[5] Τῆς δὲ πράξεως διαβοηθείσης, οἱ μὲν κράτιστοι τῶν
Κορινθίων ἐπῄνουν τὴν μισοπονηρίαν καὶ μεγαλοψυχίαν τοῦ
Τιμολέοντος, ὅτι χρηστὸς ὢν καὶ φιλοίκειος ὅμως τὴν πατρίδα
τῆς οἰκίας καὶ τὸ καλὸν καὶ τὸ δίκαιον προετίμησε τοῦ
συμφέροντος, ἀριστεύοντα μὲν ὑπὲρ τῆς πατρίδος διασώσας
τὸν ἀδελφόν, ἐπιβουλεύσαντα δ' αὐτῇ καὶ καταδουλωσάμενον
(2) ἀποκτείνας. οἱ δὲ μὴ δυνάμενοι ζῆν ἐν τῇ δημοκρατίᾳ καὶ
πρὸς τοὺς δυνάστας ἀποβλέπειν εἰωθότες τῷ μὲν θανάτῳ τοῦ
τυράννου προσεποιοῦντο χαίρειν, τὸν δὲ Τιμολέοντα
λοιδοροῦντες, ὡς ἀσεβὲς ἐξειργασμένον (3) καὶ μυσῶδες ἔργον,
εἰς ἀθυμίαν περιέστησαν. ἐπεὶ δὲ καὶ τὴν μητέρα δυσφορεῖν
πυθόμενος καὶ φωνάς τε δεινὰς καὶ κατάρας ἐπ' αὐτὸν ἀρᾶσθαι
φρικώδεις ἐβάδιζε παραμυθησόμενος, ἡ δὲ προσιδεῖν οὐχ
ὑπέμεινε τὴν ὄψιν, ἀλλὰ τὴν οἰκίαν ἀπέκλεισε, τότε δὴ
παντάπασι περίλυπος γενόμενος καὶ συνταραχθεὶς τὴν
διάνοιαν, ὥρμησε μὲν ὡς διαφθερῶν ἑαυτὸν ἀπέχεσθαι (4)
τροφῆς· τῶν δὲ φίλων οὐ περιϊδόντων, ἀλλὰ πᾶσαν δέησιν καὶ
πᾶσαν ἀνάγκην προσενεγκαμένων, ἔγνω ζῆν καθ' ἑαυτὸν ἐκ
μέσου γενόμενος, καὶ πολιτείαν μὲν ἅπασαν ἀφῆκε, τοὺς δὲ
πρώτους χρόνους οὐδὲ κατιὼν εἰς πόλιν, ἀλλ' ἀδημονῶν καὶ
πλανώμενος ἐν τοῖς ἐρημοτάτοις τῶν ἀγρῶν διέτριβεν.
| [5] VI. Le bruit de ce meurtre s'étant répandu dans la ville,
les principaux citoyens donnèrent les plus grands éloges à la grandeur d'âme
de Timoléon, et à sa haine contre les méchants : il avait surmonté, disaient-ils, sa
douceur naturelle et son affection pour ses proches, préféré sa patrie à sa famille, et
sacrifié un intérêt particulier à la justice et à l'honnêteté; comme il avait sauvé la vie à
son frère lorsqu'il l'exposait courageusement pour la défense de son pays, il l'avait
aussi fait mourir quand il tramait contre lui des desseins pernicieux, et qu'il voulait
l'asservir. Ceux qui, ne pouvant vivre dans une démocratie, avaient coutume de faire
la cour aux grands, parurent en public se réjouir de la mort du tyran; mais ils
blâmaient Timoléon, et lui reprochaient d'avoir commis une action impie et
détestable. Ces reprochles le jetèrent d'abord dans une sombre tristesse; mais quand il
apprit que sa mère, irritée contre lui, l'accablait des plus horribles malédictions;
lorsque, étant allé pour la voir et la consoler, elle ne voulut pas même le recevoir, et
lui fit fermer sa porte; alors il tomba dans une profonde mélancolie; et sa raison en
fut si troublée, qu'il résolut de terminer sa vie en se laissant mourir de faim. Ses amis
ne l'abandonnèrent pas dans cet état; ils employèrent auprès de lui les plus vives
instances, et lui faisant en quelque sorte violence, ils l'obligèrent enfin à changer de
résolution; il consentit à vivre, mais seul et dans la retraite. Il abandonna entièrement
les affaires publiques; et dans les premiers temps il ne venait pas même à la ville; tout
entier à sa douleur, il se plaisait à errer dans les lieux les plus solitaires.
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