[52] 31. Κλεομένης δὲ πλέων ἀπὸ Κυθήρων εἰς νῆ(2)σον
ἑτέραν, Αἰγιαλίαν, κατέσχεν. ὅθεν εἰς Κυρήνην περαιοῦσθαι
μέλλοντος αὐτοῦ, τῶν φίλων εἷς ὄνομα Θηρυκίων, ἀνὴρ πρός τε
τὰς πράξεις φρονήματι κεχρημένος μεγάλῳ καὶ τοῖς λόγοις
γεγονώς τις ὑψηλὸς ἀεὶ (3) καὶ μεγάλαυχος, ἐντυχὼν αὐτῷ κατ'
ἰδίαν "τὸν μὲν κάλλιστον" εἶπεν "ὦ βασιλεῦ θάνατον <τὸν> ἐν
τῇ μάχῃ προηκάμεθα· καίτοι πάντες ἤκουσαν ἡμῶν λεγόντων,
ὡς οὐχ ὑπερβήσεται τὸν βασιλέα τῶν Σπαρτιατῶν Ἀντίγονος
(4) εἰ μὴ νεκρόν. ὁ δὲ δεύτερος δόξῃ καὶ ἀρετῇ νῦν ἔτι πάρεστιν
ἡμῖν. ποῖ πλέομεν ἀλογίστως, ἀποφεύγοντες ἐγγὺς ὂν κακὸν
καὶ μακρὰν διώκοντες; εἰ γὰρ οὐκ αἰσχρόν ἐστι δουλεύειν τοῖς
ἀπὸ Φιλίππου καὶ Ἀλεξάνδρου τοὺς ἀφ' Ἡρακλέους, πλοῦν
πολὺν κερδανοῦμεν Ἀντιγόνῳ παραδόντες ἑαυτούς, ὃν εἰκός
ἐστι Πτολεμαίου διαφέρειν ὅσον (5) Αἰγυπτίων Μακεδόνας. εἰ δ'
ὑφ' ὧν κεκρατήμεθα τοῖς ὅπλοις οὐκ ἀξιοῦμεν ἄρχεσθαι, τί τὸν
μὴ νενικηκότα δεσπότην ποιοῦμεν αὑτῶν, ἵν' ἀνθ' ἑνὸς δυεῖν
κακίους φανῶμεν, Ἀντίγονον μὲν φεύγοντες, Πτολεμαῖον δὲ (6)
κολακεύοντες; ἢ διὰ τὴν μητέρα φήσομεν εἰς Αἴγυπτον ἥκειν;
καλὸν μεντἂν αὐτῇ θέαμα γένοιο καὶ ζηλωτόν, ἐπιδεικνυμένῃ
ταῖς Πτολεμαίου γυναιξὶν αἰχμάλωτον ἐκ (7) βασιλέως καὶ
φυγάδα τὸν υἱόν. οὐχ, ἕως ἔτι τῶν ἰδίων ξιφῶν ἄρχομεν καὶ τὴν
Λακωνικὴν ἀφορῶμεν, ἐνταῦθα τῆς τύχης ἀπαλλάξαντες
ἑαυτοὺς ἀπολογησόμεθα τοῖς ἐν Σελλασίᾳ κειμένοις ὑπὲρ τῆς
Σπάρτης, ἀλλ' ἐν Αἰγύπτῳ καθεδούμεθα πυνθανόμενοι, τίνα
τῆς Λακεδαίμονος (8) σατράπην Ἀντίγονος ἀπολέλοιπε;"
τοιαῦτα τοῦ Θηρυκίωνος εἰπόντος, ὁ Κλεομένης ἀπεκρίνατο·
"τῶν ἀνθρωπίνων τὸ ῥᾷστον ὦ πόνηρε καὶ πᾶσιν ἐν ἑτοίμῳ
διώκων, ἀποθανεῖν, ἀνδρεῖος εἶναι δοκεῖς, φεύγων αἰσχίονα
φυγὴν (9) τῆς πρότερον. πολεμίοις μὲν γὰρ ἐνέδωκαν ἤδη καὶ
κρείττονες ἡμῶν, ἢ τύχῃ σφαλέντες, ἢ βιασθέντες ὑπὸ
πλήθους· ὁ δὲ πρὸς πόνους καὶ ταλαιπωρίας ἢ ψόγους καὶ
δόξας ἀνθρώπων ἀπαγορεύων ἡττᾶται τῆς αὑτοῦ (10)
μαλακίας. δεῖ γὰρ τὸν αὐθαίρετον θάνατον οὐ φυγὴν εἶναι
πράξεων, ἀλλὰ πρᾶξιν. αἰσχρὸν γὰρ <καὶ> ζῆν μόνοις ἑαυτοῖς
καὶ ἀποθνῄσκειν· ἐφ' ὃ νῦν σὺ παρακαλεῖς ἡμᾶς, σπεύδων
ἀπαλλαγῆναι τῶν παρόντων, καλὸν δ' οὐδὲν (11) οὐδὲ
χρήσιμον ἄλλο διαπραττόμενος. ἐγὼ δὲ καὶ σὲ καὶ ἐμαυτὸν
οἴομαι δεῖν τὰς ὑπὲρ τῆς πατρίδος ἐλπίδας μὴ καταλιπεῖν· ὅπου
δ' ἂν ἡμᾶς ἐκεῖναι καταλίπωσι, ῥᾷστα (12) βουλομένοις
ἀποθανεῖν ὑπάρξει." πρὸς ταῦτα Θηρυκίων οὐδὲν ἀντειπών,
ὅτε πρῶτον ἔσχε καιρὸν ἀποστῆναι τοῦ Κλεομένους,
ἐκτραπόμενος παρὰ τὸν αἰγιαλὸν ἔσφαξεν ἑαυτόν.
