[46] (3) Πολὺ δ´ ὁ Λεύκολλος προῆλθε τῷ πολέμῳ,
τόν τε Ταῦρον ὑπερβαλὼν στρατοπέδῳ Ῥωμαίων πρῶτος,
καὶ τὸν Τίγριν διαβάς, καὶ τὰ βασίλεια τῆς Ἀσίας
ἐν ὄψει τῶν βασιλέων, Τιγρανόκερτα καὶ Κάβηρα καὶ
Σινώπην καὶ Νίσιβιν, ἑλὼν καὶ καταφλέξας, καὶ τὰ μὲν
βόρεια μέχρι Φάσιδος, τὰ δ´ ἑῷα μέχρι Μηδίας, τὰ δὲ
πρὸς νότον καὶ τὴν Ἐρυθρὰν θάλασσαν οἰκειωσάμενος
διὰ τῶν Ἀραβικῶν βασιλέων, συντρίψας δὲ τὰς δυνάμεις
τῶν βασιλέων, ἀπολειφθεὶς δὲ μόνου τοῦ τὰ σώματα
λαβεῖν, ὥσπερ θηρίων εἰς ἐρημίας καὶ ὕλας ἀστιβεῖς
καὶ ἀβάτους ἀποδιδρασκόντων. τεκμήριον δὲ μέγα· Πέρσαι
μὲν γὰρ ὡς οὐδὲν μέγα πεπονθότες ὑπὸ Κίμωνος
εὐθὺς ἀντετάττοντο τοῖς Ἕλλησι, καὶ τήν γε πολλὴν
δύναμιν αὐτῶν ἐν Αἰγύπτῳ κρατήσαντες διέφθειραν, Τιγράνου
δὲ καὶ Μιθριδάτου μετὰ Λεύκολλον οὐδὲν ἄλλ´
ἔργον ἐγένετο, ἀλλ´ ὁ μὲν ἀσθενὴς ἤδη καὶ συγκεκομμένος
ὑπὸ τῶν πρώτων ἀγώνων οὐδ´ ἅπαξ ἐτόλμησε
δεῖξαι Πομπηίῳ τὴν δύναμιν ἔξω τοῦ χάρακος, ἀλλὰ
φυγὼν εἰς Βόσπορον κατέβη κἀκεῖ κατέστρεψε, Τιγράνης
δ´ αὐτὸς ἑαυτὸν γυμνὸν καὶ ἄνοπλον φέρων ὑπέρριψε
Πομπηίῳ, καὶ τὸ διάδημα τῆς κεφαλῆς ἀφελόμενος
ἔθηκε πρὸ τῶν ποδῶν, οὐ τοῖς ἑαυτοῦ κολακεύων Πομπήιον,
ἀλλὰ τοῖς ὑπὸ Λευκόλλου τεθριαμβευμένοις. ἠγάπησε
γοῦν ἀπολαμβάνων τὰ σύμβολα τῆς βασιλείας ὡς
ἀφῃρημένος πρότερον. μείζων οὖν στρατηγὸς ὥσπερ ἀθλητὴς
ὁ τῷ μεθ´ ἑαυτὸν ἀσθενέστερον παραδοὺς τὸν
ἀντίπαλον. ἔτι τοίνυν Κίμων μὲν συντετριμμένην τὴν
βασιλέως δύναμιν καὶ τὸ Περσῶν φρόνημα συνεσταλμένον
ἥτταις μεγάλαις καὶ ἀπαύστοις φυγαῖς ὑπὸ Θεμιστοκλέους
καὶ Παυσανίου καὶ Λεωτυχίδου καταλαβὼν ἐπενέβη
καὶ πεπτωκότων καὶ προηττημένων ταῖς ψυχαῖς
τὰ σώματα ῥᾳδίως ἐνίκησε, Λευκόλλῳ δὲ Τιγράνης ἀήττητος
ἐκ πολλῶν ἀγώνων καὶ μέγα φρονῶν συνέπεσε.
