[14b,5] Ἡ δὲ τῶν Ῥοδίων πόλις κεῖται μὲν ἐπὶ τοῦ ἑωθινοῦ
ἀκρωτηρίου, λιμέσι δὲ καὶ ὁδοῖς καὶ τείχεσι καὶ τῇ ἄλλῃ
κατασκευῇ τοσοῦτον διαφέρει τῶν ἄλλων ὥστ´ οὐκ ἔχομεν εἰπεῖν ἑτέραν ἀλλ´ οὐδὲ πάρισον, μή τί γε κρείττω
ταύτης τῆς πόλεως. θαυμαστὴ δὲ καὶ ἡ εὐνομία καὶ ἡ
ἐπιμέλεια πρός τε τὴν ἄλλην πολιτείαν καὶ τὴν περὶ τὰ
ναυτικά, ἀφ´ ἧς ἐθαλαττοκράτησε πολὺν χρόνον καὶ τὰ
λῃστήρια καθεῖλε καὶ Ῥωμαίοις ἐγένετο φίλη καὶ τῶν
βασιλέων τοῖς φιλορωμαίοις τε καὶ φιλέλλησιν· ἀφ´
ὧν αὐτόνομός τε διετέλεσε καὶ πολλοῖς ἀναθήμασιν
ἐκοσμήθη, ἃ κεῖται τὰ μὲν πλεῖστα ἐν τῷ Διονυσίῳ
καὶ τῷ γυμνασίῳ, ἄλλα δ´ ἐν ἄλλοις τόποις. ἄριστα δὲ
ὅ τε τοῦ Ἡλίου κολοσσός, ὅν φησιν ὁ ποιήσας τὸ ἰαμβεῖον
ὅτι „ἑπτάκις δέκα Χάρης ἐποίει πηχέων ὁ Λίν„διος.“ κεῖται
δὲ νῦν ὑπὸ σεισμοῦ πεσὼν περικλασθεὶς
ἀπὸ τῶν γονάτων· οὐκ ἀνέστησαν δ´ αὐτὸν κατά
τι λόγιον. τοῦτό τε δὴ τῶν ἀναθημάτων κράτιστον
(τῶν γοῦν ἑπτὰ θεαμάτων ὁμολογεῖται) καὶ αἱ τοῦ
Πρωτογένους γραφαί, ὅ τε Ἰάλυσος καὶ ὁ Σάτυρος
παρεστὼς στύλῳ, ἐπὶ δὲ τῷ στύλῳ πέρδιξ ἐφειστήκει,
πρὸς ὃν οὕτως ἐκεχήνεσαν ὡς ἔοικεν οἱ ἄνθρωποι
νεωστὶ ἀνακειμένου τοῦ πίνακος, ὥστ´ ἐκεῖνον
ἐθαύμαζον, ὁ δὲ Σάτυρος παρεωρᾶτο καίτοι σφόδρα
κατωρθωμένος· ἐξέπληττον δ´ ἔτι μᾶλλον οἱ
περδικοτρόφοι κομίζοντες τοὺς τιθασοὺς καὶ τιθέντες
καταντικρύ· ἐφθέγγοντο γὰρ πρὸς τὴν γραφὴν οἱ πέρδικες
καὶ ὠχλαγώγουν. ὁρῶν δὲ ὁ Πρωτογένης τὸ ἔργον
πάρεργον γεγονὸς ἐδεήθη τῶν τοῦ τεμένους προεστώτων
ἐπιτρέψαι παρελθόντα ἐξαλεῖψαι τὸν ὄρνιν καὶ ἐποίησε.
δημοκηδεῖς δ´ εἰσὶν οἱ Ῥόδιοι καίπερ οὐ δημοκρατούμενοι,
συνέχειν δ´ ὅμως βουλόμενοι τὸ τῶν πενήτων
πλῆθος. σιταρχεῖται δὴ ὁ δῆμος καὶ οἱ εὔποροι τοὺς
ἐνδεεῖς ὑπολαμβάνουσιν ἔθει τινὶ πατρίῳ, λειτουργίαι
τέ τινές εἰσιν * ὀψωνιαζόμενοι, ὥσθ´ ἅμα τόν τε πένητα
ἔχειν τὴν διατροφὴν καὶ τὴν πόλιν τῶν χρειῶν μὴ καθυστερεῖν
καὶ μάλιστα πρὸς τὰς ναυστολίας. τῶν δὲ ναυστάθμων
τινὰ καὶ κρυπτὰ ἦν καὶ ἀπόρρητα τοῖς πολλοῖς, τῷ δὲ
κατοπτεύσαντι ἢ παρελθόντι εἴσω θάνατος ὥριστο ἡ ζημία. κἀνταῦθα δὲ ὥσπερ ἐν Μασσαλίᾳ καὶ Κυζίκῳ
τὰ περὶ τοὺς ἀρχιτέκτονας καὶ τὰς ὀργανοποιίας καὶ θησαυροὺς ὅπλων τε καὶ τῶν ἄλλων ἐσπούδασται διαφερόντως,
καὶ ἔτι γε τῶν παρ´ ἄλλοις μᾶλλον.
