[0] ΑΛΩΣΙΣ ΙΛΙΟΥ.
1 Τέρμα πολυκμήτοιο μεταχρόνιον πολέμοιο
2 καὶ λόχον Ἀργείης ἱππήλατον ἔργον Ἀθήνης,
3 αὐτίκα μοι σπεύδοντι πολὺν διὰ μῦθον ἀνεῖσα
4 ἔννεπε, Καλλιόπεια, καὶ ἀρχαίην ἔριν ἀνδρῶν
5 κεκριμένου πολέμοιο ταχείῃ λῦσον ἀοιδῇ.
6 ἤδη μὲν δεκάτοιο κυλινδομένου λυκάβαντος
7 γηραλέη τετάνυστο φόνων ἀκόρητος Ἐνυὼ
8 Τρωσί τε καὶ Δαναοῖσιν· ἐναιρομένων δ´ ἄρα φωτῶν
9 δούρατα κεκμήκει, ξιφέων δ´ ἔθνῃσκον ἀπειλαί,
10 σβέννυτο θωρήκων ἐνοπή, μινύθεσκε δ´ ἑλικτὴ
11 ἁρμονίη ῥηχθεῖσα φερεσσακέων τελαμώνων,
12 ἀσπίδες οὐκ ἀνέχοντο μένειν ἔτι δοῦπον ἀκόντων,
13 λύετο καμπύλα τόξα, κατέρρεον ὠκέες ἰοί.
14 ἵπποι δ´ οἱ μὲν ἄνευθεν ἀεργηλῆς ἐπὶ φάτνης
15 οἰκτρὰ κάτω μύοντες ὁμόζυγας ἔστενον ἵππους,
16 οἱ δ´ αὐτοὺς ποθέοντες ὀλωλότας ἡνιοχῆας.
17 κεῖτο δὲ Πηλείδης μὲν ἔχων ἅμα νεκρὸν ἑταῖρον,
18 Ἀντιλόχῳ δ´ ἐπὶ παιδὶ γέρων ὠδύρετο Νέστωρ,
19 Αἴας δ´ αὐτοφόνῳ βριαρὸν δέμας ἕλκεϊ λύσας
20 φάσγανον ἐχθρὸν ἔλουσε μεμηνότος αἵματος ὄμβρῳ.
21 Τρωσὶ δὲ λωβητῆρσιν ἐφ´ Ἕκτορος ἑλκυθμοῖσι
22 μυρομένοις οὐ μοῦνον ἔην ἐπιδήμιον ἄλγος,
23 ἀλλὰ καὶ ἀλλοθρόοις ἐπὶ πένθεσι κωκύοντες
24 δάκρυσιν ἠμείβοντο πολυγλώσσων ἐπικούρων.
25 κλαῖον μὲν Λύκιοι Σαρπηδόνα, τόν ποτε μήτηρ
26 ἐς Τροίην μὲν ἔπεμψεν ἀγαλλομένη Διὸς εὐνῇ,
27 δουρὶ δὲ Πατρόκλοιο Μενοιτιάδαο πεσόντα
28 αἵματι δακρύσας ἐχύθη πατρώιος ἀήρ.
29 καὶ δολίην ὑπὸ νύκτα κακῷ πεπεδημένον ὕπνῳ
30 Ῥῆσον μὲν Θρήικες ἐκώκυον· ἡ δ´ ἐπὶ πότμῳ
31 Μέμνονος οὐρανίην νεφέλην ἀνεδήσατο μήτηρ
32 φέγγος ὑποκλέψασα κατηφέος ἤματος Ἠώς.
33 αἱ δ´ ἀπὸ Θερμώδοντος ἀρηιφίλοιο γυναῖκες
34 κοπτόμεναι περίκυκλον ἀθηλέος ὄμφακα μαζοῦ
35 παρθένον ὠδύροντο δαΐφρονα Πενθεσίλειαν,
36 ἥτε πολυξείνοιο χορὸν πολέμοιο μολοῦσα
37 θηλείης ὑπὸ χειρὸς ἀπεσκέδασεν νέφος ἀνδρῶν
38 νῆας ἐς ἀγχιάλους· μελίῃ δέ ἑ μοῦνος ὑποστὰς
39 καὶ κτάνε καὶ σύλησε καὶ ἐκτερέιξεν Ἀχιλλεύς.
40 εἱστήκει δ´ ἔτι πᾶσα θεοδμήτων ὑπὸ πύργων
41 Ἴλιος ἀκλινέεσσιν ἐπεμβεβαυῖα θεμέθλοις,
42 ἀμβολίῃ δ´ ἤσχαλλε δυσαχθέι λαὸς Ἀχαιῶν.
