[1,1] Ἦν ἐν Ἐφέσῳ ἀνὴρ τῶν τὰ πρῶτα ἐκεῖ δυναμένων,
Λυκομήδης ὄνομα. Τούτῳ τῷ Λυκομήδει ἐκ γυναικὸς ἐπιχωρίας
Θεμιστοῦς γίνεται παῖς Ἁβροκόμης, μέγα δή τι
χρῆμα {ὡραιότητι σώματος ὑπερβαλλούσῃ} κάλλους οὔτε ἐν
Ἰωνίᾳ οὔτε ἐν ἄλλῃ γῇ πρότερον γενομένου.
Οὗτος ὁ Ἁβροκόμης ἀεὶ μὲν καὶ καθ´ ἡμέραν εἰς κάλλος ηὔξετο,
συνήνθει δὲ αὐτῷ τοῖς τοῦ σώματος καλοῖς καὶ τὰ τῆς
ψυχῆς ἀγαθά· παιδείαν τε γὰρ πᾶσαν ἐμελέτα καὶ μουσικὴν
ποικίλην ἤσκει, θήρα δὲ αὐτῷ καὶ ἱππασία καὶ ὁπλομαχία
συνήθη γυμνάσματα. Ἦν δὲ περισπούδαστος
ἅπασιν Ἐφεσίοις, ἅμα καὶ τοῖς τὴν ἄλλην Ἀσίαν οἰκοῦσι,
καὶ μεγάλας εἶχον ἐν αὐτῷ τὰς ἐλπίδας ὅτι πολίτης ἔσοιτο
διαφέρων. Προσεῖχον δὲ ὡς θεῷ τῷ μειρακίῳ· καί εἰσιν
ἤδη τινὲς οἳ καὶ προσεκύνησαν ἰδόντες καὶ προσηύξαντο.
Ἐφρόνει δὲ τὸ μειράκιον ἐφ´ ἑαυτῷ μεγάλα καὶ ἠγάλλετο
μὲν καὶ τοῖς τῆς ψυχῆς κατορθώμασι, πολὺ δὲ μᾶλλον τῷ
κάλλει τοῦ σώματος· πάντων δὲ τῶν ἄλλων, ὅσα δὴ ἐλέγετο
καλά, ὡς ἐλαττόνων κατεφρόνει καὶ οὐδὲν αὐτῷ, οὐ θέαμα,
οὐκ ἄκουσμα ἄξιον Ἁβροκόμου κατεφαίνετο· καὶ εἴ
τινα ἢ παῖδα καλὸν ἀκούσαι ἢ παρθένον εὔμορφον, κατεγέλα
τῶν λεγόντων ὡς οὐκ εἰδότων ὅτι εἷς καλὸς αὐτός.
Ἔρωτά γε μὴν οὐδὲ ἐνόμιζεν εἶναι θεόν, ἀλλὰ πάντη ἐξέβαλεν
ὡς οὐδὲν ἡγούμενος, λέγων ὡς οὐκ ἄν ποτέ {οὔ} τις
ἐρασθείη οὐδὲ ὑποταγείη τῷ θεῷ μὴ θέλων· εἰ δέ που
ἱερὸν ἢ ἄγαλμα Ἔρωτος εἶδε, κατεγέλα, ἀπέφαινέ τε
ἑαυτὸν Ἔρωτος παντὸς καλλίονα {καὶ κάλλει σώματος καὶ
δυνάμει}. Καὶ εἶχεν οὕτως· ὅπου γὰρ Ἁβροκόμης ὀφθείη,
οὔτε ἄγαλμα καλὸν κατεφαίνετο οὔτε εἰκὼν ἐπῃνεῖτο.
| [1,1] Ephese avait donné le jour à Licomède, qui passait pour un des plus riches et des plus illustres habitants de cette ville; il épousa Themisto, sa concitoyenne, et en eut un fils nommé Abrocome. L'amour et l'hymen unis ensemble n'avaient jamais produit un enfant aussi beau, ni en Ionie, ni dans le reste du monde. Les agréments de son esprit qu'il cultivait sans cesse par l'étude, ne le cédaient point à sa beauté; et de ce charmant assemblage naissaient chaque jour différentes belles qualités qui semblaient éclore de concert pour le faire admirer universellement. S'il jouait de la lyre, on le prenait pour Apollon ; s'il chantait, pour Orphée. Il lançait un javelot avec adresse ; et Mars lui-même n'aurait pu dompter un cheval avec plus de grâce et de fierté.
Les Éphésiens et les peuples du reste de l'Asie fondaient sur son mérite de grandes espérances ; ils ne doutaient pas que le tems ne le rendît un citoyen illustre; que dis-je ? plusieurs le considéraient comme un Dieu ; quelques-uns même l'adoraient en le voyant, et lui offraient des vœux.
A tant de vertus il ne manquait qu'un peu de modestie; Abrocome avait une si grande confiance en lui-même, et surtout en sa beauté, que son orgueil le rendait insupportable. Il regardait tout avec dédain ; et ce qui causait de l'admiration aux autres, lui paraissait un objet de mépris. Vantait-on en sa présence la taille et la figure d'un jeune homme de son âge, ou se récriait-on sur les charmes naissants d'une jeune fille, il tournait en ridicule, par un souris moqueur, ceux qui faisaient cet éloge, et son souris semblait leur dire : vous êtes donc les seuls qui ne sachiez pas qu'il n'y a rien de beau auprès d'Abrocome.
De ces sentiments, il est aisé de conclure qu'il n'ajoutait guères de foi à l'amour, encore moins à sa divinité; c'était, à l'entendre, un être chimérique, que la folie des hommes avait imaginé pour mieux autoriser leurs faiblesses ; un dieu qui ne soumettait sous son empire que les cœurs qui voulaient bien s'y soumettre. Si par hazard il apercevait un temple, ou la statue de l'amour, il poussait même l'impiété plus loin; alors il se comparait à ce fils de Vénus; il mettait ses charmes au-dessus des siens, et voulait l'emporter sur la beauté même : de sorte que, partout où se montrait Abrocome, il n'était plus question d'aucun hommage pour l'enfant de Cythère.
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