HODOI ELEKTRONIKAI
Du texte à l'hypertexte

Plutarque, Vie de Pyrrhus

Chapitre 14

  Chapitre 14

[14] Ἦν δέ τις Κινέας Θεσσαλὸς ἀνήρ, τῷ μὲν φρονεῖν δοκῶν ἱκανὸς εἶναι, Δημοσθένους δὲ τοῦ ῥήτορος ἀκηκοὼς ἐδόκει μόνος μάλιστα τῶν τότε λεγόντων οἷον ἐν εἰκόνι τῆς ἐκείνου δυνάμεως καὶ δεινότητος ἀναμιμνῄσκειν τοὺς ἀκούοντας. συνὼν δὲ τῷ Πύρρῳ καὶ πεμπόμενος ἐπὶ τὰς πόλεις, ἐβεβαίου τὸ Εὐριπίδειον ὅτι "πᾶν ἐξαιρεῖ λόγος, καὶ σίδηρος πολεμίων δράσειεν ἄν". <3> γοῦν Πύρρος ἔλεγε πλείονας πόλεις ὑπὸ Κινέου τοῖς λόγοις τοῖς ὅπλοις ὑφ' ἑαυτοῦ προσῆχθαι· καὶ διετέλει τὸν ἄνδρα τιμῶν ἐν τοῖς μάλιστα καὶ χρώμενος. οὗτος οὖν τὸν Πύρρον ὡρμημένον τόθ' ὁρῶν ἐπὶ τὴν Ἰταλίαν, εἰς λόγους ἐπηγάγετο τοιούτους ἰδὼν σχολάζοντα· <5> "πολεμισταὶ μὲν Πύρρε Ῥωμαῖοι λέγονται καὶ πολλῶν ἐθνῶν μαχίμων ἄρχοντες· εἰ δὲ δοίη θεὸς περιγενέσθαι τῶν ἀνδρῶν, τί χρησόμεθα τῇ νίκῃ;" καὶ Πύρρος "ἐρωτᾷς" εἶπεν " Κινέα πρᾶγμα φαινόμενον· οὔτε βάρβαρος ἡμῖν ἐκεῖ πόλις οὔθ' Ἑλληνὶς ἀξιόμαχος Ῥωμαίων κρατηθέντων, ἀλλ' ἕξομεν εὐθὺς Ἰταλίαν ἅπασαν, ἧς μέγεθος καὶ ἀρετὴν καὶ δύναμιν ἄλλῳ πού τινι μᾶλλον ἀγνοεῖν σοὶ προσήκει". μικρὸν οὖν ἐπισχὼν Κινέας, "Ἰταλίαν δέ" εἶπεν " βασιλεῦ λαβόντες, τί <8> ποιήσομεν;" καὶ Πύρρος οὔπω τὴν διάνοιαν αὐτοῦ καθορῶν, "ἐγγύς" εἶπεν " Σικελία χεῖρας ὀρέγει, νῆσος εὐδαίμων καὶ πολυάνθρωπος, ἁλῶναι δὲ ῥᾴστη· στάσις γὰρ Κινέα πάντα νῦν ἐκεῖ<να> καὶ ἀναρχία πόλεων καὶ <9> δημαγωγῶν ὀξύτης, Ἀγαθοκλέους ἐκλελοιπότος." "εἰκότα" ἔφη "λέγεις" Κινέας· "ἀλλ' τοῦτο πέρας ἡμῖν <10> τῆς στρατείας, λαβεῖν Σικελίαν;" "θεός" Πύρρος ἔφη "νικᾶν διδῴη καὶ κατορθοῦν· τούτοις δὲ προάγωσι χρησόμεθα πραγμάτων μεγάλων. τίς γὰρ ἂν ἀπόσχοιτο Λιβύης καὶ Καρχηδόνος ἐν ἐφικτῷ γενομένης, ἣν Ἀγαθοκλῆς ἀποδρὰς ἐκ Συρακουσῶν κρύφα καὶ περάσας ναυσὶν ὀλίγαις λαβεῖν παρ' οὐδὲν ἦλθεν; ὅτι δὲ τούτων κρατήσασιν ἡμῖν οὐδεὶς ἀντιστήσεται τῶν νῦν ὑβριζόντων πολεμίων, τί ἂν λέγοι τις;" "οὐδέν" Κινέας εἶπε· "δῆλον γὰρ ὅτι καὶ Μακεδονίαν ἀναλαβεῖν καὶ τῆς Ἑλλάδος ἄρχειν ὑπάρξει βεβαίως ἀπὸ τηλικαύτης δυνάμεως. γενομένων δὲ πάντων ὑφ' ἡμῖν, τί ποιήσομεν;" καὶ Πύρρος ἐπιγελάσας, "σχολήν" ἔφη "ἄξομεν πολλήν, καὶ κώθων μακάριε καθημερινὸς ἔσται, καὶ διὰ λόγων συνόντες ἀλλήλους εὐφρανοῦμεν". ἐνταῦθα δὴ τῶν λόγων καταστήσας τὸν Πύρρον Κινέας, "εἶτα" ἔφη "τί νῦν ἐμποδών ἐστιν ἡμῖν βουλομένοις κώθωνι χρῆσθαι καὶ σχολάζειν μετ' ἀλλήλων, εἰ ταῦτ' ἔχομεν ἤδη καὶ πάρεστιν ἀπραγμόνως, ἔφ' δι' αἵματος καὶ πόνων μεγάλων καὶ κινδύνων μέλλομεν ἀφίξεσθαι, πολλὰ καὶ δράσαντες <14> ἑτέρους κακὰ καὶ παθόντες;" τούτοις τοῖς λόγοις ἠνίασε μᾶλλον μετέθηκε τὸν Πύρρον Κινέας, νοήσαντα μὲν ὅσην ἀπέλειπεν εὐδαιμονίαν, ὧν δ' ὠρέγετο τὰς ἐλπίδας ἀφεῖναι μὴ δυνάμενον. [14] XVI. Pyrrhus avait alors auprès de lui un Thessalien nommé Cinéas, homme d'une prudence consommée. Il avait été disciple de Démosthène; et de tous les orateurs de son temps, personne ne pouvait mieux que lui retracer à ses auditeurs une image de la véhémence et de la force du plus éloquent des Athéniens. Pyrrhus, qui se l'était attaché, l'envoyait en ambassade vers les villes qu'il voulait mettre dans son parti; et