[31] Ἅμα δ´ ἡμέρᾳ τῆς ψήφου δοθείσης, ἥ τε πρώτη φυλὴ τὸν θρίαμβον
ἀπεψηφίζετο, καὶ τοῦ πράγματος αἴσθησις εἰς τὸν ἄλλον δῆμον καὶ τὴν
σύγκλητον κατῄει. καὶ τὸ μὲν πλῆθος ὑπεραλγοῦν τῷ προπηλακίζεσθαι
τὸν Αἰμίλιον ἐν φωναῖς ἦν ἀπράκτοις, οἱ δὲ γνωριμώτατοι τῶν ἀπὸ βουλῆς,
δεινὸν εἶναι τὸ γινόμενον βοῶντες, ἀλλήλους παρεκάλουν ἐπιλαβέσθαι
τῆς τῶν στρατιωτῶν ἀσελγείας καὶ θρασύτητος, ἐπὶ πᾶν ἀφιξομένης
ἄνομον ἔργον καὶ βίαιον, εἰ μηδὲν ἐμποδὼν αὐτοῖς γένοιτο *** Παῦλον
Αἰμίλιον ἀφελέσθαι τῶν ἐπινικίων τιμῶν. ὠσάμενοι δὲ τὸν ὄχλον καὶ
ἀναβάντες ἁθρόοι, τοῖς δημάρχοις ἔλεγον ἐπισχεῖν τὴν ψηφοφορίαν, ἄχρι
ἂν διαλεχθῶσιν ἃ βούλονται πρὸς τὸ πλῆθος. ἐπισχόντων δ´ αὐτῶν καὶ
γενομένης σιωπῆς, ἀνελθὼν ἀνὴρ ὑπατικὸς καὶ πολεμίους εἴκοσι καὶ
τρεῖς ἐκ προκλήσεως ἀνῃρηκώς, Μᾶρκος Σερβίλιος, Αἰμίλιον μὲν ἔφη
Παῦλον ἡλίκος αὐτοκράτωρ γένοιτο νῦν μάλιστα γινώσκειν, ὁρῶν ὅσης
ἀπειθείας γέμοντι καὶ κακίας στρατεύματι χρησάμενος οὕτω καλὰς
κατώρθωσε καὶ μεγάλας πράξεις· θαυμάζειν δὲ τὸν δῆμον, εἰ τοῖς ἀπ´
Ἰλλυριῶν καὶ Λιγύων ἀγαλλόμενος θριάμβοις αὑτῷ φθονεῖ τὸν Μακεδόνων
βασιλέα ζῶντα καὶ τὴν Ἀλεξάνδρου καὶ Φιλίππου δόξαν ἐπιδεῖν
ὑπὸ τοῖς Ῥωμαίων ὅπλοις ἀγομένην αἰχμάλωτον. „πῶς γὰρ οὐ δεινὸν“
εἶπεν, „εἰ φήμης μὲν περὶ νίκης ἀβεβαίου πρότερον εἰς τὴν πόλιν ἐμπεσούσης
ἐθύσατε τοῖς θεοῖς, εὐχόμενοι τοῦ λόγου τούτου ταχέως ἀπολαβεῖν
τὴν ὄψιν, ἥκοντος δὲ τοῦ στρατηγοῦ μετὰ τῆς ἀληθινῆς νίκης ἀφαιρεῖσθε
τῶν μὲν θεῶν τὴν τιμήν, αὑτῶν δὲ τὴν χαράν, ὡς φοβούμενοι θεάσασθαι
τὸ μέγεθος τῶν κατορθωμάτων, ἢ φειδόμενοι τοῦ πολεμίου βασιλέως·
καίτοι κρεῖττον ἦν τῷ πρὸς ἐκεῖνον ἐλέῳ, μὴ τῷ πρὸς τὸν αὐτοκράτορα
φθόνῳ λυθῆναι τὸν θρίαμβον. ἀλλ´ εἰς τοσαύτην“ ἔφη „τὸ κακόηθες
ἐξουσίαν προάγεται δι´ ὑμῶν, ὥστε περὶ στρατηγίας καὶ θριάμβου τολμᾷ
λέγειν ἄνθρωπος ἄτρωτος καὶ τῷ σώματι στίλβων ὑπὸ λειότητος καὶ
σκιατραφίας πρὸς ἡμᾶς τοὺς τοσούτοις τραύμασι πεπαιδευμένους ἀρετὰς
καὶ κακίας κρίνειν στρατηγῶν.“ ἅμα δὲ τῆς ἐσθῆτος διασχών, ἐξέφηνε
κατὰ τῶν στέρνων ὠτειλὰς ἀπίστους τὸ πλῆθος. εἶτα μεταστραφεὶς ἔνια
τῶν οὐκ εὐπρεπῶς ἐν ὄχλῳ γυμνοῦσθαι δοκούντων τοῦ σώματος ἀνεκάλυψε,
καὶ πρὸς τὸν Γάλβαν ἐπιστρέψας· „σὺ μὲν“ ἔφη, „γελᾷς ἐπὶ
τούτοις, ἐγὼ δὲ σεμνύνομαι πρὸς τοὺς πολίτας· ὑπὲρ τούτων γὰρ ἡμέραν
καὶ νύκτα συνεχῶς ἱππασάμενος ταῦτ´ ἔσχον. ἀλλ´ ἄγε λαβὼν αὐτοὺς
ἐπὶ τὴν ψῆφον· ἐγὼ δὲ καταβὰς παρακολουθήσω πᾶσι, καὶ γνώσομαι
τοὺς κακοὺς καὶ ἀχαρίστους καὶ δημαγωγεῖσθαι μᾶλλον ἐν τοῖς πολέμοις
ἢ στρατηγεῖσθαι βουλομένους.“
| [31] Au point du jour, le peuple fut appelé à voter. La première tribu refusait le triomphe à
Paul-Émile, et la rumeur s’en répandit aussitôt dans le reste du peuple et au Sénat. La masse,
profondément attristée de l’outrage fait au grand homme, se livrait à des clameurs sans
efficacité ; mais les plus connus des membres du Sénat se récriaient contre l’indignité du fait
