[3] (1) Ἀποθανόντος δὲ καὶ
τούτου μετ´ ὀλίγον χρόνον ἔδει βασιλεύειν, ὡς πάντες ᾤοντο, τὸν Λυκοῦργον· καὶ
πρίν γε τὴν γυναῖκα τοῦ ἀδελφοῦ φανερὰν γενέσθαι κύουσαν ἐβασίλευεν. (2) ἐπεὶ δὲ
τοῦτο τάχιστα ᾔσθετο, τὴν μὲν βασιλείαν ἀπέφηνε τοῦ παιδὸς οὖσαν, ἄνπερ ἄρρην
γένηται, τὴν δὲ ἀρχὴν αὐτὸς ὡς ἐπίτροπος διεῖπε. τοὺς δὲ τῶν ὀρφανῶν βασιλέων
ἐπιτρόπους Λακεδαιμόνιοι προδίκους ὠνόμαζον. (3) ὡς δὲ ἡ γυνὴ προσέπεμπε κρύφα καὶ
λόγους ἐποιεῖτο, βουλομένη διαφθεῖραι τὸ βρέφος ἐπὶ τῷ συνοικεῖν ἐκείνῳ
βασιλεύοντι τῆς Σπάρτης, τὸ μὲν ἦθος αὐτῆς ἐμίσησε, πρὸς δὲ τὸν λόγον αὐτὸν οὐκ
ἀντεῖπεν, ἀλλ´ ἐπαινεῖν καὶ δέχεσθαι προσποιούμενος, οὐκ ἔφη δεῖν ἀμβλίσκουσαν
αὐτὴν καὶ φαρμακευομένην διαλυμαίνεσθαι τὸ σῶμα καὶ κινδυνεύειν· αὐτῷ γὰρ
μελήσειν ὅπως εὐθὺς ἐκποδὼν ἔσται τὸ γεννηθέν. (4) οὕτω δὲ παραγαγὼν ἄχρι τοῦ τόκου
τὴν ἄνθρωπον, ὡς ᾔσθετο τίκτουσαν, εἰσέπεμψε παρέδρους ταῖς ὠδῖσιν αὐτῆς καὶ
φύλακας, οἷς ἦν προστεταγμένον, ἐὰν μὲν θῆλυ τεχθῇ, παραδοῦναι ταῖς γυναιξίν,
ἐὰν δὲ ἄρρεν, κομίσαι πρὸς ἑαυτὸν ὅ τι ἂν τύχῃ πράττων. (5) ἔτυχε δὲ δειπνοῦντος
αὐτοῦ μετὰ τῶν ἀρχόντων ἀποκυηθὲν ἄρρεν· καὶ παρῆσαν οἱ ὑπηρέται τὸ παιδάριον
αὐτῷ κομίζοντες. (6) ὁ δὲ δεξάμενος, ὡς λέγεται, καὶ πρὸς τοὺς παρόντας εἰπών,
"Βασιλεὺς ὑμῖν γέγονεν, ὦ Σπαρτιᾶται," κατέκλινεν ἐν τῇ βασιλικῇ χώρᾳ καὶ
Χαρίλαον ὠνόμασε διὰ τὸ τοὺς πάντας εἶναι περιχαρεῖς, ἀγαμένους αὐτοῦ τὸ φρόνημα
καὶ τὴν δικαιοσύνην. ἐβασίλευσε δὲ μῆνας ὀκτὼ τὸ σύμπαν. (7) ἦν δὲ καὶ τἆλλα
περίβλεπτος ὑπὸ τῶν πολιτῶν, καὶ πλείονες ἐγένοντο τῶν ὡς ἐπιτρόπῳ βασιλέως καὶ
βασιλικὴν ἐξουσίαν ἔχοντι πειθομένων οἱ δι´ ἀρετὴν προσέχοντες αὐτῷ καὶ ποιεῖν
ἐθέλοντες ἑτοίμως τὸ προσταττόμενον. (8) Ἦν δέ τι καὶ τὸ φθονοῦν καὶ πρὸς τὴν
αὔξησιν ὄντι νέῳ πειρώμενον ἐνίστασθαι, μάλιστα μὲν οἱ συγγενεῖς καὶ οἰκεῖοι τῆς
τοῦ βασιλέως μητρὸς ὑβρίσθαι δοκούσης, ὁ δὲ ἀδελφὸς αὐτῆς Λεωνίδας καὶ
θρασύτερόν ποτε τῷ Λυκούργῳ λοιδορηθείς, ὑπεῖπεν ὡς εἰδείη σαφῶς μέλλοντα
βασιλεύειν αὐτόν, ὑπόνοιαν διδοὺς καὶ προκαταλαμβάνων διαβολῇ τὸν Λυκοῦργον, εἴ
τι συμβαίη τῷ βασιλεῖ παθεῖν, ὡς ἐπιβεβουλευκότα. τοιοῦτοι δέ τινες λόγοι καὶ
παρὰ τῆς γυναικὸς ἐξεφοίτων· (9) ἐφ´ οἷς βαρέως φέρων καὶ δεδοικὼς τὸ ἄδηλον, ἔγνω
φυγεῖν ἀποδημίᾳ τὴν ὑπόνοιαν, καὶ πλανηθῆναι μέχρις ἂν ὁ ἀδελφιδοῦς ἐν ἡλικίᾳ
γενόμενος τεκνώσῃ διάδοχον τῆς βασιλείας.
