[3,5,5] Περὶ δὲ τῆς κτίσεως τῶν Γαδείρων τοιαῦτα λέγοντες μέμνηνται Γαδιτανοὶ
χρησμοῦ τινος, ὃν γενέσθαι φασὶ Τυρίοις κελεύοντα ἐπὶ τὰς Ἡρακλέους
στήλας ἀποικίαν πέμψαι· τοὺς δὲ πεμφθέντας κατασκοπῆς χάριν, ἐπειδὴ κατὰ
τὸν πορθμὸν ἐγένοντο τὸν κατὰ τὴν Κάλπην, νομίσαντας τέρμονας εἶναι τῆς
οἰκουμένης καὶ τῆς Ἡρακλέους στρατείας τὰ ἄκρα ποιοῦντα τὸν πορθμόν,
ταῦτα δ' αὐτὰ καὶ Στήλας ὀνομάζειν τὸ λόγιον, κατασχεῖν εἴς τι χωρίον ἐντὸς
τῶν στενῶν, ἐν ᾧ νῦν ἔστιν ἡ τῶν Ἐξιτανῶν πόλις· ἐνταῦθα δὲ θύσαντας, μὴ
γενομένων καλῶν τῶν ἱερείων, ἀνακάμψαι πάλιν. Χρόνῳ δ' ὕστερον τοὺς
πεμφθέντας προελθεῖν ἔξω τοῦ πορθμοῦ περὶ χιλίους καὶ πεντακοσίους
σταδίους εἰς νῆσον Ἡρακλέους ἱερὰν κειμένην κατὰ πόλιν Ὀνόβαν τῆς
Ἰβηρίας, {καὶ} νομίσαντας ἐνταῦθα εἶναι τὰς στήλας θῦσαι τῷ θεῷ, μὴ
γενομένων δὲ πάλιν καλῶν τῶν ἱερείων ἐπανελθεῖν οἴκαδε. Τῷ δὲ τρίτῳ
στόλῳ τοὺς ἀφικομένους Γάδειρα κτίσαι καὶ ἱδρύσασθαι τὸ ἱερὸν ἐπὶ τοῖς
ἑῴοις τῆς νήσου, τὴν δὲ πόλιν ἐπὶ τοῖς ἑσπερίοις. Διὰ δὲ τοῦτο τοὺς μὲν δοκεῖν
τὰ ἄκρα τοῦ πορθμοῦ τὰς Στήλας εἶναι, τοὺς δὲ τὰ Γάδειρα, τοὺς δ' ἔτι
πορρώτερον τῶν Γαδείρων ἔξω προκεῖσθαι. Ἔνιοι δὲ Στήλας ὑπέλαβον τὴν
Κάλπην καὶ τὴν Ἀβίλυκα, τὸ ἀντικείμενον ὄρος ἐκ τῆς Λιβύης, ὅ φησιν
Ἐρατοσθένης ἐν τῷ Μεταγωνίῳ νομαδικῷ ἔθνει, ἱδρῦσθαι· οἱ δὲ τὰς πλησίον
ἑκατέρου νησῖδας, ὧν τὴν ἑτέραν Ἥρας νῆσον ὀνομάζουσιν. Ἀρτεμίδωρος δὲ
τὴν μὲν τῆς Ἥρας νῆσον καὶ ἱερὸν λέγει αὐτῆς, ἄλλην δέ {οὒ} φησιν εἶναί τινα,
οὐδ' Ἀβίλυκα ὄρος οὐδὲ Μεταγώνιον ἔθνος. Καὶ τὰς Πλαγκτὰς δὲ καὶ τὰς
Συμπληγά δας ἐνθάδε μεταφέρουσί τινες, ταύτας εἶναι νομίζοντες Στήλας, ἃς
Πίνδαρος καλεῖ πύλας Γαδειρίδας, εἰς ταύτας ὑστάτας ἀφῖχθαι φάσκων τὸν
Ἡρακλέα. Καὶ Δικαίαρχος δὲ καὶ Ἐρατοσθένης καὶ Πολύβιος καὶ οἱ πλεῖστοι
τῶν Ἑλλήνων περὶ τὸν πορθμὸν ἀποφαίνουσι τὰς Στήλας. Οἱ δὲ Ἴβηρες καὶ
Λίβυες ἐν Γαδείροις εἶναι φασίν· οὐδὲν γὰρ ἐοικέναι στήλαις τὰ περὶ τὸν
πορθμόν. Οἱ δὲ τὰς ἐν τῷ Ἡρακλείῳ τῷ ἐν Γαδείροις χαλκᾶς ὀκταπήχεις, ἐν
αἷς ἀναγέγραπται τὸ ἀνάλωμα τῆς κατασκευῆς τοῦ ἱεροῦ, ταύτας λέγεσθαί
φασιν· ἐφ' ἃς ἐρχόμενοι οἱ τελέσαντες τὸν πλοῦν καὶ θύοντες τῷ Ἡρακλεῖ
διαβοηθῆναι παρεσκεύασαν, ὡς τοῦτ' εἶναι καὶ γῆς καὶ θαλάττης τὸ πέρας.