πλήθει δ´ οὐδ´ ἄξιον παραβαλεῖν τοῖς ἐπὶ Λεύκολλον
συνελθοῦσι τοὺς ὑπὸ Κίμωνος κρατηθέντας.
Ὥστε πάντῃ μεταλαμβάνοντι δυσδιαίτητον εἶναι τὴν
κρίσιν· ἐπεὶ καὶ τὸ δαιμόνιον ἀμφοτέροις ἔοικεν εὐμενὲς
γενέσθαι, τῷ μὲν ἃ χρὴ κατορθοῦν, τῷ δ´ ἃ φυλάττεσθαι
{χρὴ} προμηνῦον, ὥστε καὶ τὴν παρὰ τῶν θεῶν ψῆφον
αὐτοῖς ὑπάρχειν ὡς ἀγαθοῖς καὶ θείοις τὴν φύσιν ἀμφοτέροις.
| [46] 3. Lucullus avança beaucoup plus en pays ennemi.
Il fut le premier à gravir le Taurus à la tête d'une armée
romaine; il passa le Tigre, prit et brûla sous les yeux des
Rois les capitales de l'Asie, Tigranocerte, Cabires, Sinope
et Nisibe, soumit le Nord jusqu'au Phase, l'Orient jusqu'à
la Médie, le Midi et la mer Rouge par l'intermédiaire
des Rois arabes, broya les forces des autres Rois. Il lui
manqua seulement de prendre ceux-ci en personne;
car, ainsi que des bêtes féroces, ils se réfugièrent dans
des solitudes et des forêts impénétrables et inaccessibles.
En voici une bonne preuve : les Perses, comme s'ils
n'avaient pas eu grand mal à souffrir de Cimon, reprirent
la lutte contre les Grecs, dont ils anéantirent presque
toute l'armée au cours d'un combat heureux en Égypte.
Quant à Tigrane et à Mithridate, après la campagne de
Lucullus, ils ne firent plus rien. Mithridate, affaibli
déjà par les premiers combats et défaillant, n'osa pas une
fois montrer à Pompée ses forces en dehors du camp; il
s'enfuit dans le Bosphore, et c'est là-bas qu'il mourut.
Tigrane lui-même se jeta nu et désarmé aux pieds de
Pompée, et ôta son diadème pour l'y déposer. Mais ce
n'était plus son bien dont il faisait obséquieusement
l'abandon; c'étaient les ornements du triomphe de
Lucullus. En tout cas, s'il se réjouit de recouvrer les
emblèmes de la royauté, c'est qu'on les lui avait pris
auparavant. Or de deux généraux, comme de deux
athlètes, le plus grand est celui qui laisse à son successeur
dans la lice l'adversaire affaibli. De plus Cimon, quand
il prit l'offensive, trouva les forces du grand Roi écrasées
et l'orgueil des Perses rabattu par les grandes défaites
et les déroutes incessantes que Thémistocle, Pausanias
et Léotychide leur avaient infligées. Les âmes avaient
succombé; elles étaient vaincues d'avance; il n'eut pas
de peine à vaincre les corps. Au contraire, quand Lucullus
attaqua Tigrane, ce Prince était sorti de bien des combats
sans avoir eu le dessous et gardait toute sa fierté. Quand
au nombre des ennemis qui furent aux prises avec Lucullus,
on ne saurait sans injustice le comparer au nombre de
ceux que défit Cimon. Ainsi, de quelque côté qu'on
envisage la carrière de ces deux grands hommes, il est
difficile de décider entre eux. Il semble que la divinité
leur ait montré sa bienveillance à tous les deux, en indiquant
d'avance à l'un ce qu'il fallait mener à bonne
fin, à l'autre ce qu'il fallait éviter. Les dieux joignent
donc leur témoignage à celui des faits pour nous permettre
de conclure que l'un et l'autre eurent une nature
excellente et divine.
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