Texte grec :
[28] ἐνάτῳ δὲ μηνὶ τῶν Σαμίων παραστάντων ὁ Περικλῆς τὰ τείχη
καθεῖλε καὶ τὰς ναῦς παρέλαβε καὶ χρήμασι πολλοῖς ἐζημίωσεν, ὧν τὰ
μὲν εὐθὺς εἰσήνεγκαν οἱ Σάμιοι, τὰ δ' ἐν χρόνῳ ῥητῷ ταξάμενοι κατοίσειν
ὁμήρους ἔδωκαν. Δοῦρις δ' ὁ Σάμιος τούτοις ἐπιτραγῳδεῖ πολλὴν ὠμότητα
τῶν Ἀθηναίων καὶ τοῦ Περικλέους κατηγορῶν, ἣν οὔτε Θουκυδίδης
ἱστόρηκεν οὔτ' (2) Ἔφορος οὔτ' Ἀριστοτέλης· ἀλλ' οὐδ' ἀληθεύειν ἔοικεν,
ὡς ἄρα τοὺς τριηράρχους καὶ τοὺς ἐπιβάτας τῶν Σαμίων εἰς τὴν Μιλησίων
ἀγορὰν καταγαγὼν καὶ σανίσι προσδήσας ἐφ' ἡμέρας δέκα κακῶς ἤδη
διακειμένους προσέταξεν ἀνελεῖν, ξύλοις τὰς κεφαλὰς συγκόψαντας, εἶτα
προβαλεῖν ἀκήδευτα τὰ σώματα. (3) Δοῦρις μὲν οὖν οὐδ' ὅπου μηδὲν αὐτῷ
πρόσεστιν ἴδιον πάθος εἰωθὼς κρατεῖν τὴν διήγησιν ἐπὶ τῆς ἀληθείας,
μᾶλλον ἔοικεν ἐνταῦθα δεινῶσαι τὰς τῆς πατρίδος συμφορὰς ἐπὶ διαβολῇ
τῶν Ἀθηναίων.
ὁ δὲ Περικλῆς καταστρεψάμενος τὴν Σάμον ὡς ἐπανῆλθεν εἰς τὰς
Ἀθήνας, ταφάς τε τῶν ἀποθανόντων κατὰ τὸν πόλεμον ἐνδόξους ἐποίησε
καὶ τὸν λόγον εἰπών, ὥσπερ ἔθος ἐστίν, ἐπὶ τῶν σημάτων ἐθαυμαστώθη.
(4) καταβαίνοντα δ' αὐτὸν ἀπὸ τοῦ βήματος αἱ μὲν ἄλλαι γυναῖκες
ἐδεξιοῦντο καὶ στεφάνοις ἀνέδουν καὶ ταινίαις ὥσπερ ἀθλητὴν
νικηφόρον, ἡ δ' Ἐλπινίκη προσελθοῦσα πλησίον· “ταῦτ',” ἔφη, “θαυμαστά,
Περίκλεις, καὶ ἄξια στεφάνων, ὃς ἡμῖν πολλοὺς καὶ ἀγαθοὺς ἀπώλεσας
πολίτας οὐ Φοίνιξι πολεμῶν οὐδὲ Μήδοις, ὥσπερ οὑμὸς ἀδελφὸς Κίμων,
ἀλλὰ σύμμαχον καὶ συγγενῆ πόλιν καταστρεφόμενος.” (5) ταῦτα τῆς
Ἐλπινίκης λεγούσης ὁ Περικλῆς μειδιάσας ἀτρέμα λέγεται τὸ τοῦ
Ἀρχιλόχου πρὸς αὐτὴν εἰπεῖν·
οὐκ ἂν μύροισι γραῦς ἐοῦσ' ἠλείφεο.
θαυμαστὸν δέ τι καὶ μέγα φρονῆσαι καταπολεμήσαντα τοὺς Σαμίους
φησὶν αὐτὸν ὁ Ἴων, ὡς τοῦ μὲν Ἀγαμέμνονος ἔτεσι δέκα βάρβαρον πόλιν,
αὐτοῦ δὲ μησὶν ἐννέα τοὺς πρώτους καὶ δυνατωτάτους Ἰώνων ἑλόντος. (6)
καὶ οὐκ ἦν ἄδικος ἡ ἀξίωσις, ἀλλ' ὄντως πολλὴν ἀδηλότητα καὶ μέγαν
ἔσχε κίνδυνον ὁ πόλεμος, εἴπερ, ὡς Θουκυδίδης φησί, παρ' ἐλάχιστον
ἦλθε Σαμίων ἡ πόλις ἀφελέσθαι τῆς θαλάττης τὸ κράτος Ἀθηναίους.
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Traduction française :
[28] XXVIII. Samos se rendit enfin, après neuf mois de siège. Périclès en fit raser les murailles ; il
ôta aux Samiens leurs vaisseaux, exigea d'eux de très grosses sommes, dont ils payèrent
comptant une partie, prirent des termes pour le reste, et donnèrent des otages pour la sûreté du
paiement. Duris de Samos, afin de rendre l'événement plus tragique, accuse Périclès et les
Athéniens d'une horrible cruauté dont ni Thucydide, ni Ephore, ni Aristote, n'ont fait
mention. Aussi son récit n'a-t-il aucune apparence de vérité. Il raconte que Périclès fit
conduire les capitaines des vaisseaux et les soldats samiens sur la place publique de Milet ;
que là ils furent attachés à des poteaux, où ils restèrent exposés pendant dix jours ; qu'enfin,
comme ils étaient sur le point d'expirer, on les assomma à coups de bâton, et on leur refusa
même la sépulture. Mais Duris, qui, lors même qu'il n'est pas entraîné par quelque affection
particulière, respecte rarement la vérité, a voulu, dans cette occasion, rendre les Athéniens
odieux en exagérant les malheurs de sa patrie.
Périclès, après avoir réduit Samos, se rembarqua. Arrivé à Athènes, il fit des obsèques
magnifiques aux citoyens morts dans le cours de cette guerre ; et, suivant l'usage qui se
pratique encore aujourd'hui, il prononça lui-même sur leur tombeau leur oraison funèbre, qui
fut généralement admirée. Lorsqu'il descendit de la tribune, toutes les femmes allèrent
l'embrasser, et lui mirent sur la tête des couronnes et des bandelettes, comme à un athlète qui
revient vainqueur des jeux. La seule Elpinice lui dit, en s'approchant : « Voilà sans doute,
Périclès, des exploits admirables et bien dignes de nos couronnes, d'avoir fait périr tant de
braves citoyens, non en faisant la guerre aux Phéniciens ou aux Mèdes, comme mon frère
Cimon, mais en ruinant une ville alliée qui tirait de nous son origine ! « Périclès se mit à
sourire, et ne lui répondit que par ces vers d'Archiloque :
Mettez donc moins d'essence avec ces cheveux blancs.
Ion écrit que la défaite des Samiens enfla tellement le coeur de Périclès, qu'il disait avec
complaisance qu'Agamemnon avait mis dix ans entiers à prendre une ville barbare, et que lui
il avait conquis en neuf mois la ville la plus riche et la plus puissante de toute l'ionie. Au
reste, ce n'était pas sans fondement qu'il s'en glorifiait : car, outre que cette guerre fut très
périlleuse et le succès longtemps incertain, peu s'en fallut, suivant Thucydide, que les
Samiens ne fissent perdre à Athènes l'empire de la mer.
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