| [3] (1) Ce Prince étant mort également peu de temps après, c’était, de l’avis général, à
Lycurgue de régner; et même, avant qu’on ne vît que la veuve de son frère était enceinte, il
régna. (2) Mais, dès qu’il s’aperçut de la grossesse de sa belle-soeur, il déclara que la royauté
revenait à l’enfant à naître, si c’était un garçon. Il exerça donc désormais le pouvoir en qualité
de tuteur du Roi; or les tuteurs des Rois orphelins, on les appelait à Sparte "prodicoi". (3) Mais
comme sa belle-soeur lui envoyait secrètement des émissaires et négociait avec lui, décidée
qu’elle était à supprimer l’enfant, si elle pouvait à ce prix épouser Lycurgue, devenu Roi de
Sparte, elle lui devint odieuse. Sans la contredire en face et feignant même d’approuver ses
intentions et d’y entrer, il déclara qu’elle ne devait pas compromettre sa santé gravement en
provoquant un avortement par des drogues; car lui-même s’occuperait de la débarrasser de
l’enfant dès sa naissance. (4) Il fit ainsi prendre patience à cette créature jusqu’à l’enfantement;
et, quand il la sut près d’accoucher, il envoya des sages-femmes et aussi des gardes auxquels la
consigne avait été donnée, si le nouveau-né était une fille, de la remettre aux femmes, et, si
c’était un garçon, de le lui apporter, quoi qu’il se trouvât en train de faire alors. (5) Il était
précisément à table avec les magistrats, quand vint au monde l’enfant, qui était mâle; et les
serviteurs le lui apportèrent. (6) Il le prit dans ses bras, à ce qu’on rapporte, et dit aux
assistants: "Un Roi vous est né, Spartiates!" Il le fit ensuite coucher à la place du Roi et le
nomma Charilaos (=Joie du Peuple), parce que tout le monde était rempli de joie en admirant
l’élévation de son âme et sa justice. Il avait régné huit mois en tout; (7) mais il attirait en
général les regards bienveillants des citoyens; et si certains d’entre eux lui obéissaient comme
au tuteur du Roi et au dépositaire de l’autorité royale, le plus grand nombre l’écoutaient et
s’empressaient d’exécuter ses ordres à cause de son mérite. (8) Mais il fallait aussi compter
avec les envieux, qui tentaient, dès sa jeunesse, de s’opposer à son avancement. Dans cette
catégorie figuraient surtout les parents et les familiers de la mère du Roi, qui passait pour
outragée. Le frère de cette Princesse, Léonidas, s’attaqua un jour hardiment à Lycurgue et lui
dit, entre autres choses: "Je sais bien que tu dois régner!", le faisant ainsi soupçonner et
calomnier d’avance, dans le cas où il arriverait quelque chose au petit Roi: Lycurgue serait
alors suspecté de complot contre ce Prince. La Reine mère tenait aussi couramment des propos
de ce genre. (9) Tout cela le contrariait; et, dans la crainte d’un avenir incertain, il décida
d’échapper aux soupçons en quittant le pays, et de courir le monde jusqu’au moment où son
neveu, arrivé à l’âge d’homme, aurait un fils, héritier présomptif du trône.
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