[5] οὕτω δὴ διακείμενος εὐλαβῶς πρὸς τοὺς συκοφάντας
οὔτε συνεδείπνει τινὶ τῶν πολιτῶν οὔτε κοινολογίαις οὔτε
συνδιημερεύσεσιν ἐνέβαλλεν ἑαυτόν, οὐδ' ὅλως ἐσχόλαζε ταῖς
τοιαύταις διατριβαῖς, ἀλλ' ἄρχων μὲν ἐν τῷ στρατηγίῳ διετέλει
μέχρι νυκτός, ἐκ δὲ βουλῆς ὕστατος ἀπῄει πρῶτος
ἀφικνούμενος. εἰ δὲ μηδὲν ἐν κοινῷ πράττειν ἔχοι,
δυσπρόσοδος ἦν καὶ δυσέντευκτος οἰκουρῶν καὶ
κατακεκλεισμένος. (2) οἱ δὲ φίλοι τοῖς ἐπὶ ταῖς θύραις φοιτῶσιν
ἐνετύγχανον, καὶ παρῃτοῦντο συγγνώμην ἔχειν, ὡς καὶ τότε
Νικίου πρὸς δημοσίας χρείας τινὰς καὶ ἀσχολίας ὄντος. καὶ ὁ
μάλιστα ταῦτα συντραγῳδῶν καὶ συμπεριτιθεὶς ὄγκον αὐτῷ
καὶ δόξαν Ἱέρων ἦν, ἀνὴρ τεθραμμένος ἐπὶ τῆς οἰκίας τοῦ
Νικίου, περί τε γράμματα καὶ μουσικὴν ἐξησκημένος ὑπ' αὐτοῦ,
προσποιούμενος δ' υἱὸς εἶναι Διονυσίου τοῦ Χαλκοῦ
προσαγορευθέντος, οὗ καὶ ποιήματα σώζεται, καὶ τῆς εἰς
Ἰταλίαν ἀποικίας ἡγεμὼν γενόμενος ἔκτισε Θουρίους. (3) οὗτος
οὖν ὁ Ἱέρων τά τε πρὸς τοὺς μάντεις ἀπόρρητα διεπράττετο τῷ
Νικίᾳ, καὶ λόγους ἐξέφερεν εἰς τὸν δῆμον ὡς ἐπίπονόν τινα καὶ
ταλαίπωρον διὰ τὴν πόλιν ζῶντος αὐτοῦ βίον· ᾧ γ' ἔφη καὶ περὶ
λουτρὸν ὄντι καὶ περὶ δεῖπνον ἀεί τι προσπίπτειν δημόσιον·
“ἀμελῶν δὲ τῶν ἰδίων ὑπὸ τοῦ τὰ κοινὰ φροντίζειν μόλις
ἄρχεται καθεύδειν περὶ πρῶτον ὕπνον. (4) ὅθεν αὐτῷ καὶ τὸ
σῶμα διάκειται κακῶς, καὶ τοῖς φίλοις οὐ προσηνὴς οὐδὲ ἡδύς
ἐστιν, ἀλλὰ καὶ τούτους προσαποβέβληκε τοῖς χρήμασι
πολιτευόμενος. οἱ δ' ἄλλοι καὶ φίλους κτώμενοι καὶ
πλουτίζοντες αὑτοὺς ἀπὸ τοῦ βήματος εὐπαθοῦσι καὶ
προσπαίζουσι τῇ πολιτείᾳ.” τῷ δ' ὄντι τοιοῦτος ἦν ὁ Νικίου βίος
ὥστ' αὐτὸν εἰπεῖν τὰ τοῦ Ἀγαμέμνονος εἰς αὑτόν·
προστάτην γε τοῦ βίου τὸν ὄγκον ἔχομεν, τῷ τ' ὄχλῳ δουλεύομεν.
| [5] VI. Il portait si loin cette crainte des calomniateurs,
qu'il ne mangeait avec aucun de ses concitoyens; qu'il ne fréquentait aucune société;
qu'il se refusait tous ces délassements, tous ces plaisirs honnêtes
qu'on trouve dans le commerce des hommes. Lorsqu'il était archonte, il restait au
palais jusqu'à la nuit; et arrivé le premier au conseil, il en sortait le dernier. Si aucune
affàire publique ne l'appelait au dehors, il se tenait renfermé dans sa maison, et ne se
laissait voir que difficilement. Les amis intimes qu'il y admettait allaient prier ceux
qui se présentaient à sa porte d'agréer ses excuses, parce qu'il était occupé à des
affaires publiques qui ne lui permettaient aucune distraction. Celui qui le secondait le
plus pour jouer ce rôle, et qui lui donnait cette réputation imposante de gravité, était
un certain Hiéron, que Nicias avait fait élever dans sa maison, et qu'il avait formé
lui-même à la musique et aux lettres. Il se donnait pour fils du poète Dionysius,
surnommé Chalcus, dont nous avons encore les ouvrages, et qui, élu chef d'une
colonie d'Athéniens qu'on envoyait en Italie, y fonda la ville de Thurium. Cet
Hiéron allait secrètement consulter les devins pour Nicias; il répandait parmi le
peuple que c'était pour le bien d'Athènes que Nicias menait cette vie laborieuse et
misérable; que dans le bain, et à table même, il lui survenait toujours quelque
nouvelle affaire qui l'obligeait d'abandonner les siennes, pour ne s'occuper que de
celles du public; qu'il commençait à peine à dormir, quand les autres avaient fait leur
premier sommeil ; que c'était là ce qui causait le dépérissement de sa santé, et le
rendait d'un accès si difficile et si désagréable pour ses amis mêmes; qu'il finissait par
les perdre tous, après avoir sacrifié sa fortune pour faire le bien de la république,
tandis que les autres se fàisaient chaque jour des amis dans la tribune, y acquéraient
des richesses, et, se jouant des affaires, passaient leur vie dans les plaisirs. Dans le
fait, la vie de Nicias était telle que le disait Hiéron et il pouvait s'appliquer avec
justice ce qu'Agamemnon dit de lui-même : "De la félicité ma vie offre l'image; Mais elle
n'est au fond qu'un brillant esclavage".
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