandre.
Outre les inventions, d'ailleurs plausibles, que j'ai
dites, elle ajouta : « Aie confiance en moi, Monsieur :
tu n'a jamais eu, mon chéri, aucun reproche à me faire
pendant le temps où nous avons vécu ensemble; ne viens
pas, maintenant, me soupçonner de quelque chose
comme cela! Ce bruit s'est répandu à cause de ce que
j'ai fait pour ce jeune homme, et alors que le public
ignorait les raisons de sa venue chez moi.
Ce sont les faux bruits qui te faisaient mourir.
Faux Bruit et Calomnie sont des fléaux apparentés :
Faux Bruit est fils de Calomnie. Calomnie est plus tranchante
qu'une épée, plus violente que la flamme, plus persuasive que
les Sirènes; Faux Bruit est plus élusif que l'eau, plus rapide
que le souffle du vent, plus prompt que des ailes. Lorsque
Calomnie, de son arc, lance un propos, ce propos file
comme un trait et blesse celui à qui il est destiné, même
absent. En l'entendant, on le croit aussitôt, le feu de la
colère s'allume, et l'on est furieux contre la victime. Et
le Faux Bruit provoqué par ce trait s'enfle et se répand
immédiatement, submerge les oreilles de ceux qu'il
rencontre, fait souffler, au loin, en tempête le vent des
mots et vole, emporté sur les ailes de la langue!
Ce sont ces deux pestes qui me font la guerre; ce sont elles qui
se sont emparées de ton âme et qui ont fermé à mes discours
les portes de tes oreilles. »
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