[20] Ἴτω δὴ πᾶς, ὅτῳ σχολὴ καὶ εὐμάρεια ζῆν, εἰς
ἀναγραφὴν τῶν τε ὕπαρ καὶ ὄναρ αὐτῷ συμπιπτόντων·
δαπανάτω τι τοῦ χρόνου, ἀφ´ οὗ κράτιστον μὲν τὸ παραγινόμενον
ἀπὸ τῆς διανοίας τοῦ γράμματος, ἀγεῖραι τὴν
μαντικήν, ἣν ὑμνήκαμεν, ἧς οὐδὲν ἂν γένοιτο πρᾶγμα πολυωφελέστερον.
οὐ μὴν οὐδὲ ἡ λέξις ἀπόβλητον τὸ τῶν πραγμάτων
ἐφόλκιον· φιλοσόφῳ μὲν γὰρ ἂν γένοιτο παίγνιον,
χαλῶντι τοῦ τόνου καθάπερ οἱ Σκῦθαι τὰ τόξα· ῥήτορι
δὲ αὐτὴν ἐπιτάξωμεν κολοφῶνα τῶν ἐπιδείξεων. ὡς οὐκ ἐν
καιρῷ μοι δοκοῦσιν ἐμμελετᾶν τὴν δεινότητα Μιλτιάδῃ
καὶ Κίμωνι καί τισι καὶ ἀνωνύμοις, καὶ πλουσίῳ καὶ πένητι
τὰ ἐκ πολιτείας ἐχθροῖς, ὑπὲρ ὧν ἐγὼ καὶ πρεσβύτας
ἀνθρώπους εἶδον ἐν θεάτρῳ ζυγομαχοῦντας· καίτοι γε
ἤστην ἐπὶ φιλοσοφίᾳ μάλα σεμνώ, καὶ εἱλκέτην ἑκάτερος
αὐτοῖν, ὡς εἰκάσαι, τάλαντα πώγωνος, ἀλλ´ οὐδὲν αὐτοὺς
ἐκώλυσεν ἡ σεμνότης λοιδορεῖσθαί τε καὶ ἀγανακτεῖν, καὶ
τὼ χεῖρε περιδινεῖν ἀκόσμως ἐν τῷ διατίθεσθαι λόγους
ἀποτάδην ὑπὲρ ἀνδρῶν, ὡς μὲν ἐγὼ τότε ᾤμην, ἐπιτηδείων,
ὡς δὲ ἔφθασαν οἱ μεταδιδάξαντες, οὔτε ὄντων, οὔτε γενομένων
ποτέ, μὴ ὅτι ἐπιτηδείων, ἀλλ´ οὐδὲ τὴν ἀρχὴν ἐν
τῇ φύσει. ποῦ γὰρ ἂν εἴη καὶ πολιτεία τοιαύτη, γέρας
ἀριστεῖ διδοῦσα κτεῖναι πολίτην ἀντιπολιτευόμενον; καίτοι
γε ὅστις ἐνενηκοντούτης ὢν πλάσμα ἀγωνίζεται, εἰς ποῖον
καιρὸν ἀνατίθεται τὴν τῶν λόγων ἀλήθειαν; ὅλως δὲ οὐδὲ
ἐπαΐειν μοι δοκοῦσι τοῦ τῆς μελέτης ὀνόματος, ὅτι φησὶ
δι´ ἄλλο σπουδάζεσθαι· οἱ δὲ τὴν παρασκευὴν τέλος ἥγηνται,
καὶ τὴν ὁδόν, ὡς ἐφ´ ὃ δεῖ βαδίζειν, ἠγάπησαν· τὴν
γὰρ μελέτην ἀγῶνα πεποίηνται, ὥσπερ εἴ τις ἐν παλαίστρᾳ
χειρονομήσας, ἀξιώσει παγκράτιον ἐν Ὀλυμπίᾳ κηρύττεσθαι.
