[1] Ὅτι μέν, ὦ Εὔφανες, ἐπαινέτης ὢν Πινδάρου
πολλάκις ἔχεις διὰ στόματος ὡς εἰρημένον εὖ καὶ
πιθανῶς ὑπ´ αὐτοῦ
"τιθεμένων ἀγώνων πρόφασις
ἀρετὰν ἐς αἰπὺν ἔβαλε σκότον,"
οὐκ ἀγνοοῦμεν. ἐπειδὴ δὲ πλείστας αἱ πρὸς τοὺς
πολιτικοὺς ἀγῶνας ἀποκνήσεις καὶ μαλακίαι προφάσεις
ἔχουσαι τελευταίαν ὥσπερ τὴν "ἀφ´ ἱερᾶς"
ἐπάγουσιν ἡμῖν τὸ γῆρας, καὶ μάλιστα δὴ τούτῳ
τὸ φιλότιμον ἀμβλύνειν καὶ δυσωπεῖν δοκοῦσαι
πείθουσιν εἶναί τινα πρέπουσαν οὐκ ἀθλητικῆς
μόνον ἀλλὰ καὶ πολιτικῆς περιόδου κατάλυσιν·
οἴομαι δεῖν ἃ πρὸς ἐμαυτὸν ἑκάστοτε λογίζομαι καὶ
πρὸς σὲ διελθεῖν περὶ τῆς πρεσβυτικῆς πολιτείας·
ὅπως μηδέτερος ἀπολείψει τὴν μακρὰν συνοδίαν
μέχρι δεῦρο κοινῇ προερχομένην μηδὲ τὸν πολιτικὸν
βίον ὥσπερ ἡλικιώτην καὶ συνήθη φίλον
ἀπορρίψας μεταβαλεῖται πρὸς ἄλλον ἀσυνήθη καὶ
χρόνον οὐκ ἔχοντα συνήθη γενέσθαι καὶ οἰκεῖον,
ἀλλ´ ἐμμενοῦμεν οἷς ἀπ´ ἀρχῆς προειλόμεθα, ταὐτὸ
τοῦ ζῆν καὶ τοῦ καλῶς ζῆν ποιησάμενοι πέρας·
εἴ γε δὴ μὴ μέλλοιμεν ἐν βραχεῖ τῷ λειπομένῳ τὸν
πολὺν ἐλέγχειν χρόνον, ὡς ἐπ´ οὐδενὶ καλῷ μάτην ἀνηλωμένον.
Οὐ γὰρ ἡ τυραννίς, ὥς τις εἶπε Διονυσίῳ,
καλὸν ἐντάφιον· ἀλλ´ ἐκείνῳ γε τὴν μοναρχίαν
μετὰ τῆς ἀδικίας τό γε μὴ παύσασθαι συμφορὰν
τελεωτέραν ἐποίησε. καὶ καλῶς Διογένης ὕστερον
ἐν Κορίνθῳ τὸν υἱὸν αὐτοῦ θεασάμενος ἰδιώτην
ἐκ τυράννου γεγενημένον "ὡς ἀναξίως," ἔφη,
"Διονύσιε, σεαυτοῦ πράττεις· οὐ γὰρ ἐνταῦθά
σε μεθ´ ἡμῶν ἔδει ζῆν ἐλευθέρως καὶ ἀδεῶς,
ἀλλ´ ἐκεῖ τοῖς τυραννείοις ἐγκατῳκοδομημένον
ὥσπερ ὁ πατὴρ ἄχρι γήρως ἐγκαταβιῶσαι."
πολιτεία δὲ δημοκρατικὴ καὶ νόμιμος ἀνδρὸς
εἰθισμένου παρέχειν αὑτὸν οὐχ ἧττον ἀρχόμενον
ὠφελίμως ἢ ἄρχοντα καλὸν ἐντάφιον ὡς ἀληθῶς
τὴν ἀπὸ τοῦ βίου δόξαν τῷ θανάτῳ προστίθησι·
τοῦτο γὰρ "ἔσχατον δύεται κατὰ γᾶς"
ὥς φησι Σιμωνίδης, πλὴν ὧν προαποθνήσκει τὸ
φιλάνθρωπον καὶ φιλόκαλον καὶ προαπαυδᾷ τῆς
τῶν ἀναγκαίων ἐπιθυμίας ὁ τῶν καλῶν ζῆλος, ὡς
τὰ πρακτικὰ μέρη καὶ θεῖα τῆς ψυχῆς ἐξιτηλότερα
τῶν παθητικῶν καὶ σωματικῶν ἐχούσης· ὅπερ
οὐδὲ λέγειν καλὸν οὐδ´ ἀποδέχεσθαι τῶν λεγόντων,
ὡς κερδαίνοντες μόνον οὐ κοπιῶμεν· ἀλλὰ καὶ τὸ
τοῦ Θουκυδίδου παράγειν ἐπὶ τὸ βέλτιον, μὴ τὸ
φιλότιμον ἀγήρων μόνον ἡγουμένους, ἀλλὰ μᾶλλον
τὸ κοινωνικὸν καὶ πολιτικόν, ὃ καὶ μύρμηξιν
ἄχρι τέλους παραμένει καὶ μελίτταις· οὐδεὶς
γὰρ πώποτ´ εἶδεν ὑπὸ γήρως κηφῆνα γενομένην
μέλιτταν, ὥσπερ ἔνιοι τοὺς πολιτικοὺς ἀξιοῦσιν,
ὅταν παρακμάσωσιν, οἴκοι σιτουμένους καθῆσθαι
καὶ ἀποκεῖσθαι, καθάπερ ἰῷ σίδηρον ὑπ´ ἀργίας
τὴν πρακτικὴν ἀρετὴν σβεννυμένην περιορῶντας.
