[2,1] Ὁ δὲ Ἁβροκόμης καὶ ἡ Ἀνθία ἧκον εἰς τὸ δωμάτιον
ἔνθα συνήθως διῃτῶντο, καὶ πρὸς ἀλλήλους εἰπόντες
ἅπερ ἠκηκόεσαν, καταβαλόντες ἑαυτοὺς ἔκλαιον, ὠδύροντο.
«Ὦ πάτερ» ἔλεγον, «ὦ μῆτερ, ὦ πατρὶς φιλτάτη
καὶ οἰκεῖοι καὶ συγγενεῖς». Τελευταῖον δὲ ἀνενεγκὼν ὁ
Ἁβροκόμης «ὢ κακοδαίμονες» ἔφησεν «ἡμεῖς, τί ἄρα
πεισόμεθα ἐν γῇ βαρβάρῳ, πειρατῶν ὕβρει παραδοθέντες
{πειρατῶν}; Ἄρχεται τὰ μεμαντευμένα· τιμωρίαν ἤδη με
ὁ θεὸς τῆς ὑπερηφανίας εἰσπράττει· ἐρᾷ Κόρυμβος ἐμοῦ,
σοῦ δὲ Εὔξεινος. Ὢ τῆς ἀκαίρου πρὸς ἑκατέρους
εὐμορφίας, εἰς τοῦτο ἄρα μέχρι νῦν σώφρων ἐτηρήθην, ἵνα
ἐμαυτὸν ὑποθῶ λῃστῇ ἐρῶντι τὴν αἰσχρὰν ἐπιθυμίαν; Καὶ
τίς ἐμοὶ βίος περιλείπεται πόρνῃ μὲν ἀντὶ ἀνδρὸς γενομένῳ,
ἀποστερηθέντι δὲ Ἀνθίας τῆς ἐμῆς; Ἀλλ´ οὐ
μὰ τὴν μέχρις ἄρτι σωφροσύνην ἐκ παιδός μοι σύντροφον,
οὐκ ἂν ἐμαυτὸν ὑποθείην Κορύμβῳ· τεθνήξομαι δὲ πρότερον
καὶ φανοῦμαι νεκρὸς σώφρων». Ταῦτα ἔλεγε
καὶ ἐπεδάκρυεν· ἡ δὲ Ἀνθία «φεῦ τῶν κακῶν» εἶπε,
«ταχέως γε τῶν ὅρκων ἀναμνησθῆναι ἀναγκαζόμεθα,
ταχέως τῆς δουλείας πειρώμεθα· ἐρᾷ τις ἐμοῦ καὶ πείσας
ἤλπιζεν εἰς εὐνὴν ἐλεύσεσθαι τὴν ἐμὴν μετὰ Ἁβροκόμην
καὶ συγκατακλιθήσεσθαι καὶ ἀπολαύσειν ἐπιθυμίας.
Ἀλλὰ μὴ οὕτως ἐγὼ φιλόζωος γενοίμην, μηδ´ ὑπομείναιμι
ὑβρισθεῖσα ἰδεῖν τὸν ἥλιον. Δεδόχθω ταῦτα· ἀποθνῄσκωμεν,
Ἁβροκόμη· ἕξομεν ἀλλήλους μετὰ θάνατον, ὑπ´
οὐδενὸς ἐνοχλούμενοι».
| [2,1] Abrocome et la belle Anthia ne se virent pas plutôt seuls dans le petit réduit qu'on leur avait donné pour demeure, qu'ils se communiquèrent les indignes propositions des corsaires ; ils réfléchirent inutilement aux moyens de les prévenir ; que pouvaient-ils opposer à la force et à la brutalité, que les plaintes et les larmes, unique consolation des malheureux? On les eût comparés à deux tendres brebis que des loups carnassiers réservent à leur faim cruelle ; étendus par terre, l'un à côté de l'autre, ô mon père, disaient-ils, ô ma mère, ô ma chère patrie, ô mes chers amis, et vous mes parents et mes serviteurs fidèles qui m'étiez attachés ! le voilà donc accompli cet oracle ! voilà donc le commencement des malheurs dont il nous a menacés. Hélas ! reprenait ensuite Abrocome, qu'allons-nous devenir? Dans un pays barbare, réduits à la merci de l'insolence ; quel sera notre sort ? Cupidon, je reçois le châtiment de mon orgueil ! Corimbe, un vil corsaire est amoureux de moi, et le barbare Euxine veut m'enlever mon épouse qui est un autre moi-même. O fatale beauté ! que vous brillez à contre-temps et pour l'un et pour l'autre ! moi qui me suis conservé chaste jusqu'à ce jour, je serais assez lâche pour me livrer aux desirs d'un infâme ! Eh ! que me servira la vie lorsque je serai privé de ma chère Anthia, et que d'homme je serai devenu . . . Ah ! je fais serment, je le jure par vous, ô sainte pudeur, qui me suivîtes dans mon enfance et qui ne m'avez jamais quittée, que les vœux de Corimbe n'auront aucun effet; je mourrai plutôt mille fois, et je paraîtrai du moins un mort chaste aux mânes de qui l'on ne pourra faire aucun reproche.
Tandis qu'Abrocome donnait un libre cours à ses soupirs, Anthia ne pouvait contenir ses larmes: quel sort inoui, disait-elle ! faut-il que nous ayons perdu si promptement notre liberté ? Faut-il, ô dieux, que nous soyons obligés sitôt de garder nos serments ? Un autre que mon époux est épris de mes faibles charmes, et le téméraire ose espérer quelque retour de mon cœur ; il ose croire qu'il remplacera mon cher Abrocome, et qu'il me trouvera docile à ses volontés ; il s'imagine donc que la vie m'est plus chère que ma tendresse, et que je souffrirois que le soleil m'éclairât de sa lumière divine après qu'on aurait outragé ma vertu ; ah, mourons, cher Abrocome, reprenait-elle en l'embrassant ! nous nous posséderons, après la mort, dans les Champs-Élisées ; là, les envieux ne troubleront point nos amours ; l'arrêt en est porté, mourons.
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