[993] ΠΕΡΙ ΣΑΡΚΟΦΑΓΙΑΣ ΛΟΓΟΣ Αʹ
(993a) Ἀλλὰ σὺ μὲν ἐρωτᾷς τίνι λόγῳ Πυθαγόρας ἀπείχετο σαρκοφαγίας, ἐγὼ δὲ
θαυμάζω καὶ τίνι πάθει καὶ ποίᾳ (993b) ψυχῇ {ἢ λόγῳ} ὁ πρῶτος ἄνθρωπος
ἥψατο φόνου στόματι καὶ τεθνηκότος ζῴου χείλεσι προσήψατο σαρκὸς καὶ
νεκρῶν σωμάτων καὶ ἑώλων προθέμενος τραπέζας ὄψα καὶ τρυφὰς {καὶ} προσέτι
εἶπεν τὰ μικρὸν ἔμπροσθεν βρυχώμενα μέρη καὶ φθεγγόμενα καὶ κινούμενα καὶ
βλέποντα· πῶς ἡ ὄψις ὑπέμεινε τὸν φόνον σφαζομένων δερομένων
διαμελιζομένων, πῶς ἡ ὄσφρησις ἤνεγκε τὴν ἀποφοράν, πῶς τὴν γεῦσιν οὐκ
ἀπέστρεψεν ὁ μολυσμὸς ἑλκῶν ψαύουσαν ἀλλοτρίων καὶ τραυμάτων θανασίμων
χυμοὺς καὶ ἰχῶρας ἀπολαμβάνουσαν.
(993c) « Εἷρπον μὲν ῥινοί, κρέα δ´ ἀμφ´ ὀβελοῖς ἐμεμύκει
ὀπταλέα τε καὶ ὠμά, βοῶν δ´ ὣς γίγνετο φωνή· »
τοῦτο πλάσμα καὶ μῦθός ἐστι, τὸ δέ γε δεῖπνον ἀληθῶς τερατῶδες, πεινῆν
τινα τῶν μυκωμένων ἔτι, {καὶ} διδάσκοντα ἀφ´ ὧν δεῖ τρέφεσθαι ζώντων ἔτι
καὶ λαλούντων, καὶ διαταττόμενον ἀρτύσεις τινὰς καὶ ὀπτήσεις καὶ
παραθέσεις· τούτων ἔδει ζητεῖν τὸν πρῶτον ἀρξάμενον οὐ τὸν ὀψὲ παυσάμενον.
Ἢ τοῖς μὲν πρώτοις ἐκείνοις ἐπιχειρήσασι σαρκοφαγεῖν τὴν αἰτίαν ἂν εἴποι
τις εἶναι τὴν ἀπορίαν· οὐ γὰρ ἐπιθυμίαις ἀνόμοις συνδιάγοντες οὐδ´ ἐν
περιουσίᾳ τῶν (993d) ἀναγκαίων ὑβρίσαντες εἰς ἡδονὰς παρὰ φύσιν ἀσυμφύλους
ἐπὶ ταῦτ´ ἦλθον· ἀλλ´ εἴποιεν ἂν αἴσθησιν ἐν τῷ παρόντι καὶ φωνὴν λαβόντες·
« Ὦ μακάριοι καὶ θεοφιλεῖς οἱ νῦν ὄντες ὑμεῖς, οἷον βίου λαχόντες αἰῶνα
καρποῦσθε καὶ νέμεσθε κλῆρον ἀγαθῶν ἄφθονον· ὅσα φύεται ὑμῖν, ὅσα
τρυγᾶται· ὅσον πλοῦτον ἐκ πεδίων, ὅσας ἀπὸ φυτῶν ἡδονὰς {ἃς} δρέπεσθαι
πάρεστιν· ἔξεστιν ὑμῖν καὶ τρυφᾶν μὴ μιαινομένοις. Ἡμᾶς δὲ σκυθρωπότατον
καὶ φοβερώτατον ἐδέξατο βίου καὶ χρόνου μέρος, εἰς πολλὴν καὶ ἀμήχανον
ἐκπεσόντας ἀπὸ τῆς πρώτης γενέσεως ἀπορίαν· ἔτι (993e) μὲν οὐρανὸν
ἔκρυπτεν ἀὴρ καὶ ἄστρα, θολερῷ καὶ δυσδιαστατοῦντι πεφυρμένος ὑγρῷ καὶ
πυρὶ καὶ ζάλαις ἀνέμων· « οὔπω δ´ ἥλιος » ἵδρυτο ἀπλανὴς καὶ βέβαιον
« Ἔχων δρόμον, ἠῶ
καὶ δύσιν ἔκρινεν, περὶ δ´ ἤγαγεν αὖθις ὀπίσσω
καρποφόροισιν ἐπιστέψας καλυκοστεφάνοισιν
Ὥραις, γῆ δ´ ὕβριστο »
ποταμῶν ἐκβολαῖς ἀτάκτοις, καὶ πολλὰ « λίμναισιν ἄμορφα » καὶ πηλοῖς
βαθέσι καὶ λόχμαις ἀφόροις καὶ ὕλαις ἐξηγρίωτο· φορὰ δ´ ἡμέρων καρπῶν καὶ
τέχνης ὄργανον οὐδὲν ἦν οὐδὲ μηχανὴ σοφίας· ὁ δὲ λιμὸς οὐκ ἐδίδου χρόνον
οὐδ´ ὥρας ἐτησίους σπόρος ὢν τότ´ ἀνέμενε. Τί θαυμαστόν, εἰ ζῴων
ἐχρησάμεθα σαρξὶ παρὰ φύσιν, ὅτ´ (993f) ἰλὺς ἠσθίετο « καὶ φλοιὸς ἐβρώθη
ξύλου », καὶ « ἄγρωστινεὑρεῖν βλαστάνουσαν ἢ φλεώ » τινα ῥίζαν εὐτυχὲς ἦν;
| [993] SUR L'USAGE DES VIANDES.
