[20] (1) Ταῦτα μὲν οὖν ὅπως ἔχει, διαιτῆσαι χαλεπόν· ὁ δὲ
Δημοσθένης λέγεται, τοῖς τῶν Ἑλλήνων ὅπλοις ἐκτεθαρρηκὼς
καὶ λαμπρὸς ὑπὸ ῥώμης καὶ προθυμίας ἀνδρῶν
τοσούτων προκαλουμένων τοὺς πολεμίους αἰρόμενος, οὔτε
χρησμοῖς ἐᾶν προσέχειν οὔτε μαντείας ἀκούειν, ἀλλὰ καὶ
τὴν Πυθίαν ὑπονοεῖν ὡς φιλιππίζουσαν, ἀναμιμνῄσκων
Ἐπαμεινώνδου τοὺς Θηβαίους καὶ Περικλέους τοὺς Ἀθηναίους,
ὡς ἐκεῖνοι τὰ τοιαῦτα πάντα δειλίας ἡγούμενοι
προφάσεις ἐχρῶντο τοῖς λογισμοῖς. (2) μέχρι μὲν οὖν τούτων
ἦν ἀνὴρ ἀγαθός· ἐν δὲ τῇ μάχῃ καλὸν οὐδὲν οὐδ´
ὁμολογούμενον ἔργον οἷς εἶπεν ἀποδειξάμενος, ᾤχετο λιπὼν
τὴν τάξιν, ἀποδρὰς αἴσχιστα καὶ τὰ ὅπλα ῥίψας,
οὐδὲ τὴν ἐπιγραφὴν τῆς ἀσπίδος ὡς ἔλεγε Πυθέας
αἰσχυνθείς, ἐπιγεγραμμένης γράμμασι χρυσοῖς· ἀγαθῇ τύχῃ.
(3) Παραυτίκα μὲν οὖν ἐπὶ τῇ νίκῃ διὰ τὴν χαρὰν ὁ Φίλιππος
ἐξυβρίσας καὶ κωμάσας ἐπὶ τοὺς νεκροὺς μεθύων
ᾖδε τὴν ἀρχὴν τοῦ Δημοσθένους ψηφίσματος, πρὸς πόδα
διαιρῶν καὶ ὑποκρούων·
"Δημοσθένης Δημοσθένους Παιανιεὺς τάδ´ εἶπεν"·
ἐκνήψας δὲ καὶ τὸ μέγεθος τοῦ περιστάντος αὐτὸν ἀγῶνος
ἐν νῷ λαβών, ἔφριττε τὴν δεινότητα καὶ τὴν δύναμιν
τοῦ ῥήτορος, ἐν μέρει μικρῷ μιᾶς ἡμέρας τὸν ὑπὲρ τῆς ἡγεμονίας
καὶ τοῦ σώματος ἀναρρῖψαι κίνδυνον ἀναγκασθεὶς
ὑπ´ αὐτοῦ. (4) διῖκτο δ´ ἡ δόξα μέχρι τοῦ Περσῶν βασιλέως,
κἀκεῖνος ἔπεμψε τοῖς σατράπαις ἐπὶ θάλασσαν γράμματα
καὶ χρήματα, Δημοσθένει διδόναι κελεύων καὶ προσέχειν
ἐκείνῳ μάλιστα τῶν Ἑλλήνων, ὡς περισπάσαι
δυναμένῳ καὶ κατασχεῖν ταῖς Ἑλληνικαῖς ταραχαῖς τὸν
Μακεδόνα. (5) ταῦτα μὲν οὖν ὕστερον ἐφώρασεν Ἀλέξανδρος,
ἐν Σάρδεσιν ἐπιστολάς τινας ἀνευρὼν τοῦ Δημοσθένους
καὶ γράμματα τῶν βασιλέως στρατηγῶν, δηλοῦντα τὸ
πλῆθος τῶν δοθέντων αὐτῷ χρημάτων.
| [20] (1) Mais sur ce point, il est difficile de savoir la vérité. Cependant
Démosthène, plein de confiance dans les armes des Grecs, singulièrement excité
par la force et l'ardeur de ces troupes nombreuses qui ne demandaient qu'à
marcher contre les ennemis, ne voulait pas que les Grecs s'arrêtassent à ces
oracles et à ces prophéties; il soupçonnait même la Pythie de philippiser: il
rappelait aux Thébains et aux Athéniens qu'Épaminondas et Périclès, persuadés
que tous ces oracles étaient des prétextes dont la lâcheté cherchait à se
couvrir, n'avaient suivi que les lumières de leur raison. (2) Jusque-là
Démosthène avait montré du courage; mais dans le combat il ne fit rien
d'honorable, rien qui répondît à l'énergie de ses discours; il abandonna
lâchement son poste, et dans sa fuite il jeta ses armes, sans avoir honte, dit
Pythéas, de démentir la devise qu'il avait gravée en lettres d'or sur son
bouclier: "À la bonne fortune". (3) Philippe, dans l'excès de joie que lui causa
cette victoire, oubliant toute décence, se livra à la plus honteuse débauche: il
alla, plein de vin, insulter aux morts dont le champ de bataille était couvert,
mit en chant les premiers mots du décret que Démosthène avait rédigé, et les
chanta en battant la mesure: "Démosthène, fils de Démosthène du bourg de Péanie,
a dit." Mais quand, revenu de son ivresse, il réfléchit en lui-même sur le péril
extrême dont il se voyait encore comme environné, il frissonna d'horreur, en
pensant à la force et à la puissance de cet orateur, qui l'avait obligé de
risquer en un seul combat, et dans la très petite partie d’une journée, son
royaume et sa vie. (4) La réputation de Démosthène parvint jusqu'au roi de
Perse, qui fit passer à ses satrapes des sommes considérables, avec ordre de les
donner à cet orateur, de le traiter avec plus de distinction que tous les autres
Grecs, comme étant seul capable de retenir loin de l'Asie le roi de Macédoine,
en lui suscitant des troubles du côté de la Grèce. (5) Cette correspondance fut
découverte par Alexandre, qui trouva dans la ville de Sardes les lettres de
Démosthène et les registres des généraux du roi de Perse où étaient inscrites
les sommes que cet orateur avait reçues.
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