Τοῦτον δ' εἶναι πιθανώτατον καὶ Ποσειδώνιος ἡγεῖται τὸν λόγον, τὸν δὲ
χρησμὸν καὶ τοὺς πολλοὺς ἀποστόλους ψεῦσμα Φοινικικόν. Περὶ μὲν οὖν τῶν
ἀποστόλων τί ἄν τις διισχυρίσαιτο πρὸς ἔλεγχον ἢ πίστιν, οὐδετέρως
παράλογον { ὄν}; Τὸ δὲ τὰς νησῖδας ἢ τὰ ὄρη μὴ φάσκειν ἐοικέναι στήλαις,
ἀλλὰ ζητεῖν ἐπὶ τῶν κυρίως λεγομένων στηλῶν τοὺς τῆς οἰκουμένης ὅρους ἢ
τῆς στρατείας τῆς Ἡρακλέους ἔχει μέν τινα νοῦν· ἔθος γὰρ παλαιὸν ὑπῆρχε τὸ
τίθεσθαι τοιούτους ὅρους, καθάπερ οἱ Ῥηγῖνοι τὴν στυλίδα ἔθεσαν τὴν ἐπὶ τῷ
πορθμῷ κειμένην, πυργίον τι, καὶ ὁ τοῦ Πελώρου λεγόμενος πύργος
ἀντίκειται ταύτῃ τῇ στυλίδι· καὶ οἱ Φιλαίνων λεγόμενοι βωμοὶ κατὰ μέσην που
τὴν μεταξὺ τῶν Σύρτεων γῆν· καὶ ἐπὶ τῷ ἰσθμῷ τῷ Κορινθιακῷ μνημονεύεται
στήλη τις ἱδρυμένη πρότερον, ἣν ἔστησαν κοινῇ οἱ τὴν Ἀττικὴν σὺν τῇ
Μεγαρίδι κατασχόντες Ἴωνες, ἐξελαθέντες ἐκ τῆς Πελοποννήσου, καὶ οἱ
κατασχόντες τὴν Πελοπόννησον, ἐπιγράψαντες ἐπὶ μὲν τοῦ πρὸς τῇ Μεγαρίδι
μέρους,
τάδ' οὐχὶ Πελοπόννησος ἀλλ' Ἰωνία,
ἐκ δὲ θατέρου,
τάδ' ἐστὶ Πελοπόννησος οὐκ Ἰωνία.
Ἀλέξανδρος δὲ τῆς Ἰνδικῆς στρατείας ὅρια βωμοὺς ἔθετο ἐν τοῖς τόποις εἰς οὓς
ὑστάτους ἀφίκετο τῶν πρὸς ταῖς ἀνατολαῖς Ἰνδῶν, μιμούμενος τὸν Ἡρακλέα
καὶ τὸν Διόνυσον. Ἦν μὲν δὴ τὸ ἔθος τοῦτο.