τοσοῦτος ἄρα νοῦ μὲν αὐχμός, ἐπομβρία δὲ λέξεων
τοὺς ἀνθρώπους κατέσχεν, ὡς εἶναί τινας, οἳ δύνανται
λέγειν, οὐκ ἔχοντες ὅ τι δεῖ λέγειν, δέον ἀπολαύειν ἑαυτῶν,
ὥσπερ Ἀλκαῖός τε καὶ Ἀρχίλοχος, οἳ δεδαπανήκασι τὴν
εὐστομίαν εἰς τὸν οἰκεῖον βίον ἑκάτερος. καὶ τοίνυν ἡ διαδοχὴ
τοῦ χρόνου τηρεῖ τὴν μνήμην ὧν τε ἤλγησαν, ὧν
τε ἥσθησαν. οὔτε γὰρ κενεμβατοῦντας τοὺς λόγους ἐξήνεγκαν,
ὥσπερ τὸ νέον τοῦτο τὸ σοφὸν γένος ἐπὶ συμπεπλασμέναις
ταῖς ὑποθέσεσιν, οὔτε ἑτέροις κατεχαρίσαντο
τὸ σφέτερον ἀγαθόν, ὥσπερ Ὅμηρος καὶ Στησίχορος τὸ
μὲν ἡρωικὸν φῦλον διὰ τὰς ποιήσεις αὑτῶν ἐπικυδέστερον
ἔθεσαν· καὶ ἡμεῖς ὠνάμεθα τοῦ ζήλου τῆς ἀρετῆς· αὐτοὶ δὲ
τό γε ἐφ´ ἑαυτοῖς ἠμελήθησαν, περὶ ὧν οὐδὲν ἔχομεν εἰπεῖν,
ἢ ὅτι ποιηταὶ δεξιοί. ὅστις οὖν ἐρᾷ τοῦ παρ´ ἀνθρώποις
εἰς ἔπειτα λόγου, καὶ σύνοιδεν ἑαυτῷ δυναμένῳ τίκτειν
ἐν δέλτοις ἀθάνατα, μετίτω τὴν παρανομουμένην ὑφ´ ἡμῶν
συγγραφήν. θαρρῶν ἑαυτὸν παρατιθέσθω τῷ χρόνῳ·
ἀγαθός ἐστι φύλαξ, ὅταν κατὰ θεόν τι πιστεύηται.
| [20] Employez donc les loisirs d’une vie indépendante à raconter les événements
qui vous arrivent dans la veille ou dans le sommeil; consacrez à ce travail une partie
de votre temps: il en résultera pour vous, ainsi que je l’ai montré d’inestimables
avantages. Vous acquerrez la science divinatoire que nous avons vantée, et au-dessus
de laquelle on ne peut rien placer; puis l’élégance de la diction, mérite qui n’est
pas à dédaigner, vous viendra par surcroît. Dans ces amusements littéraires le
philosophe délassera son esprit comme le Scythe détend son arc. Les songes peuvent
aussi fournir aux rhéteurs d’admirables textes pour leurs discours d’apparat. Je ne
comprends guère quel intérêt ils trouvent à venir célébrer les vertus de Miltiade, de
Cimon, ou même d’un personnage anonyme; à faire parler le riche et le pauvre luttant
l’un contre l’autre à propos des affaires publiques. J’ai vu pourtant des vieillards se
quereller à ce sujet sur le théâtre, et quels vieillards! Ils affichaient la gravité
philosophique, et laissaient pendre une barbe qui pouvait bien, j’imagine, peser
plusieurs livres. Mais leur gravité ne les empêchait point de s’injurier, de s’emporter,
de soutenir, à grand renfort de gestes outrés, leurs longs discours. Je me figurais qu’ils
plaidaient la cause de quelque parent : mais quelle surprise quand j’appris plus tard
que les personnages qu’ils défendaient, loin d’être de leur famille, n’existaient même
point, n’avaient jamais existé, et ne pouvaient exister ! Où trouver en effet une
république qui, pour récompenser les services d’un citoyen, lui permît de tuer son
ennemi ? Lorsqu’à l’âge de quatre-vingt-dix ans on vient encore disserter sur des
inventions aussi pitoyables, à quelle époque de la vie ajourne-t-on les travaux et les
discours sérieux? Mais ces gens-là ne savent donc pas le sens des mots? ils ignorent
que déclamation veut dire exercice préparatoire; ils prennent les moyens pour la fin, la
route pour le but qu’il faut atteindre. Ils font de la préparation même l’unique objet de
tous leurs efforts. S’assouplir les bras dans les exercices de la palestre, cela suffit-il
pour se faire proclamer vainqueur au pancrace dans les jeux olympiques? Disette de
pensées, abondance de mots, voilà ce qui caractérise ces gens toujours prêts à parler,
même quand ils n’ont rien à dire. Pourquoi ne pas profiter de l’exemple d’Alcée et
d’Archiloque, qui ont employé leur talent à raconter leur propre vie? Aussi la postérité,
conserve-t-elle le souvenir de leurs peines et de leurs plaisirs. Ils ne parlaient pas
uniquement pour parler, comme cette nouvelle race de beaux esprits qui s’exercent
sur des sujets imaginaires; ils n’ont pas non plus consacré leur génie à la gloire
d’autrui, comme Homère, comme Stésichore, qui ont ajouté par leurs poèmes à
l’illustration des héros, et qui excitent nos âmes à la vertu, tout en s’oubliant eux-mêmes. Aussi tout ce que nous savons d’eux, c’est qu’ils étaient d’admirables poètes.
Si donc vous voulez vous faire un nom dans la postérité, si vous vous sentez capable
d’enfanter une œuvre qui puisse vivre éternellement, n’hésitez pas à entrer dans la
voie toute nouvelle que je vous recommande. Comptez sur l’avenir : l’avenir garde
fidèlement ce qu’avec l’aide de Dieu nous lui confions.
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