[7,3,9] Ἔφορος δ' ἐν τῇ τετάρτῃ μὲν τῆς ἱστορίας, Εὐρώπῃ δ' ἐπιγραφομένῃ βίβλῳ,
περιοδεύσας τὴν Εὐρώπην μέχρι Σκυθῶν ἐπὶ τέλει φησὶν εἶναι τῶν τε ἄλλων
Σκυθῶν καὶ τῶν Σαυροματῶν τοὺς βίους ἀνομοίους· τοὺς μὲν γὰρ εἶναι
χαλεπούς, ὥστε καὶ ἀνθρωποφαγεῖν, τοὺς δὲ καὶ τῶν ἄλλων ζῴων ἀπέχεσθαι.
Οἱ μὲν οὖν ἄλλοι, φησί, τὰ περὶ τῆς ὠμότητος αὐτῶν λέγουσιν, εἰδότες τὸ
δεινόν τε καὶ τὸ θαυμαστὸν ἐκπληκτικὸν ὄν· δεῖν δὲ τἀναντία καὶ λέγειν καὶ
παραδείγματα ποιεῖσθαι· καὶ αὐτὸς οὖν περὶ τῶν δικαιοτάτοις ἤθεσι
χρωμένων ποιήσεσθαι τοὺς λόγους· εἶναι γάρ τινας τῶν Νομάδων Σκυθῶν
γάλακτι τρεφομένους ἵππων τῇ {τε} δικαιοσύνῃ πάντων διαφέρειν, μεμνῆσθαι
δ' αὐτῶν τοὺς ποιητάς· Ὅμηρον μὲν
Γλακτοφάγων Ἀβίων τε, δικαιοτάτων ἀνθρώπων,
φήσαντα τὴν γῆν καθορᾶν τὸν Δία, Ἡσίοδον {δ'} ἐν τῇ καλουμένῃ γῆς
περιόδῳ, τὸν Φινέα ὑπὸ τῶν Ἁρπυιῶν ἄγεσθαι
Γλακτοφάγων εἰς γαῖαν, ἀπήναις οἰκί' ἐχόντων.
Εἶτ' αἰτιολογεῖ, διότι ταῖς διαίταις εὐτελεῖς ὄντες καὶ οὐ χρηματισταὶ πρός τε
ἀλλήλους εὐνομοῦνται, κοινὰ πάντα ἔχοντες τά τε ἄλλα καὶ τὰς γυναῖκας καὶ
τέκνα καὶ τὴν ὅλην συγγένειαν, πρός τε τοὺς ἐκτὸς ἄμαχοί εἰσι καὶ ἀνίκητοι,
οὐδὲν ἔχοντες ὑπὲρ οὗ δουλεύσουσι. Καλεῖ δὲ καὶ Χοιρίλον, εἰπόντα ἐν τῇ
διαβάσει τῆς σχεδίας, ἣν ἔζευξε Δαρεῖος·
Μηλονόμοι τε Σάκαι, γενεῇ Σκύθαι· αὐτὰρ ἔναιον
Ἀσίδα πυροφόρον· Νομάδων γε μὲν ἦσαν ἄποικοι,
ἀνθρώπων νομίμων.
Καὶ τὸν Ἀνάχαρσιν δὲ σοφὸν καλῶν ὁ Ἔφορος τούτου τοῦ γένους φησὶν εἶναι·
νομισθῆναι δὲ καὶ τῶν ἑπτὰ σοφῶν ἐπ' εὐτελείᾳ σωφροσύνῃ καὶ συνέσει·
εὑρήματά τε αὐτοῦ λέγει τά τε ζώπυρα καὶ τὴν ἀμφίβολον ἄγκυραν καὶ τὸν
κεραμικὸν τροχόν. Ταῦτα δὲ λέγω, σαφῶς μὲν εἰδὼς ὅτι καὶ οὗτος αὐτὸς οὐ
τἀληθέστατα λέγει περὶ πάντων, καὶ δὴ καὶ τὸ τοῦ Ἀναχάρσιδος (πῶς γὰρ ὁ
τροχὸς εὕρημα αὐτοῦ, ὃν οἶδεν Ὅμηρος πρεσβύτερος ὤν;
ὡς δ' ὅτε τις κεραμεὺς τροχὸν ἅρμενον ἐν παλάμῃσι,
καὶ τὰ ἑξῆς)· ἀλλ' ἐκεῖνα διασημῆναι βουλόμενος, ὅτι κοινῇ τινι φήμῃ καὶ ὑπὸ
τῶν παλαιῶν καὶ ὑπὸ τῶν ὑστέρων πεπιστεῦσθαι συνέβαινε τὸ τῶν Νομάδων,
τοὺς μάλιστα ἀπῳκισμένους ἀπὸ τῶν ἄλλων ἀνθρώπων γαλακτοφάγους τε
εἶναι καὶ ἀβίους καὶ δικαιοτάτους, ἀλλ' οὐχ ὑπὸ Ὁμήρου πεπλάσθαι.
