[1,13] Εὐθύς γε μὴν τὴν ἡγεμονίαν παραλαμβάνοντος,
μικρὸν ἐδέησεν ἀπολέσθαι, τὴν κακὴν κεφαλὴν προσουδίζων
τε καὶ κίοσι προσαράσσων· ἡμερῶν συχνῶν οὐ προσηνέγκατο
σῖτον, καίτοι βορώτατος ἦν, ἀπεσείσατο ποτόν,
καίτοι φιλοινότατος ἦν. ὕπνου μὲν ἐρῶν, ἄμοιρος διετέλει·
ἐγρηγόρσει δὲ συνείχετο καὶ μάλα ἀποδιοπομπούμενος, καὶ
τὼ ὀφθαλμὼ μύων ἐπίτηδες, τοῦ τὴν ψυχὴν ἀνεθῆναι τῶν
κεντούντων τῆς μνήμης. ἀλλ´ ἔστιν ἡ μνήμη πρὸς τὸν ἐθέλοντα
καταθέσθαι φιλονεικότατον· ὥστε καὶ μύσαντι τῶν
κακῶν ἡ φαντασία παρῆν, καὶ ὕπνου δέ, εἴ ποτε, παραθρέξαντος,
ὄναρ ἂν ἀθλιώτερον ἔπραττεν, ἐν ὀφθαλμοῖς
ὁρῶν πάγον ἐκεῖνον, ψήφους ἐκείνας, χεῖρας ἐκείνας ἐπὶ
τὸν ἀδελφὸν ἁπαξαπάσας· καὶ διαναστάντι δ´ ἂν ἀσμένως
μίσει τῆς χαλεπῆς ὄψεως, ἐπὶ χρόνον συχνὸν περιεβομβεῖτο
τὰ ὦτα τῇ τῶν εὐφημούντων ἠχοῖ· οὔτε ἀτρέμας
ἔχειν ἠνείχετο, τῆς ψυχῆς ἀσχαλλούσης, καὶ προκύπτοντα
τῆς οἰκίας συμφοραὶ διεδέχοντο, καὶ ἐν λόγοις καὶ ἐν ἔργοις
καὶ ἐν ᾠδαῖς τῶν ἁπάντων Ὄσιρις ἦν, ὡς μὲν καλὸς
ἰδεῖν, ὡς δὲ σοφὸς εἰπεῖν ὁ νέος βασιλεύς, καὶ τὸ μεγαλόφρον,
ὅτι οὐκ ἀλαζόν, καὶ τὸ πρᾶον, ὅτι ἀταπείνωτον.
αὖθις οὖν ὑπενόστει καὶ κατεκλείετο, οὐκ ἔχων ὅ τι τῷ
ζῆν χρήσεται, οὔτ´ αὐτός, οὔθ´ ἡ γυνή, διωλύγιον ἄλλο
κακόν, ἑαυτῆς κομμώτρια, θεάτρου καὶ ἀγορᾶς ἄπληστος,
τὰς ἁπάντων ὄψεις βουλομένη τε καὶ οἰομένη πρὸς αὑτὴν
ἐπεστράφθαι· παρ´ ὃ καὶ μείζω συμφορὰν ἐπεποίητο τῆς
βασιλείας ἐκπεπτωκέναι τὸν ἄνδρα, ἐκείνως ἂν οἰομένη
δημοσιεύσειν τὴν πολιτείαν ἐπὶ μείζονος ὑποθέσεως, καὶ
καθηδυπαθήσειν τὴν ἐξουσίαν. ἑαλώκει τε αὐτῆς ὁ Τυφὼς
ἤδη πρεσβύτης ὤν, ὥσπερ παιδάριον ἀφροδίτης ἀρχόμενον,
καὶ ἦν αὐτῷ τὸ μέρος τῆς συμφορᾶς αἰδὼς τῆς
ἀνθρώπου, πρὸς ἣν ἐπεφιλοτίμητο τὴν μεγίστην ἄρξειν
ἀρχὴν κἀκείνῃ τὴν δυναστείαν κοινώσεσθαι. ἡ δὲ καὶ ἐν
ἰδιώτῃ βίῳ χρῆμα φανερώτατον ἦν, εὐδοκιμεῖν ἐν τοῖς
πλεῖστον ἀντικειμένοις φιλοτιμουμένη, θηλυτάτη μὲν γυναικῶν
τρύφημα προσεξευρεῖν, καὶ ἐπιποιῆσαι κάλλει, καὶ
ἐνδοῦναι τῇ φύσει· παραβολωτάτη δὲ ἀρρένων ἐπιθέσθαι
σκέμματι καὶ τολμῆσαι πεῖραν, ποικιλοπράγμων τε οὖσα
καὶ καινοτόμος. παρεσκεύαστο δὴ πρὸς ταῦτά τε καὶ πρὸς