et s’encourageaient mutuellement à réprimer l’arrogance et l’audace des soldats, qui se
porteraient à toutes les illégalités et à toutes les violences, si rien ne venait les empêcher
d’ôter à Paul-Émile les honneurs du triomphe. Ecartant la foule, ils montèrent en corps au
Capitole et dirent aux tribuns de suspendre le vote jusqu’à ce qu’eux-mêmes eussent fait à la
foule les représentations qu’ils voulaient. Tout le monde s’arrêta et le silence se fit. Alors un
personnage consulaire qui avait tué vingt-trois ennemis en combat singulier, Marcus Servilius,
monta à la tribune et dit : « Je connais maintenant mieux que jamais quel grand général a été
Paul-Emile, en voyant l’indiscipline et la mollesse de l’armée dont il s’est servi pour réussir
de si grands et de si beaux exploits, et je m’étonne que le peuple qui se glorifie des triomphes
remportés sur les Illyriens et les Ligures se refuse à voir le Roi de Macédoine vivant et,
en sa personne, la gloire de Philippe et d’Alexandre, menés en captivité par la force des
armées de Rome... » — « Comment, en effet, votre conduite ne serait-elle pas révoltante ?
continua-t-il. Sur un bruit de victoire mal fondé qui s’est répandu naguère dans la Ville, vous
avez sacrifié aux dieux pour obtenir bientôt la preuve matérielle de ce qu’on vous annonçait ;
et, quand le général en chef est de retour avec la victoire réelle, vous privez les dieux de
l’honneur qui leur revient, et vous-mêmes de votre joie légitime, comme si vous aviez peur de
contempler la grandeur de vos succès ou comme si vous désiriez épargner l’ennemi ! Encore
vaudrait-il mieux que la pitié pour le vaincu, et non l’envie à l’égard du vainqueur, empêchât
le triomphe du généralissime ! » — « Mais, ajouta-t-il, la malignité autorise un tel degré de
licence, et cela par votre faute, qu’un homme ose parler de campagnes et de triomphes quand
il n’a pas une blessure, qu’il éclate de santé, et que ses couleurs attestent une vie sédentaire !
Et il nous en parle à nous, à qui tant de plaies donnent quelque compétence pour apprécier le
fort et le faible des généraux ! » En même temps, il écarta ses vêtements et montra sur sa
poitrine des cicatrices en nombre incroyable. Puis, comme il se retournait, il découvrit par
mégarde quelques-unes des parties du corps qu’il ne paraît pas convenable de dévoiler au
public ; et, s’adressant à Galba : « Toi, dit-il, cela te fait rire ; et moi, je m’en glorifie devant
les citoyens ; car c’est pour eux qu’à force de monter à cheval jour et nuit j’ai contracté un
mal dont voici les marques. Mais allons, appelle les Romains aux urnes. Et moi, je descendrai,
je les suivrai un à un, et je reconnaîtrai les méchants, les ingrats, et ceux qui aiment mieux, à
la guerre, être flagornés que commandés. »
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