Cinéas, par son talent, confirmait ce que dit Euripide "L'éloquence soumet ce que dompte le fer". Aussi Pyrrhus disait-il qu'il avait gagné plus de villes par l'éloquence de Cinéas que par la force des armes; plein d'estime pour lui, il l'employait dans les affaires les plus importantes. Cinéas voyant Pyrrhus prêt à passer en Italie, fit à dessein, un jour qu'il le trouva de loisir, tomber la conversation sur cette guerre. "Seigneur, lui dit-il, les Romains passent pour un peuple très belliqueux, et ils ont mis sous leur obéissance plusieurs nations aguerries : si Dieu nous donne l'avantage, quel sera le fruit de cette victoire? — Cinéas, lui répondit Pyrrhus, ce que tu demandes là est évident. Les Romains une fois vaincus, est-il une ville grecque ou barbare qui puisse nous résister ! Nous serons aussitôt maîtres de toute l'Italie, dont personne moins que toi ne peut ignorer la grandeur, la force et la puissance". Cinéas, après un moment de silence, reprit la parole : "Mais, seigneur, quand nous aurons pris l'Italie, que ferons-nous? » Pyrrhus, qui ne voyait pas encore où il en voulait venir : "La Sicile, lui dit-il, est tout près, et nous tend les bras; île riche et peuplée, et d'une conquête facile; car depuis la mort d'Agathocle, les villes, gouvernées par des orateurs inquiets, sont en proie à tous les désordres de l'anarchie. — Tout ce que vous dites est vraisemblable, réplique Cinéas; mais bornerez-vous vos expéditions à la prise de la Sicile? — Ah! repartit Pyrrhus, que Dieu seulement nous accorde la victoire, et ces premiers succès ne seront qu'un acheminement à de plus grandes choses. Qui pourrait nous empêcher alors de passer en Afrique et à Carthage? elles seront, pour ainsi dire, sous notre main. Agathocle lui-même, parti secrètement de Syracase, ayant traversé la mer avec peu de vaisseaux, ne fut-il pas sur le point de s'en rendre maître? Et l'Afrique soumise, est-il, je le demande, un seul de ces ennemis qui nous insultent maintenant, qui osât seulement lever la tête? — Non assurément, répondit Cinéas : avec une si grande puissance, il vous sera facile de recouvrer la Macédoine et de régner paisiblement sur toute la Grèce. Mais après toutes ces conquêtes, que ferons-nous? — Alors, cher Cinéas, dit Pyrrhus en souriant, nous vivrons dans un grand repos; nous passerons tous nos jours dans les banquets, dans les fêtes, et dans les charmes de la conversation. — Eh! seigneur, lui dit Cinéas en l'arrêtant, qui nous empêche, dès ce jour, de vivre en repos, de faire bonne chère et de nous réjouir? N'avons-nous pas en notre pouvoir, et sans nous donner aucune peine, ce que nous voulons acheter au prix de tant de sang, de tant de travaux et de dangers, en faisant souffrir aux autres et en souffrant nous-mêmes les plus grands maux? » Cette leçon affligea Pyrrhus sans le corriger; il sentait bien quelle félicité certaine il abandonnait, mais il n'avait pas le courage de sacrifier ses désirs et ses espérances.


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Dernière mise à jour : 23/08/2007