| [52] LXI. Cléomène, étant parti de Cythère,
relâcha dans l'île d'Égialée; de là il se disposait à passer à Cyrène,
lorsqu'un de ses amis, nommé Thérycion, qui dans les combats avait montré le plus
grand courage, et dont les discours respiraient la fierté, le prenant à part : « Roi de
Sparte, lui dit-il, nous avons fui tous deux la mort la plus honorable, celle qui nous
était offerte sur le champ de bataille. Cependant nous avions toujours dit que jamais
Antigonus ne triompherait du roi des Spartiates qu'après l'avoir vu périr. Mais il
nous reste une autre mort, qui, après celle que nous avons refusée, est la seconde en
gloire et en vertu. Quel but raisonnable peut avoir notre navigation? Pourquoi fuir la
mort qui est si près de nous, et aller en chercher une plus éloignée? S'il n'est pas
honteux, pour des rois de la race d'Hercule, d'être soumis à des descendants de
Philippe et d'Alexandre, épargnons-nous les dangers d'une longue navigation, et
allons nous rendre à Antigonus, qui doit être aussi supérieur à Ptolémée que les
Macédoniens le sont aux peuples d'Égypte. Si nous rougissons d'être commandés par
ceux qui nous ont vaincus les armes à la main, y aura-t-il moins de honte à se donner
pour maître un roi qui n'a remporté sur nous aucune victoire? et, pouvant n'être
au-dessous que d'un seul prince, voudrons-nous paraître inférieurs à deux, à Antigonus
que nous fuyons, et à Ptolémée dont nous serons les vils flatteurs? Dirons-nous que
nous allons en Égypte à cause de votre mère que le roi y tient en otage? Assurément
ce sera pour elle un spectacle bien beau et bien digne d'envie, que de montrer, aux
femmes de Ptolémée, son fils, de roi qu'il était, devenu fugitif et prisonnier. Pendant
que nous sommes encore maîtres de nos épées, et que la Laconie est sous nos yeux,
affranchissons-nous du pouvoir de la fortune, et justifions-nous auprès de ceux qui
ont péri à Sellasie pour la défense de Sparte, plutôt que d'aller vivre en Égypte dans
une lâche inaction, et d'y apprendre quel satrape Antigonus aura laissé à
Lacédémone pour y commander à sa place. LXII. Quand Thérycion eut fini de parler,
Cléomène prenant la parole : « Es-tu donc assez lâche, lui dit-il, pour regarder
comme un effort de courage l'action la plus facile à faire, et qui est au pouvoir de
tous les hommes, celle de mourir? Tu veux te rendre coupable d'une fuite plus
honteuse que la première; et tu te crois un homme de coeur! Souvent des guerriers
meilleurs que nous ont cédé à leurs ennemis, ou trompés par la fortune, ou accablés
par le nombre; mais celui qui succombe aux travaux et aux fatigues, à la louange ou à
la censure, celui-là est vaincu par sa propre mollesse. La mort que l'on choisit doit
être, non la suite d'une action, mais une action même; et c'est une honte que de vivre
ou de mourir pour soi. C'est pourtant cette honte que tu nous conseilles, quand tu
nous excites à nous délivrer de notre infortune présente, sans nous proposer
d'ailleurs rien d'honnête ni d'utile. Pour moi, je pense au contraire que nous ne
devons ni l'un ni l'autre abandonner l'espérance de rendre encore quelquel services à
notre patrie. Quand nous aurons perdu tout espoir, il nous sera facile de mourir
comme nous voudrons. LXIII. Thérycion ne répliqua point : dès qu'il trouva le
moment de quitter Cléomène, il s'écarta le long du rivage, et se donna la mort.
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