| [14b,5] Bâtie à la pointe orientale de l'île {dont elle porte le nom}, la ville
de Rhodes par ses ports, ses rues, ses murs et son aspect général, forme
une cité tellement à part, qu'il n'y a pas de ville, à ma connaissance,
qui puisse lui être, je ne dis pas préférée, mais égalée seulement.
J'ajouterai qu'on ne peut admirer assez l'excellence de ses lois et le
soin qu'elle a toujours apporté aux diverses branches de l'administration
et à la marine en particulier, ce qui lui a assuré pendant longtemps
l'empire de la mer et donné les moyens de détruire la piraterie et de
mériter ainsi l'alliance du peuple romain et de ses amis les rois grecs
d'Asie. Or, grâce à ces alliés, elle a pu maintenir son indépendance, en
même temps qu'elle se voyait décorer par eux d'une foule de monuments ou
d'objets d'art, dont la plus grande partie est aujourd'hui dans le
Dionysium et dans le Gymnase, tandis que le reste est dispersé dans les
différents quartiers de la ville. De tous ces monuments le plus
remarquable sans contredit est la statue colossale du Soleil, oeuvre de
Charès, de Charès de Lindos, comme nous l'apprend l'iambographe, auteur de
l'inscription : «De sept fois dix coudées Charès Lindien l'a faite».
Par malheur le colosse gît maintenant étendu sur le sol ; renversé par un
tremblement de terre, il s'est brisé en tombant à partir des genoux, et
les Rhodiens, pour obéir à je ne sais quel oracle, ne l'ont point relevé.
Outre ce monument, qui surpasse, avons-nous dit, tous les autres (on
s'accorde en effet universellement à le ranger parmi les sept merveilles
du monde), il convient de citer aussi les deux tableaux de Protogène,
l'Ialysus et le Satyre à la colonne. Dans ce dernier figurait d'abord une
perdrix posée au haut de la colonne ; il paraît même qu'à la vue de cette
perdrix, lors de la première exhibition du tableau, la foule dans son
ébahissement n'avait eu d'admiration que pour elle, et que la figure du
Satyre, si merveilleusement réussie cependant, avait passé presque
inaperçue. Les éleveurs de perdrix ajoutèrent encore à la surprise
générale en apportant avec eux, pour les mettre en face du tableau, des
perdrix apprivoisées qui, dès qu'elles apercevaient la perdrix peinte, se
mettaient tout de suite à chanter, à la grande joie des oisifs attroupés.
Que fit Protogène en voyant que la figure principale de son tableau en
était devenue l'accessoire ? Il demanda aux intendants du temple la
permission de venir effacer sa perdrix, et l'effaça bel et bien. Les
Rhodiens se montrent très soucieux du bien-être du peuple, bien que leur
république ne soit pas à proprement parler démocratique : ils espèrent par
là pouvoir contenir la classe si nombreuse des pauvres. Indépendamment des
distributions périodiques du blé qui leur sont faites au nom de l'Etat,
les indigents reçoivent des riches des secours de toute nature ; c'est là
une coutume traditionnelle à laquelle les riches se conforment toujours.
Souvent aussi l'assistance des riches a le caractère d'une liturgie, d'une
fonction ou prestation publique : tout un approvisionnement, toute une
fourniture de vivres est mise à la charge de tel ou tel citoyen riche, de
sorte que le pauvre est toujours assuré de sa subsistance et qu'en même
temps l'Etat ne risque jamais de manquer de bras pour les différents
services publics et en particulier pour les besoins de sa flotte. Ajoutons
que de tout temps certains arsenaux ont été tenus cachés et que le public
en a ignoré l'existence ; chercher à les découvrir, vouloir y pénétrer eût
été regardé comme un crime d'Etat, et ce crime puni de mort sans
rémission. Ici du reste, comme à Massalia, comme à Cyzique, tout ce qui
est chantier de construction navale, fabrique de machines de guerre, dépôt
d'armes et établissement du même genre, est l'objet de soins particuliers
; on peut même dire qu'ici l'organisation est encore meilleure que dans
les deux autres villes.
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