DISCOURS PREMIER.
(993a) Vous me demandez pour quelle raison Pythagore s'abstenait de manger
de la chair de bête ; mais moi je vous demande avec étonnement quel motif
ou plutôt quel courage eut celui qui le premier approcha de sa bouche une
chair meurtrie, qui toucha de ses lèvres les membres sanglants d'une bête
expirante, qui fit servir sur sa table des corps morts et des cadavres, et
dévora des membres qui, le moment d'auparavant, bêlaient, mugissaient,
marchaient et voyaient? Comment ses yeux purent-ils soutenir l'aspect d'un
meurtre? comment put-il voir égorger, écorcher, déchirer un faible animal?
comment put-il en supporter l'odeur? comment ne fut-il pas dégoûté et
saisi d'horreur quand il vint à manier l'ordure de ces plaies, à nettoyer
le sang noir qui les couvrait ?
(993c) "Les peaux rampaient encore sur la terre écorchées;
Les chairs dans son foyer mugissaient embrochées;
Et l'homme dans son sein les entendit gémir".
Ces vers d'Homère ne sont qu'une fiction ; mais quel repas monstrueux que
d'assouvir sa faim d'animaux encore mugissants, que de se faire apprêter
des bêtes qui respiraient, qui parlaient encore, que de prescrire la
manière de les cuire, de les assaisonner et de les servir ! C'est de ceux
qui commencèrent ces horribles festins, et non de ceux qui les ont enfin
quittés, qu'on a lieu de s'étonner. Encore les premiers qui osèrent manger
la chair des animaux pouvaient-ils s'excuser sur (993c) la nécessité. Ce
ne fût pas pour satisfaire des goûts désordonnés, ni dans l'abondance des
commodités de la vie, que, par une sensualité barbare, ils recherchèrent
des plaisirs réprouvés par la nature et par l'humanité. S'ils pouvaient
renaître aujourd'hui et recouvrer le sentiment et la voix, ils nous diraient :
« Heureux mortels, quelle faveur les dieux vous ont faite, de vous
réserver pour un temps où la nature vous prodigue toutes sortes de biens !
que de richesses elle fait éclore pour vous ! quels vignobles à vendanger !
quelles moissons à recueillir ! de quels fruits délicieux les arbres
sont chargés ! Vous pouvez jouir de toutes ces richesses sans jamais
souiller vos mains. Nous, au contraire, nous avons vécu dans le temps le
plus dur et le plus misérable, où le monde, nouvellement formé, ne nous
offrait aucune ressource contre la plus affreuse misère. (993e) Le ciel
était encore couvert de vapeurs épaisses, et les astres, sans lumière,
n'étaient qu'une masse confuse de feu et d'eau bourbeuse qu'agitaient les
vents et les orages. Le cours du soleil n'avait pas une marche fixe et
régulière ; les heures de son lever et de son coucher n'étaient pas
invariables, et des révolutions périodiques ne ramenaient pas à des
époques certaines les saisons couronnées de fruits abondants. Le cours
incertain des rivières dégradait leurs rives de toutes parts ; des étangs,
des lacs, de profonds marécages, des bois stériles et des forêts sauvages
couvraient partout sa surface. Elle ne produisait d'elle-même aucun bon
fruit ; nous n'avions nul instrument de labourage et nous ignorions l'art
de la rendre féconde. La faim ne nous laissait aucun relâche, et, comme
nous n'avions pu rien semer, nous ne pouvions espérer de récolte. Faut-il
s'étonner que, contre le sentiment de la nature, nous ayons fait usage de
la chair des animaux (993f) dans un temps où la mousse et l'écorce des
arbres faisaient notre nourriture? Quelques racines vertes de chiendent ou
de bruyère étaient pour nous un régal, et ceux qui avaient pu trouver du
gland dansaient de joie autour d'un chêne on d'un hêtre, au son d'une
chanson rustique, et appelaient la terre leur nourrice et leur mère.
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