[4] Ἀλλὰ μὴν καὶ πίστεως ὅστις ἐλάχιστον μετέχει, πῶς
οὐχὶ μεγάλου ἀγαθοῦ μειονεκτεῖ; ποία μὲν γὰρ ξυνουσία
ἡδεῖα ἄνευ πίστεως τῆς πρὸς ἀλλήλους, ποία δ´ ἀνδρὶ καὶ
γυναικὶ τερπνὴ ἄνευ πίστεως ὁμιλία, ποῖος δὲ θεράπων
ἡδὺς ἀπιστούμενος; καὶ τούτου τοίνυν τοῦ πιστῶς πρός
τινας ἔχειν ἐλάχιστον μέτεστι τυράννῳ· ὁπότε γε οὐδὲ
σιτίοις καὶ ποτοῖς πιστεύων διάγει, ἀλλὰ καὶ τούτων πρὶν
ἀπάρχεσθαι τοῖς θεοῖς τοὺς διακόνους πρῶτον κελεύουσιν
ἀπογεύεσθαι διὰ τὸ ἀπιστεῖν μὴ καὶ ἐν τούτοις κακόν τι
φάγωσιν ἢ πίωσιν· ἀλλὰ μὴν καὶ αἱ πατρίδες τοῖς μὲν
ἄλλοις ἀνθρώποις πλείστου ἄξιαι. πολῖται γὰρ δορυφοροῦσι
μὲν ἀλλήλους ἄνευ μισθοῦ ἐπὶ τοὺς δούλους, δορυφοροῦσι
δ´ ἐπὶ τοὺς κακούργους, ὑπὲρ τοῦ μηδένα τῶν πολιτῶν
βιαίῳ θανάτῳ ἀποθνῄσκειν. οὕτω δὲ πόρρω προεληλύθασι
φυλακῆς ὥστε πεποίηνται πολλοὶ νόμον τῷ μιαιφόνῳ μηδὲ
τὸν συνόντα καθαρεύειν· ὥστε διὰ τὰς πατρίδας ἀσφαλῶς
ἕκαστος βιοτεύει τῶν πολιτῶν. τοῖς δὲ τυράννοις καὶ τοῦτο
ἔμπαλιν ἀνέστραπται. ἀντὶ γὰρ τοῦ τιμωρεῖν αἱ πόλεις
αὐτοῖς μεγάλως τιμῶσι τὸν ἀποκτείναντα τὸν τύραννον, καὶ
ἀντί γε τοῦ εἴργειν ἐκ τῶν ἱερῶν, ὥσπερ τοὺς τῶν ἰδιωτῶν
φονέας, ἀντὶ τούτου καὶ εἰκόνας ἐν τοῖς ἱεροῖς ἱστᾶσιν αἱ
πόλεις τῶν τοιοῦτόν τι ποιησάντων.
Εἰ δὲ σὺ οἴει ὡς πλείω ἔχων τῶν ἰδιωτῶν κτήματα ὁ
τύραννος διὰ τοῦτο καὶ πλείω ἀπ´ αὐτῶν εὐφραίνεται, οὐδὲ
τοῦτο οὕτως ἔχει, ὦ Σιμωνίδη, ἀλλ´ ὥσπερ οἱ ἀθληταὶ οὐχ
ὅταν ἰδιωτῶν γένωνται κρείττονες, τοῦτ´ αὐτοὺς εὐφραίνει,
ἀλλ´ ὅταν τῶν ἀνταγωνιστῶν ἥττους, τοῦτ´ αὐτοὺς ἀνιᾷ,
οὕτω καὶ ὁ τύραννος οὐχ ὅταν τῶν ἰδιωτῶν πλείω φαίνηται
ἔχων, τότ´ εὐφραίνεται, ἀλλ´ ὅταν ἑτέρων τυράννων ἐλάττω
ἔχῃ, τούτῳ λυπεῖται· τούτους γὰρ ἀνταγωνιστὰς ἡγεῖται
αὑτῷ τοῦ πλούτου εἶναι. οὐδέ γε θᾶττόν τι γίγνεται τῷ
τυράννῳ ἢ τῷ ἰδιώτῃ ὧν ἐπιθυμεῖ. ὁ μὲν γὰρ ἰδιώτης
οἰκίας ἢ ἀγροῦ ἢ οἰκέτου ἐπιθυμεῖ, ὁ δὲ τύραννος ἢ πόλεων
ἢ χώρας πολλῆς ἢ λιμένων ἢ ἀκροπόλεων ἰσχυρῶν, ἅ ἐστι
πολὺ χαλεπώτερα καὶ ἐπικινδυνότερα κατεργάσασθαι τῶν
ἰδιωτικῶν ἐπιθυμημάτων. ἀλλὰ μέντοι καὶ πένητας ὄψει
{οὐχ} οὕτως ὀλίγους τῶν ἰδιωτῶν ὡς πολλοὺς τῶν τυράννων.
οὐ γὰρ τῷ ἀριθμῷ οὔτε τὰ πολλὰ κρίνεται οὔτε τὰ ὀλίγα,
ἀλλὰ πρὸς τὰς χρήσεις· ὥστε τὰ μὲν ὑπερβάλλοντα τὰ
ἱκανὰ πολλά ἐστι, τὰ δὲ τῶν ἱκανῶν ἐλλείποντα ὀλίγα.