43 καί νύ κεν ὑστατίοισιν ἐποκνήσασα πόνοισιν
44 ἀκάματός περ ἐοῦσα μάτην ἵδρωσεν Ἀθήνη,
45 εἰ μὴ Δηιφόβοιο γαμοκλόπον ὕβριν ἐάσας
46 Ἰλιόθεν Δαναοῖσιν ἐπὶ ξένος ἤλυθε μάντις,
47 οἷα δέ που μογέοντι χαριζόμενος Μενελάῳ
48 ὀψιτέλεστον ὄλεθρον ἑῇ μαντεύσατο πάτρῃ.
49 οἱ δὲ βαρυζήλοιο θεοπροπίῃς Ἑλένοιο
| [0] La Prise de Troie.
Divine Calliope, dis-moi quelle fut la fin si longtemps désirée d'une guerre féconde en pénibles travaux :
dis-moi les ruses et les perfidies qu'employa Minerve pour défendre les Grecs qu'elle protégeait.
Satisfais mon impatiente curiosité ; ne me cache aucune circonstance ; hâte-toi de chanter cet antique
sujet de discorde ; dis-moi, dis-moi quelle fut l'issue de tant de combats.
On comptait déjà la dixième année depuis que Bellone exerçait sa fureur contre les Grecs et les
Troyens, sans pouvoir se rassasier de carnage. Les lances n'avaient plus de force dans la main des
guerriers, fatiguée de meurtres ; leurs épées ne répandaient plus la terreur ; on n'entendait plus
retentir les armures d'airain ; les baudriers auxquels elles étaient suspendues étaient près de se
rompre ; à peine les boucliers offraient-ils encore quelque résistance aux traits qui venaient les frapper ;
les arcs avaient perdu leur ressort, les flèches leur rapidité. Les coursiers, à l'écart, la tête courbée
sur la crèche, semblaient déplorer dans l'oisiveté la perte des compagnons de leurs anciens travaux ;
ils regrettaient en vain la triste destinée de leurs guides fidèles. Le fils de Pélée, privé de vie, avait
rejoint son cher Patrocle ; le vieux Nestor répandait des larmes sur son fils Antiloque ; Ajax, devenu
furieux et tournant ses forces contre lui-même, avait rougi le fer homicide des flots de son propre sang ;
les Troyens, désolés en voyant Hector indignement traîné autour de leurs murailles, n'avaient pas
seulement à gémir de leurs maux : sensibles aux douleurs des nations étrangères, dont ils avaient
emprunté le secours, ils versaient aussi des larmes avec elles. Les Lyciens pleuraient Sarpédon, que
sa mère elle-même, enorgueillie des faveurs du maître des dieux, avait jadis envoyé à Troie, où le fils
de Ménétius l'avait frappé du coup mortel ; les Thraces s'attendrissaient sur l'infortune de Rhésus leur
chef, surpris au milieu de la nuit, dans le temps qu'il était plongé dans un sommeil funeste ; l'Aurore,
accablée de douleur en perdant son fils Memnon, s'était cachée dans un nuage, voulant obscurcir par
là l'éclat du jour, qui lui était devenu odieux ; des filles guerrières, venues des bords du Thermodon,
où elles ont coutume de se couper l'extrémité de la mamelle, s'affligeaient du trépas de la vaillante
Penthésilée leur reine, qui, en arrivant au camp où tant de peuples divers se trouvaient réunis, s'était
signalée en dissipant les bataillons ennemis, forcés de se retirer sur leurs vaisseaux. Achille seul avait
pu réprimer ses efforts ; il l'avait frappée de sa lance, et, après lui avoir ôté la vie, il s'était emparé de
ses dépouilles, et lui avait rendu les honneurs de la sépulture. Les sacrés remparts d'Ilion n'avaient
point encore reçu de brèche ; ses murs, élevés par des mains divines, avaient été posés sur des
fondements inébranlables. Les Grecs se plaignaient d'une si longue résistance. Pallas elle-même,
quoique infatigable, déjà près de succomber sous le poids de ses travaux, n'aurait recueilli aucun fruit
de ses sueurs, si le devin Hélénus ne s'était réfugié dans le camp des Grecs, pour n'être pas témoin à
Troie de la démésure adultère de Déiphobe. On eût dit qu'il y était venu pour soulager la peine de
Ménélas, en lui prédisant la ruine tant retardée d'Ilion. Cependant les Argiens, voulant accomplir cet oracle,
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