| [7,3,9] Ephore, lu même, dans le quatrième livre de son Histoire, intitulé
l'Europe, après avoir parcouru un à un tous les pays d'Europe jusqu'à
la Scythie, termine en disant «que les peuples Scythes et Sauromates
sont loin d'avoir tous les mêmes moeurs ; qu'ainsi les uns poussent la
cruauté jusqu'à manger de la chair humaine, tandis qu'il en est d'autres
qui s'abstiennent de manger même de la chair des animaux ; que les
historiens en général ont beaucoup parlé de cette férocité des Scythes,
parce qu'ils savaient combien le terrible et le merveilleux sont propres
à frapper les esprits, mais qu'il faut donner aussi la contre-partie en
faisant connaître ce qu'il y a dans ces peuples de bon et d'exemplaire ;
qu'il parlera, lui, en conséquence, de ceux d'entre les Scythes qui ont
mérité d'être appelés les plus justes des hommes ; qu'il existe
notoirement parmi les Scythes Nomades des tribus entières qui n'ont
pour se nourrir que le lait de leurs juments, et qui l'emportent sur tous
les autres peuples par le respect qu'elles ont de la justice, et qu'on les
trouve en termes exprès mentionnées par les poètes, soit par Homère,
quand il nous montre Jupiter
«Abaissant ses regards sur la terre des Galactophages et des
Abiens, les plus justes des hommes»,
soit par Hésiode, dans ce passage de sa Description ou Période de la
Terre, où l'on voit Phinée conduit par les Harpyes
«Jusqu'au pays que les Galactophages habitent avec leurs chariots
pour unique demeure».
Remontant ensuite de l'effet à la cause, Ephore explique comment il
est naturel que des hommes, qui peuvent mener une vie si sobre et se
passer de richesses, se gouvernent entre eux d'après la plus
rigoureuse équité, mettant tout en commun, voire leurs femmes, leurs
enfants, leur famille, en même temps qu'ils restent vis-à-vis de
l'étranger indomptables et invincibles, ne possédant rien de ce qui
pourrait leur faire accepter la servitude. Ephore cite aussi Choerilus
pour avoir dit, dans sa description du défilé de l'armée de Darius sur le
fameux pont jeté par ce prince en travers du Bosphore :
«Puis paraissent les Saces, nation de pasteurs, Scythes d'origine ;
ils habitent au coeur même de l'Asie de riches campagnes fertiles
en blé, mais leur vraie patrie est le lointain désert où errent les
Nomades, ces hommes vertueux et justes».
Enfin il rappelle qu'Anacharsis, ou, comme il l'appelle, le philosophe
Anacharsis, appartenait à cette même nation ; et que, s'il a été rangé
au nombre des sept Sages, c'est précisément à cause de sa sobriété,
de sa modération et de son intelligence ; il veut même que le soufflet
de forge, l'ancre à deux branches et la roue du potier soient autant
d'inventions d'Anacharsis. En invoquant, comme je le fais, le
témoignage d'Ephore, je sais fort bien qu'il n'est pas toujours lui-même
des plus véridiques, qu'il ne l'est pas notamment dans ce qu'il rapporte
ici d'Anacharsis (comment admettre, en effet, qu'Anacharsis ait inventé
la roue du potier, qu'Homère, plus ancien que lui, connaissait déjà ?) ;
seulement, j'ai voulu constater qu'il y avait eu chez les anciens, aussi
bien que chez les modernes, une sorte de tradition commune
représentant ces Nomades, ceux surtout qui vivent isolés aux
extrémités de la terre, comme des peuples qui se nourrissent
uniquement de laitage, qui savent se passer de richesses, et qui ont
plus que les autres hommes le sentiment de la justice, mais que ce
n'était là en aucune façon une invention d'Homère.
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