| [3,5,5] Sur la fondation de Gadira, voici la tradition qui a cours dans le
pays. Un ancien oracle ayant ordonné aux Tyriens d'aller fonder un
établissement aux Colonnes d'Hercule, une première expédition partit
à la découverte des points indiqués : parvenus au détroit de Calpé, les
marins qui la composaient prirent pour les extrémités mêmes de la
terre habitée et pour le terme des courses d'Hercule les deux
promontoires qui forment le détroit, et, se persuadant que c'étaient là
les Colonnes dont avait parlé l'oracle, ils jetèrent l'ancre en deçà du
détroit, là où s'élève aujourd'hui la ville des Exitans, et offrirent sur ce
point de la côte un sacrifice au dieu, mais, les victimes ne s'étant pas
trouvées propices, ils durent regagner Tyr. Une seconde expédition,
envoyée peu de temps après, dépassa le détroit de 1500 stades
environ, et, ayant atteint sur la côte d'Ibérie et près de la ville d'Onoba
une île consacrée à Hercule, se crut arrivée là au but désigné par
l'oracle; elle offrit alors un sacrifice au dieu, mais, comme cette fois
encore les victimes furent trouvées contraires, l'expédition s'en
retourna. Une troisième enfin partit, qui fonda l'établissement de
Gadira et bâtit le temple dans la partie orientale de l'île en même
temps que la ville dans la partie occidentale. — D'après cette tradition,
les uns ont voulu voir les Colonnes d'Hercule dans les deux
promontoires qui forment le détroit, d'autres ont reconnu sous ce nom
l'île de Gadira elle-même; d'autres les ont cherchées plus loin que
Gadira au sein de la mer Extérieure. On a cru aussi que ce pouvait
être le mont Calpé et l'Abilyx, montagne de la Libye qui fait face à
Calpé et qu'Eratosthène place chez lese Métagoniens, peuple numide,
ou, sinon ces deux montagnes, au moins les deux petites îles qui les
avoisinent et dont une est connue sous le nom d'île de Junon.
Artémidore, lui, mentionne bien cette île de Junon, ainsi que le temple
qu'elle renferme, mais il nie en même temps qu'il existe une autre île
vis-à-vis, non plus qu'une montagne du nom d'Abilyx et une nation
Métagonienne. D'autres auteurs, transportant ici les roches Planctæ ou
Symplégades, y ont vu les Colonnes, ou, comme dit Pindare, les Pyles
Gadirides, dernier terme des courses d'Hercule. Enfin Dicéarque,
Ératosthène, Polybe et la plupart des Grecs parlent de véritables
colonnes placées soi-disant aux abords du détroit, ou mieux à Gadira,
puisque Ibériens et Libyens soutiennent qu'il n'existe rien aux abords
du détroit qui ressemble à des colonnes. Quelques-uns vont plus loin
et reconnaissent expressément ces monuments dans les colonnes
d'airain, hautes de huit coudées, qui ornent l'Heracleum de Gadira et
sur lesquelles on a inscrit le détail des frais de construction du temple :
ils se fondent sur ce que les marins, au terme de leur traversée, ne
manquent jamais de venir saluer ces colonnes et de sacrifier en même
temps à Hercule, et ils pensent qu'un pareil usage a bien pu donner
lieu au bruit si répandu qu'ici se trouvait la limite extrême de la terre et
des mers. Posidonius estime cette opinion la plus plausible de toutes;
quant à l'histoire de l'oracle et des trois expéditions successives
envoyées par les Tyriens, il n'y voit qu'un de ces mensonges familiers
aux Phéniciens. Nous ne comprenons guère, à vrai dire, que sur ces
expéditions des Tyriens on puisse être aussi affirmatif, les raisons à
alléguer pour ou contre l'authenticité du fait nous paraissant également
plausibles; mais l'autre objection, que des îlots ou des montagnes ne
ressemblent pas le moins du monde à des colonnes et qu'il faut
entendre de colonnes véritables ce qui est dit des bornes de la terre
habitée et des courses ou voyages d'Hercule, n'est pas tout à fait
dénuée de fondement. C'était en effet l'usage des anciens temps de
poser de semblables bornes , témoins cette petite colonne en forme de
tourelle élevée par les Rhégiens sur le détroit de Sicile et la tour du
Pélore érigée vis-à-vis; témoins les autels des Philènes placés vers le
milieu de l'intervalle qui sépare les deux Syrtes, témoin encore la
colonne qui s'élevait naguère, dit-on, sur l'isthme de Corinthe et que
les Ioniens, devenus les maîtres de l'Attique et de la Mégaride après
leur expulsion du Péloponnèse, avaient bâtie de compte à demi avec
les nouveaux possesseurs du Péloponnèse les Ioniens ayant inscrit
sur la face qui regardait la Mégaride
« Ceci n'est point le Péloponnèse, mais bien l'Ionie, »
tandis que les autres avaient gravé ces mots sur la face opposée :
« Ceci est le Péloponnèse et non l'Ionie »
Ajoutons qu'Alexandre, lui aussi, pour marquer le terme de son
expédition dans l'Inde, voulut élever des autels à l'endroit même où
s'était arrêtée sa marche victorieuse vers l'extrême Orient, pour imiter
ainsi ce qu'avaient fait avant lui Hercule et Bacchus. C'était donc là, on
le voit, une très ancienne coutume.
|