ὁ γὰρ Κάτων ἔλεγεν, ὅτι πολλὰς ἰδίας ἔχοντι τῷ
γήρᾳ κῆρας οὐ δεῖ τὴν ἀπὸ τῆς κακίας ἑκόντας
ἐπάγειν αἰσχύνην· πολλῶν δὲ κακιῶν οὐδεμιᾶς
ἧττον ἀπραξία καὶ δειλία καὶ μαλακία καταισχύνουσιν
ἄνδρα πρεσβύτην, ἐκ πολιτικῶν ἀρχείων
καταδυόμενον εἰς οἰκουρίαν γυναικῶν ἢ κατ´
ἀγρὸν ἐφορῶντα καλαμητρίδας καὶ θεριστάς·
" ὁ δ´ Οἰδίπους ποῦ καὶ τὰ κλείν´ αἰνίγματα;"
Τὸ μὲν γὰρ ἐν γήρᾳ πολιτείας ἄρχεσθαι καὶ μὴ
πρότερον, ὥσπερ Ἐπιμενίδην λέγουσι κατακοιμηθέντα
νεανίαν ἐξεγρέσθαι γέροντα μετὰ πεντήκοντα
ἔτη· εἶτα τὴν οὕτω μακρὰν καὶ συμβεβιωκυῖαν
ἡσυχίαν ἀποθέμενον ἐμβαλεῖν ἑαυτὸν εἰς ἀγῶνας
καὶ ἀσχολίας, ἀήθη καὶ ἀγύμναστον ὄντα καὶ μήτε
πράγμασιν ἐνωμιληκότα πολιτικοῖς μήτ´ ἀνθρώποις,
ἴσως ἂν αἰτιωμένῳ τινὶ παράσχοι τὸ τῆς
Πυθίας εἰπεῖν "ὄψ´ ἦλθες" ἀρχὴν καὶ δημαγωγίαν
διζήμενος, καὶ παρ´ ὥραν στρατηγίου κόπτεις
θύραν, ὥσπερ τις ἀτεχνότερος ὢν νύκτωρ ἐπίκωμος
ἀφιγμένος, ἢ ξένος οὐ τόπον οὐδὲ χώραν
ἀλλὰ βίον, οὗ μὴ πεπείρασαι, μεταλλάττων. τὸ γὰρ
"πόλις ἄνδρα διδάσκει" κατὰ Σιμωνίδην ἀληθές
ἐστιν ἐπὶ τῶν ἔτι χρόνον ἐχόντων μεταδιδαχθῆναι
καὶ μεταμαθεῖν μάθημα, διὰ πολλῶν ἀγώνων καὶ
πραγμάτων μόλις ἐκπονούμενον, ἄνπερ ἐν καιρῷ
φύσεως ἐπιλάβηται καὶ πόνον ἐνεγκεῖν καὶ δυσημερίαν
εὐκόλως δυναμένης. ταῦτα δόξει τις μὴ
κακῶς λέγεσθαι πρὸς τὸν ἀρχόμενον ἐν γήρᾳ πολιτείας.
| [1] Que vous soyez, mon cher Euphanès, grand admirateur
de Pindare, et que vous ayez souvent à la bouche ces deux
vers de lui, comme parfaitement justes et vrais :
"Au moment du combat tout prétexte apporté
Replonge la valeur dans son obscurité,"
c'est ce que nous n'ignorons pas. Puisque donc, entre les
nombreux prétextes qu'allèguent l'indolence et la mollesse
pour protester contre les combats de la vie politique, il est
une dernière raison qu'elles nous opposent comme décisive,
à savoir la vieillesse; puisque c'est par cet argument
surtout qu'elles semblent ralentir l'ambition et lui faire
honte en prétendant que l'âge est une occasion convenable
de renoncer non seulement aux luttes des athlètes, mais
encore à celles de la vie politique, je crois devoir vous communiquer
mes réflexions personnelles de chaque jour, et
discourir avec vous sur la question de savoir s'il convient
que les vieillards prennent part au gouvernement.