τἄλλα καὶ γυναῖκας ἑταιριστρίας καὶ ἄνδρας πελάτας πάντας
ὁμοιογνώμονας ἔχειν, καὶ χρῆσθαι πρὸς ἃ ἐπεφύκει, καὶ
οἴκοι καὶ θύραζε. Ὀσίριδι δὲ καὶ ὅτι γυναικωνῖτις ἦν τὸ
παιδάριον ἀνέμνησε τοῖς ἀνθρώποις ὁρώμενον· καί τοι
τὸ παιδίον, ὁ Ὦρος, θέαμα σπάνιον ἦν. μίαν γὰρ ἀρετὴν
Ὄσιρις ᾤετο γυναικὸς εἶναι τὸ μήτε τὸ σῶμα αὐτῆς μήτε
τοὔνομα διαβῆναι τὴν αὔλειον. οὔκουν οὐδὲ τὸ ἐν ἄκρῳ
γενέσθαι τῆς τύχης παρεκίνησε τοῦ καθεστῶτος τὴν
σώφρονα, εἰ μὴ καὶ μᾶλλον ὑπὸ τῷ μεγέθει τῆς ἐξουσίας
ἐκρύπτετο, ἐπεὶ μηδὲ αὐτὸς ὡς παρὰ τοῦτο εὐδαιμονέστερος
ἐγανύσκετο· ἀλλ´ ᾔδει, καὶ μὴ τυχών, οὐκ ἂν ἧττον εὐδαίμων
γενόμενος. αὐτὸς γάρ τις ἕκαστος ἑαυτῷ τοῦ τοιούτου
ταμίας, ἀγαθὸς εἶναι βουλόμενος. διὸ τοὺς μὲν ἀρετῇ
συζῶντας, ἰδιώτας τε ὄντας καὶ ἄρχοντας, ἴδοι τις ἂν
ὁμοίως εὐθυμουμένους. ἅπας γὰρ βίος ἀρετῆς ὕλη. καθάπερ
ἐπὶ σκηνῆς ὁρῶμεν τοὺς τῆς τραγῳδίας ὑποκριτάς· ὅστις
καλῶς ἐξήσκησε τὴν φωνήν, ὁμοίως ὑποκρινεῖται τόν τε
Κρέοντα καὶ τὸν Τήλεφον, καὶ οὐδὲν θἀλουργῆ τῶν ῥακίων
διοίσει πρὸς τὸ μέγα καὶ καλὸν ἐμβοῆσαι καὶ καταλαβεῖν
ἠχοῖ τοῦ μέλους τὸ θέατρον· ἀλλὰ καὶ τὴν θεράπαιναν
καὶ τὴν δέσποιναν μετὰ τῆς αὐτῆς ἐπιδείξεται μουσικῆς, καὶ
ὅ τι ἂν περιθῆται προσωπεῖον, τὸ καλῶς αὐτὸν ὁ χορηγὸς
τοῦ δράματος ἀπαιτεῖ· οὕτως ἡμῖν θεὸς καὶ τύχη περιτίθησιν
ὥσπερ προσωπεῖα τοὺς βίους ἐν τῷ μεγάλῳ τοῦ
κόσμου δράματι, καὶ οὐδέν τι μᾶλλον ἕτερος ἑτέρου βίος
βελτίων ἢ χείρων, χρῆται δὲ ὡς ἕκαστος δύναται. δύναται
δὲ ὁ σπουδαῖος ἁπανταχοῦ καλῶς διαγίνεσθαι, κἂν τὸν
πτωχὸν κἂν τὸν μόναρχον ὑποκρίνηται· διοίσεται δὲ οὐδὲν
περὶ τοῦ προσωπείου. ἐπεὶ καὶ ὁ τραγῳδὸς γελοῖος ἂν
γένοιτο, τὸ μὲν φεύγων, τὸ δὲ αἱρούμενος· καὶ γὰρ ἐν τῷ
τῆς γραὸς εὐδοκιμῶν, στεφανοῦταί τε καὶ κηρύττεται, καὶ
ἐν τῷ τοῦ βασιλέως ἀσχημονῶν, κλώζεται καὶ συρίττεται,
ἔστι δὲ ὅπῃ καὶ λίθοις βάλλεται. βίος γὰρ οὐδεὶς οἰκεῖος
ἡμῶν, ἀλλοτρίους δὲ ἔξωθεν περικείμεθα· ἡμεῖς δὲ τὸ χρώμενον
ἔνδοθεν ἀμείνους καὶ χείρους αὐτοὶ ποιοῦντές τε καὶ
δεικνύντες, ἀγωνισταὶ ζώντων δραμάτων. ταῦτ´ ἄρα ὥσπερ
ἐσθῆτας ἔστιν αὐτοὺς ἀμφιέσασθαι καὶ μεταμφιέσασθαι.