τῷ οὖν τυράννῳ τὰ πολλαπλάσια ἧττον ἱκανά ἐστιν εἰς τὰ
ἀναγκαῖα δαπανήματα ἢ τῷ ἰδιώτῃ. τοῖς μὲν γὰρ ἰδιώταις
ἔξεστι τὰς δαπάνας συντέμνειν εἰς τὰ καθ´ ἡμέραν ὅπῃ
βούλονται, τοῖς δὲ τυράννοις οὐκ ἐνδέχεται. αἱ γὰρ μέγισται
αὐτοῖς δαπάναι καὶ ἀναγκαιόταται εἰς τὰς τῆς ψυχῆς
φυλακάς εἰσι· τὸ δὲ τούτων τι συντέμνειν ὄλεθρος δοκεῖ
εἶναι. ἔπειτα δὲ ὅσοι μὲν δύνανται ἔχειν ἀπὸ τοῦ δικαίου
ὅσων δέονται, τί ἂν τούτους οἰκτίροι τις ὡς πένητας; ὅσοι
δ´ ἀναγκάζονται δι´ ἔνδειαν κακόν τι καὶ αἰσχρὸν μηχανώμενοι
ζῆν, πῶς οὐ τούτους ἀθλίους ἄν τις καὶ πένητας δικαίως
νομίζοι; οἱ τύραννοι τοίνυν ἀναγκάζονται πλεῖστα συλᾶν
ἀδίκως καὶ ἱερὰ καὶ ἀνθρώπους διὰ τὸ εἰς τὰς ἀναγκαίας
δαπάνας ἀεὶ προσδεῖσθαι χρημάτων. ὥσπερ γὰρ πολέμου
ὄντος ἀεὶ ἀναγκάζονται στράτευμα τρέφειν ἢ ἀπολωλέναι.
| [4] CHAPITRE IV.
« Parlons de la confiance. Si l’on en manque presque entièrement, on
est infailliblement privé d’un grand bien. Quel charme peut-on
trouver dans la société, si l’on n’y est pas en confiance ? quelle
douceur dans l’union de l’homme et de la femme, s’ils se défient l’un
de l’autre ? Comment le serviteur pourrait-il plaire, s’il n’inspirait pas
confiance ? Or, à l’égard de la confiance, le tyran est le plus mal
partagé de tous. Toute sa vie, il suspecte ce qu’il mange et ce qu’il
boit, et, avant même d’en offrir les prémices aux dieux, il le fait
goûter à ses serviteurs, parce qu’il se méfie et qu’il a peur d’avaler du
poison dans ses plats ou dans sa coupe.
« Un des biens les plus précieux pour les hommes, c’est la patrie. Les
membres d’une même patrie se gardent les uns les autres, sans solde,
contre les esclaves ; ils se gardent de même contre les malfaiteurs,
afin que nul d’entre eux ne meure de mort violente. Et l’on a poussé si
loin la précaution qu’en plusieurs pays la loi ordonne de réputer
impur tout homme qui converse avec un meurtrier ; la conséquence
est que, grâce à sa patrie, chaque citoyen vit en sûreté. Pour les
tyrans, c’est la situation renversée. Au lieu de les venger, les États
défèrent de grands honneurs aux tyrannicides, et, au lieu de leur
interdire les sacrifices, comme aux assassins des particuliers, les États
font élever des statues dans les lieux sacrés aux auteurs de ces
exploits. Et, si tu penses qu’un tyran, parce qu’il a plus de biens
que les particuliers, en retire aussi plus de jouissances, tu es encore
une fois dans l’erreur, Simonide. Les athlètes n’ont pas de plaisir à
vaincre, quand ils se battent contre des gens qui n’entendent rien à la
lutte ; mais, s’ils sont vaincus par leurs rivaux, ils en ont du dépit ; de
même le tyran ne se réjouit pas de paraître plus riche que les
hommes privés, mais il s’afflige de voir d’autres tyrans plus opulents
que lui ; car il les regarde comme des rivaux en richesses.
« Il n’est pas vrai non plus que les désirs du tyran soient plus vite
satisfaits que ceux de l’homme privé. Ce qu’un particulier désire, c’est
une maison, un champ, un serviteur ; ce que le tyran convoite, ce sont
des villes, de vastes pays, des ports, de fortes citadelles, choses qu’on
acquiert avec beaucoup plus de peine et de danger que ce que désire
un homme privé. D’ailleurs tu verras moins de pauvres parmi les
particuliers que parmi les tyrans ; car ce qui est beaucoup et ce qui
est suffisant ne se détermine pas par le nombre des objets qu’on
possède, mais par l’usage qu’on en fait, et, selon cette idée, beaucoup,
c’est ce qui est au delà de ce qui suffit, et peu, ce qui est en deçà. Or
un tyran, avec beaucoup plus, se trouve avoir pour les dépenses
nécessaires beaucoup moins que le particulier. Celui-ci en effet peut
restreindre à son gré ses dépenses quotidiennes ; le tyran ne le peut
pas ; car les dépenses les plus considérables et les plus nécessaires
sont employées à la sûreté de sa vie, et il semble qu’il n’en peut rien
retrancher sans se perdre. Et puis ceux qui peuvent pourvoir à leurs
besoins par des voies légitimes, pourquoi les regarder en pitié, comme
des pauvres ? tandis que ceux que leur indigence contraint pour vivre
à des trafics malhonnêtes et honteux, comment ne pas les considérer
à juste titre comme des malheureux et des pauvres ? Or les tyrans
sont forcés de commettre des vols sans nombre et de dépouiller
injustement les temples des dieux et les hommes, parce qu’ils ont
toujours de nouveaux besoins d’argent pour subvenir à des dépenses
indispensables. Etant pour ainsi dire toujours en état de guerre, ils
sont obligés d’entretenir une armée ou de périr. »
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