[29] (1) Τὸν δὲ Δημοσθένην πυθόμενος ἱκέτην ἐν Καλαυρείᾳ
ἐν τῷ ἱερῷ Ποσειδῶνος καθέζεσθαι, διαπλεύσας ὑπηρετικοῖς
καὶ ἀποβὰς μετὰ Θρᾳκῶν δορυφόρων ἔπειθεν ἀναστάντα
βαδίζειν μετ´ αὐτοῦ πρὸς Ἀντίπατρον, ὡς δυσχερὲς πεισόμενον
οὐδέν. (2) ὁ δὲ Δημοσθένης ἐτύγχανεν ὄψιν ἑωρακὼς
κατὰ τοὺς ὕπνους ἐκείνης τῆς νυκτὸς ἀλλόκοτον. ἐδόκει γὰρ
ἀνταγωνίζεσθαι τῷ Ἀρχίᾳ τραγῳδίαν ὑποκρινόμενος,
εὐημερῶν δὲ καὶ κατέχων τὸ θέατρον ἐνδείᾳ παρασκευῆς
καὶ χορηγίας κρατεῖσθαι. (3) διὸ τοῦ Ἀρχίου πολλὰ φιλάνθρωπα
διαλεχθέντος, ἀναβλέψας πρὸς αὐτόν, ὥσπερ ἐτύγχανε
καθήμενος, "ὦ Ἀρχία" εἶπεν "οὔθ´ ὑποκρινόμενός με
πώποτ´ ἔπεισας, οὔτε νῦν πείσεις ἐπαγγελλόμενος." ἀρξαμένου
δ´ ἀπειλεῖν μετ´ ὀργῆς τοῦ Ἀρχίου "νῦν" ἔφη
"λέγεις τὰ ἐκ τοῦ Μακεδονικοῦ τρίποδος, ἄρτι δ´ ὑπεκρίνου.
μικρὸν οὖν ἐπίσχες, ὅπως ἐπιστείλω τι τοῖς οἴκοι."
(4) καὶ ταῦτ´ εἰπὼν ἐντὸς ἀνεχώρησε τοῦ ναοῦ, καὶ λαβὼν
βιβλίον, ὡς γράφειν μέλλων προσήνεγκε τῷ στόματι τὸν
κάλαμον, καὶ δακών, ὥσπερ ἐν τῷ διανοεῖσθαι καὶ
γράφειν εἰώθει, χρόνον τινὰ κατέσχεν, εἶτα συγκαλυψάμενος
ἀπέκλινε τὴν κεφαλήν. (5) οἱ μὲν οὖν παρὰ τὰς
θύρας ἑστῶτες δορυφόροι κατεγέλων ὡς ἀποδειλιῶντος
αὐτοῦ, καὶ μαλακὸν ἀπεκάλουν καὶ ἄνανδρον, ὁ δ´
Ἀρχίας προσελθὼν ἀνίστασθαι παρεκάλει, καὶ τοὺς αὐτοὺς
ἀνακυκλῶν λόγους αὖθις ἐπηγγέλλετο διαλλαγὰς
πρὸς τὸν Ἀντίπατρον. (6) ἤδη δὲ συνῃσθημένος ὁ Δημοσθένης
ἐμπεφυκότος αὐτῷ τοῦ φαρμάκου καὶ νεκροῦντος, ἐξεκαλύψατο
καὶ ἀποβλέψας πρὸς τὸν Ἀρχίαν "οὐκ ἂν φθάνοις"
εἶπεν "ἤδη τὸν ἐκ τῆς τραγῳδίας ὑποκρινόμενος Κρέοντα
καὶ τὸ σῶμα τουτὶ ῥίπτων ἄταφον. ἐγὼ δ´ ὦ φίλε Πόσειδον
ἔτι ζῶν ἐξίσταμαι τοῦ ἱεροῦ· τὸ δ´ ἐπ´ Ἀντιπάτρῳ
καὶ Μακεδόσιν οὐδ´ ὁ σὸς νεὼς καθαρὸς ἀπολέλειπται."
(7) ταῦτα δ´ εἰπὼν καὶ κελεύσας ὑπολαβεῖν αὐτὸν ἤδη τρέμοντα
καὶ σφαλλόμενον, ἅμα τῷ προελθεῖν καὶ παραλλάξαι
τὸν βωμὸν ἔπεσε καὶ στενάξας ἀφῆκε τὴν ψυχήν.
| [29] (1) Archias, informé que Démosthène s'était réfugié à Calaurie, dans le
temple de Neptune, passa dans cette île sur de petits bateaux, et, étant
débarqué avec des soldats thraces, il voulut persuader à Démosthène de sortir de
son asile et de venir avec lui trouver Antipater, de qui il n'avait rien à
craindre. (2) Mais la nuit précédente Démosthène avait eu un songe dans lequel
il avait cru entrer en rivalité avec Archias à qui jouerait mieux une tragédie;
il lui semblait qu’il avait le plus grand succès et qu'il tenait tous les
spectateurs dans l'admiration, mais que son rival l'emportait sur lui par la
richesse et la beauté des décorations. (3) Aussi Archias eut beau lui parler
d'un ton de douceur et d'humanité, il n'ajouta pas foi à ses paroles, et levant
les yeux sur lui, assis comme il était: "Archias, lui dit-il, tu n'as fait cette
nuit, aucune impression sur moi en jouant ton rôle, et tu ne réussiras pas mieux
aujourd'hui par tes promesses." Archias s'étant emporté et lui ayant fait de
grandes menaces: "Maintenant, reprit Démosthène, tu parles comme si tu étais sur
le trépied macédonien; tu n’avais parlé encore qu'en acteur de comédie: mais
attends un peu que j'aie écrit chez moi pour donner mes derniers ordres." (4) En
disant ces mots, il entra dans l'intérieur du temple; et prenant ses tablettes
comme pour écrire, il porta le poinçon à sa bouche et le mordit; ce qu'il
faisait ordinairement quand il méditait ou qu'il composait quelque discours;
après l'y avoir tenu quelque temps, il se couvrit de sa robe et pencha la tête.
(5) Les soldats qui se tenaient à la porte du temple se moquaient de lui de
craindre ainsi la mort, et le traitaient de lâche et de mou. Archias, s'étant
rapproché de lui, l'engageait à se lever; et lui répétant les mêmes propos, il
lui promettait de le réconcilier avec Antipater. (6) Démosthène, qui sentait que
le poison avait produit tout son effet, se découvrit, et fixant ses regards sur
Archias: "Tu peux maintenant, lui dit-il, jouer le rôle de Créon dans la
tragédie et faire jeter ce corps où tu voudras, sans lui accorder les honneurs
de la sépulture. O Neptune, ajouta-t-il, je sors encore vivant de ton temple!
mais Antipater et les Macédoniens ne l'auront pas moins souillé par ma mort."
(7) Il finissait à peine ces mots, qu'il se sentit trembler et chanceler; il
demanda qu'on le soutînt pour marcher, et, comme il passait devant l'autel du
dieu, il tomba et mourut, en poussant un profond soupir.
|