| [1,13] En voyant son frère appelé au trône, Typhon faillit mourir de désespoir; dans
sa fureur il frappait le pavé de son front, heurtait sa tête contre les colonnes; il resta
longtemps sans prendre aucune nourriture, malgré sa voracité, et refusant de boire,
malgré sa passion pour le vin. Il aimait le sommeil, et ne pouvait plus en jouir; ses
soucis, quoi qu’il fit, le tenaient éveillé, et c’est en vain qu’il fermait les yeux pour
chasser de son esprit les souvenirs qui l’obsédaient; mais on a beau vouloir repousser
les souvenirs, ils tiennent bon. Typhon avait à peine clos ses paupières que toutes ses
infortunes se représentaient à son imagination; s’il goûtait parfois quelques instants de
sommeil, en songe il était encore plus malheureux: car il voyait la montagne, les votes,
toutes les mains se levant pour son frère; il quittait le lit pour échapper à cette odieuse
vision; mais à ses oreilles résonnait longuement le bruit des acclamations. Ne pouvant
contenir son agitation et sa colère, il sortait de sa demeure; mais au dehors d’autres
chagrins l’attendaient: dans toutes les bouches il entendait l’éloge d’Osiris; ce n’étaient
partout que témoignages d’allégresse, chants en l’honneur du nouveau roi: que de
beauté dans ses traits ! que de sagesse dans ses paroles ! que de grandeur d’âme
sans fierté ! que de douceur sans faiblesse ! Typhon rentrait alors dans son palais et
s’y renfermait. Tout dans la vie lui devenait insupportable. Sa femme partageait ses
regrets: elle était méchante comme lui; songeant surtout à se parer, n’aimant que le
théâtre et la place publique, elle voulait et elle croyait attirer sur elle tous les regards.
Aussi c’était pour elle un grand chagrin que son mari eût été écarté du trône; car elle
pensait que, reine, elle aurait pu disposer de tout dans l’État, et user de son pouvoir
pour satisfaire tous ses caprices. Typhon l’aimait éperdument; quoiqu’avançant déjà
en âge, on eût dit que, semblable à un jeune homme, il en était à sa première passion.
A sa douleur s’ajoutait la honte d’avoir promis à sa femme qu’il serait roi et qu’il
partagerait avec elle son autorité. Même dans la condition privée, elle se faisait déjà
remarquer par les contrastes qu’elle réunissait en elle : plus que toutes les femmes, on
la voyait rechercher le luxe, prendre soin de sa beauté, donner un libre cours à toutes
ses fantaisies; et plus que tous les hommes, elle était entreprenante, audacieuse,
remuante, avide de nouveautés. Elle s’était entourée, pour l’exécution de ses
desseins, de courtisanes et de mercenaires qui lui étaient tout dévoués, et obéissaient
à ses volontés au dedans comme au dehors de son palais. Pour Osiris, on ne se
souvenait qu’il avait une femme que lorsqu’on voyait son fils; encore cet enfant, le
jeune Horus, paraissait-il rarement en public. Osiris estimait que la femme la plus
vertueuse est celle qui se renferme chez elle, et dont le nom ne franchit point les murs
de sa maison. Malgré son élévation à une si haute destinée, cette sage épouse ne
changea rien à ses habitudes de modestie; dans cette éclatante fortune elle ne fit que
rechercher encore plus volontiers l’obscurité. Pour avoir acquis la royauté, Osiris ne
s’en estimait pas plus heureux: il l’aurait toujours été, il le savait, même sans la
souveraine puissance; car à tout homme il suffit, pour être l’artisan de son propre
bonheur, de ne s’attacher qu’à la vertu. Pour ceux qui pratiquent le bien, il est
indifférent de rester dans une condition privée ou de s’élever aux suprêmes honneurs:
ils vivent toujours dans la paix de l’âme. Il n’est point d’existence où la vertu ne puisse
s’exercer. Sur la scène tragique nous voyons l’acteur, qui a formé sa voix d’après les
règles de l’art, jouer également bien les rôles de Créon et de Télèphe; qu’il soit revêtu
de pourpre ou couvert de haillons, peu importe, il fera retentir le théâtre de ses accents
énergiques et passionnés, et tiendra les auditeurs sous le charme de sa diction; il
représentera avec la même perfection un esclave et une reine: quel que soit le rôle
dont il est chargé, il s’en acquittera de manière à satisfaire à toutes les exigences du
chorège. Ainsi, dans ce grand drame du monde, Dieu et la fortune nous distribuent les
diverses destinées comme autant de rôles à remplir; mais ils ne valent ni plus ni moins
les uns que les autres : sachons seulement tirer parti de celui qui nous est attribué.
L’homme de bien sait conserver toujours sa supériorité: mendiant ou monarque, il
s’accommodera de tous les personnages. Ne rirait-on pas de l’acteur qui refuserait un
rôle pour en demander un autre? Même sous les traits d’une vieille femme il peut se
distinguer et remporter les applaudissements et les couronnes; mais il aura beau
représenter un roi, s’il joue mal, il s’attire des sifflets, des huées, et même parfois des
pierres. Jamais la condition qui nous est assignée ne nous appartient réellement; elle
est comme un vêtement étranger qui nous recouvre : mais suivant l’usage qu’en fait
cette âme qui est en nous, nous méritons, nous recevons l’éloge ou le blâme. Dans ce
drame vivant dont nous sommes les acteurs, les costumes peuvent indifféremment se
prendre et se quitter.
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