[3] Φιλίας δ´ αὖ καταθέασαι ὡς κοινωνοῦσιν οἱ τύραννοι.
πρῶτον μὲν εἰ μέγα ἀγαθὸν ἀνθρώποις ἡ φιλία, τοῦτο
ἐπισκεψώμεθα. ὃς γὰρ ἂν φιλῆται δήπου ὑπό τινων,
ἡδέως μὲν τοῦτον οἱ φιλοῦντες παρόντα ὁρῶσιν, ἡδέως δ´
εὖ ποιοῦσι, ποθοῦσι δέ, ἤν που ἀπῇ, ἥδιστα δὲ πάλιν
προσιόντα δέχονται, συνήδονται δ´ ἐπὶ τοῖς αὐτοῦ ἀγαθοῖς,
συνεπικουροῦσι δέ, ἐάν τι σφαλλόμενον ὁρῶσιν. οὐ μὲν
δὴ λέληθεν οὐδὲ τὰς πόλεις ὅτι ἡ φιλία μέγιστον ἀγαθὸν
καὶ ἥδιστον ἀνθρώποις ἐστί· μόνους γοῦν τοὺς μοιχοὺς
νομίζουσι πολλαὶ τῶν πόλεων νηποινεὶ ἀποκτείνειν, δῆλον
ὅτι διὰ ταῦτα ὅτι λυμαντῆρας αὐτοὺς νομίζουσι τῆς τῶν
γυναικῶν φιλίας πρὸς τοὺς ἄνδρας εἶναι. ἐπεὶ ὅταν γε
ἀφροδισιασθῇ κατὰ συμφοράν τινα γυνή, οὐδὲν ἧττον τούτου
ἕνεκεν τιμῶσιν αὐτὰς οἱ ἄνδρες, ἐάνπερ ἡ φιλία δοκῇ
αὐταῖς ἀκήρατος διαμένειν· τοσοῦτον δέ τι ἀγαθὸν κρίνω
ἔγωγε τὸ φιλεῖσθαι εἶναι ὥστε νομίζω τῷ ὄντι αὐτόματα
τἀγαθὰ τῷ φιλουμένῳ γίγνεσθαι καὶ παρὰ θεῶν καὶ παρὰ
ἀνθρώπων· καὶ τούτου τοίνυν τοῦ κτήματος τοιούτου ὄντος
μειονεκτοῦσιν οἱ τύραννοι πάντων μάλιστα. εἰ δὲ βούλει,
ὦ Σιμωνίδη, εἰδέναι ὅτι ἀληθῆ λέγω, ὧδε ἐπίσκεψαι. βεβαιόταται
μὲν γὰρ δήπου δοκοῦσι φιλίαι εἶναι γονεῦσι πρὸς
παῖδας καὶ παισὶ πρὸς γονέας καὶ ἀδελφοῖς πρὸς ἀδελφοὺς
καὶ γυναιξὶ πρὸς ἄνδρας καὶ ἑταίροις πρὸς ἑταίρους· εἰ
τοίνυν ἐθέλεις κατανοεῖν, εὑρήσεις τοὺς μὲν ἰδιώτας ὑπὸ
τούτων μάλιστα φιλουμένους, τοὺς δὲ τυράννους πολλοὺς
μὲν παῖδας ἑαυτῶν ἀπεκτονότας, πολλοὺς δ´ ὑπὸ παίδων
αὐτοὺς ἀπολωλότας, πολλοὺς δὲ ἀδελφοὺς ἐν τυραννίσιν
ἀλληλοφόνους γεγενημένους, πολλοὺς δὲ καὶ ὑπὸ γυναικῶν
τῶν ἑαυτῶν τυράννους διεφθαρμένους καὶ ὑπὸ ἑταίρων γε
τῶν μάλιστα δοκούντων φίλων εἶναι. οἵτινες οὖν ὑπὸ τῶν
φύσει πεφυκότων μάλιστα φιλεῖν καὶ νόμῳ συνηναγκασμένων
οὕτω μισοῦνται, πῶς ὑπ´ ἄλλου γέ τινος οἴεσθαι χρὴ αὐτοὺς
φιλεῖσθαι;
| [3] CHAPITRE III
« Considère à présent l’amitié et vois celle que les tyrans ont en
partage. Mais d’abord l’amitié est-elle un grand bien pour les
hommes ? C’est ce qu’il faut examiner. Quand un homme est aimé,
ses amis sont charmés de sa présence, charmés de lui faire du bien ;
absent, ils le regrettent ; est-il de retour, ils l’accueillent avec
allégresse, ils se réjouissent ensemble de son bonheur et lui viennent
tous en aide, s’ils le voient en butte à quelque infortune. Les États
eux-mêmes n’ignorent pas que, de tous les biens, l’amitié est le plus
grand et le plus doux pour l’homme. En tout cas, il est admis dans
beaucoup de cités que seuls les adultères peuvent être tués
impunément, et la raison en est évidente, c’est qu’on pense qu’ils
détruisent l’affection des femmes pour leur mari. Qu’une femme ait
été prise accidentellement par un autre homme, son mari ne
l’estimera pas moins pour cela, si sa tendresse lui paraît n’avoir reçu
aucune atteinte. Pour moi, je regarde comme un si grand bonheur
d’être aimé que je crois que les biens viennent réellement d’eux-mêmes
à l’homme aimé, et de chez les dieux et de chez les hommes.
Mais ce bien si précieux, personne n’en jouit moins que les tyrans. Si
tu veux, Simonide, te convaincre que je dis vrai, considère les choses
de ce point de vue.
«Les amitiés qui semblent les plus stables sont, n’est-ce pas ? celles
des parents pour leurs enfants, des enfants pour leurs parents, des
frères pour leurs frères, des femmes pour leurs maris, et des
camarades pour leurs camarades. Si tu veux bien y réfléchir, tu
trouveras ces amitiés très fortes chez les particuliers, tandis que
parmi les tyrans tu trouveras beaucoup de pères qui ont tué leurs
enfants, beaucoup qui ont été tués par eux, beaucoup de frères qui se
sont entre-tués pour un trône, beaucoup de tyrans qui ont été
égorgés par leur femme ou par des camarades dont ils se croyaient
tendrement aimés. Si donc ceux que la nature dispose et que la loi
contraint à nourrir pour les tyrans la plus grande affection ont pour
eux une telle haine, quelle apparence y a-t-il que d’autres les chérissent ? »
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