Mon but, en cela, est de conclure à ce que nous n'abandonnions,
ni vous ni moi, la carrière dans laquelle nous
avançons ensemble depuis si longtemps; à ce que nous ne
renoncions pas à la vie politique, qui est pour nous comme
un ami de notre âge, un ami que nous avons constamment
pratiqué; à ce que nous n'allions pas échanger cette vie
contre un autre genre d'existence dont nous n'avons pas
l'habitude et que le temps ne nous permettrait pas de nous
rendre habituelle et familière; enfin à ce que nous persistions
à faire ce qui fut notre première occupation. Oui :
proposons-nous aussi bien pour but une vie honorable que
la vie elle-même : à moins que nous ne devions, pour le peu
de temps qui nous reste, condamner tout celui que nous
avons déjà vécu, en laissant croire que ce temps a été perdu
inutilement et sans aucun résultat honorable.
La tyrannie, malgré ce que Denys disait à quelqu'un,
n'est pas un beau monument pour y être enseveli. Lui, du
moins, en ne cessant pas de régner avec injustice, rendit
son malheur plus complet; et j'approuve Diogène. Plus
tard à Corinthe il eut occasion de voir le fils de ce même
Denys : de prince, le jeune homme était devenu simple particulier :
"Denys, lui dit-il, combien ta condition actuelle
est loin d'être celle que tu mérites! Au lieu de vivre parmi
nous libre et exempt de craintes, tu devrais être là-bas,
confiné derrière tes donjons de tyran, comme ton père, et y
attendre la vieillesse." C'est un gouvernement populaire et
légitime, c'est le gouvernement exercé par un homme sachant
se rendre aussi utile quand il obéit que quand il commande,
qui est un beau monument pour y être enseveli, puisqu'à
la gloire acquise pendant sa vie il ajoute la mort pour
couronnement. C'est là en effet,
"Ce qui descend en dernier dans la tombe ..."
comme dit Simonide, excepté pour ceux en qui meurent
avant le trépas l'humanité et l'amour du bien, en qui le zèle
pour les belles choses s'éteint avant le désir de celles qui
sont nécessaires à l'existence : tant les facultés actives et divines
de leur âme sont plus languissantes que leurs passions
et leurs affections corporelles !
Il n'est beau ni de proclamer, ni de laisser proclamer par
d'autres, que l'acquisition des richesses soit le seul travail
où l'on ne se fatigue pas. Et même, certaine pensée de
Thucydide doit être prise dans un meilleur sens. N'admettons
pas que ce soit l'ambition seule qui résiste à la vieillesse :
c'est bien plutôt l'amour du pays et le dévouement à
la chose publique, sentiment que conservent jusqu'à la fin
les fourmis et les abeilles. Car personne jamais n'a vu une
abeille en vieillissant devenir bourdon, rôle où quelques-uns
prétendraient réduire les hommes d'Etat qui n'ont plus
la vigueur de l'âge. On voudrait que ceux-ci, ne pensant
qu'à manger, restassent ainsi relégués à la maison. Comme
la rouille use le fer, on souffrirait avec indifférence que
l'inaction éteignît les facultés actives de leur âme.
Caton disait, que la vieillesse ayant beaucoup de difformités
fatales qui lui sont particulières, on ne doit pas, de
propos délibéré, lui imprimer encore la dégradation attachée
au vice. Or, entre beaucoup d'autres vices, le désoeuvrement,
la lâcheté et la mollesse déshonorent peut-être le
plus un vieillard, lorsque des prétoires où il exerçait une
magistrature il descend à des détails de ménage tout féminins,
ou bien qu'il va dans les champs inspecter les glaneuses
et les moissonneurs.
"OEdipe et sa fameuse énigme, où sont-ils donc?"
Supposons qu'un homme commence dans la vieillesse à
s'occuper de politique sans y avoir jamais songé auparavant :
comme on dit d'Epiménide, qu'il s'était endormi jeune
homme et qu'il se réveilla vieillard à l'âge de cinquante
ans. Supposons que, renonçant à une inaction si prolongée
et devenue si naturelle, il se jette dans des luttes et dans
des embarras, lui qui n'en a ni l'habitude ni l'exercice, lui
qui n'a jamais pratiqué ni les affaires politiques ni les
hommes, peut-être aurons-nous le droit de lui en faire un
reproche, et de lui dire comme quand la Pythie prononce la
formule : "Trop tard!" Oui : c'est trop tard courir après le
pouvoir et les charges publiques, c'est trop tard frapper à
la porte du prétoire. En vérité l'on croirait voir un vieillard
attardé nuitamment lorsqu'il se rend à une orgie, ou bien
un étranger égaré qui cherche son chemin. Ce n'est pas
de route, vous, c'est d'existence que vous changez, pour
en prendre une dont vous n'aviez pas tenté l'essai.
Car ce mot de Simonide :
"La ville instruit un homme,"
est vrai, appliqué à ceux qui ont encore le temps d'étudier
et d'apprendre une science, parce qu'une science est le
résultat laborieux d'efforts et de travaux prolongés, quand
on s'y consacre à une époque de la vie où la nature peut
en supporter aisément la fatigue et les dégoûts. Comment
ne trouverait-on pas ces paroles parfaitement applicables
à celui qui commence à s'occuper des affaires publiques
quand il est vieux?
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