[31] Ὁ δὲ Πύρρος ὥσπερ ἐναγισμόν τινα τῷ παιδὶ τελέσας
καὶ λαμπρὸν ἐπιτάφιον ἀγωνισάμενος, καὶ πολὺ τῆς λύπης ἐν
τῷ πρὸς τοὺς πολεμίους ἀφεὶς θυμῷ, προῆγεν ἐπὶ τὸ Ἄργος.
καὶ τὸν Ἀντίγονον ἤδη πυνθανόμενος ἐπὶ τῶν ἄκρων ὑπὲρ τοῦ
πεδίου καθῆσθαι, περὶ τὴν <3> Ναυπλίαν ἐστρατοπέδευσε. τῇ δ'
ὑστεραίᾳ κήρυκα πρὸς τὸν Ἀντίγονον ἔπεμψε, λυμεῶνά τε
καλῶν καὶ προκαλούμενος εἰς τὸ πεδίον καταβάντα
διαγωνίσασθαι περὶ τῆς <4> βασιλείας. ὁ δ' ἀπεκρίνατο τὴν μὲν
αὑτοῦ στρατηγίαν οὐχ ὅπλων μᾶλλον ἢ καιρῶν εἶναι, τῷ δὲ
Πύρρῳ πολλὰς <5> ὁδοὺς ἀνεῳγέναι πρὸς θάνατον, εἰ ζῆν μὴ
σχολάζει. πρὸς δ' ἀμφοτέρους πρέσβεις ἧκον ἐξ Ἄργους,
ἀπαλλάττεσθαι δεόμενοι καὶ τὴν πόλιν ἐᾶν μηδετέρου
γενομένην, εὔνουν <6> δ' οὖσαν ἀμφοτέροις. ὁ μὲν οὖν
Ἀντίγονος ἐπείθετο καὶ τὸν υἱὸν ἐδίδου τοῖς Ἀργείοις ὅμηρον, ὁ
δὲ Πύρρος ὡμολόγει μὲν ἀπαλλαγήσεσθαι, μὴ παρέχων δὲ
πίστιν ὑποπτότερος ἦν.
<7> Γίνεται δὲ σημεῖον αὐτῷ τε τῷ Πύρρῳ μέγα· τῶν γὰρ
βοῶν τεθυμένων αἱ κεφαλαὶ κείμεναι χωρὶς ἤδη τάς τε γλώττας
ὤφθησαν προβάλλουσαι καὶ περιλιχμώμεναι τὸν ἑαυτῶν
φόνον· ἔν τε τῇ πόλει τῶν Ἀργείων ἡ τοῦ Λυκείου προφῆτις
Ἀπόλλωνος ἐξέδραμε, βοῶσα νεκρῶν ὁρᾶν καὶ φόνου
κατάπλεω τὴν πόλιν, τὸν δ' ἀετὸν ἐπὶ τὸν ἀγῶνα χωροῦντα,
εἶτα φροῦδον εἶναι.
| [31] Pyrrhus venait d'apprendre la mort de son fils; vivement
affligé de cette perte, il tourne contre les Lacédémoniens avec ses cavaliers molosses,
et se jette le premier sur eux avec tant de fureur, qu'il fut bientôt couvert de leur
sang toujours redoutable, toujours invincible sous les armes, il se surpassa lui-même
dans cette occasion, et effaça tous les exploits de ses premiers combats. Dès qu'il
aperçut Eualcus, il poussa son cheval contre lui; celui-ci, se jetant à côté, lui porta un
coup d'épée dont il faillit lui abattre la main gauche; mais il ne coupa que les rênes
de son cheval. Pyrrhus saisit ce moment pour le percer de sa javeline, et, mettant
pied à terre, il fit un carnage affreux de ces Lacédémoniens, tous gens d'élite, qui
combattaient pour défendre le corps d'Eualcus. Ce fut l'ambition des chefs qui, la
guerre déjà finie, causa à Lacédémone cette perte gratuite. XLII. Pyrrhus avait fait de
ce combat un sacrifice aux mânes de son fils, et comme une sorte de jeux funèbres
dont il avait voulu honorer ses funérailles. Après avoir soulagé sa douleur en
assouvissant sa vengeance sur les ennemis, il continua sa route vers Argos. Il apprit,
en arrivant, qu'Antigonus s'était déjà saisi des hauteurs qui dominaient la plaine; et,
s'étant campé près de la ville de Nauplia, il envoya dès le lendemain un héraut
à Antigonus, avec ordre de lui reprocher sa perfidie, et de lui donner le défi de
descendre dans la plaine, pour y disputer le royaume les armes à la main. Antigonus
lui répondit qu'en faisant la guerre il comptait moins sur les armes que sur le temps;
que si Pyrrhus était las de vivre, il avait plus d'un chemin ouvert pour aller à la
mort. Cependant il leur vint à tous deux en même temps des députés d'Argos pour
les prier de se retirer, de permettre que leur ville n'appartînt à aucun d'eux, et restât
l'amie de l'un et de l'autre. Antigonus y consentit, et donna son fils en otage aux
Argiens. Pyrrhus promit aussi de se retirer; mais comme il n'avait donné aucun
garant de sa promesse, on suspecta sa bonne foi. Il lui arriva en cette occasion des
prodiges singuliers. Dans un sacrifice qu'il venait de faire, on avait mis à part les
têtes des boeufs qu'on avait immolés, lorsque tout à coup on vit ces têtes tirer la
langue et lécher leur propre sang. Dans Argos, la prophétesse d'Apollon Lycien,
nommée Apollonide, courut dans les rues en criant qu'elle voyait la ville pleine de
cadavres et de sang, et qu'un aigle qui était venu se mêler au combat avait disparu
subitement.
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