| [16] "Πάνυ μὲν οὖν," ἔφη ὁ Σόλων, "μὴ καὶ
 τῶν Αἰγυπτίων ἀκριτώτεροι φανῶμεν, οἳ τὸν
 νεκρὸν ἀνατέμνοντες ἔδειξαν τῷ ἡλίῳ, εἶτ´ αὖ τὰ
 μὲν εἰς τὸν ποταμὸν κατέβαλον, τοῦ δ´ ἄλλου
 σώματος ὡς ἤδη καθαροῦ γεγονότος ἐπιμέλονται.
 τῷ γὰρ ὄντι τοῦτ´ ἐστὶ τὸ μίασμα τῆς σαρκὸς
 ἡμῶν καὶ ὁ τάρταρος ὡς ἐν Ἅιδου, δεινῶν τινων
 ῥευμάτων καὶ πνεύματος ὁμοῦ καὶ πυρὸς συμπεφυρμένου
 καὶ νεκρῶν περίπλεως. ζῶν γὰρ
 οὐδεὶς ἀπ´ οὐδενὸς τρέφεται ζῶντος, ἀλλὰ θανατοῦντες
 τὰ ἔμψυχα, καὶ τὰ φυόμενα, τῷ τρέφεσθαι
 καὶ αὔξεσθαι μετέχοντα τοῦ ζῆν, ἀπολλύντες ἀδικοῦμεν.
 ἀπόλλυται γὰρ ἐξ οὗ πέφυκε τὸ μεταβάλλον
 εἰς ἄλλο, καὶ πᾶσαν φθείρεται φθοράν,
 ὅπως ἂν θατέρου τροφὴ γένοιτο. τὸ δ´ ἀπέχεσθαι
 σαρκῶν ἐδωδῆς, ὥσπερ Ὀρφέα τὸν παλαιὸν
 ἱστοροῦσι, σόφισμα μᾶλλον ἢ φυγὴ τῶν περὶ τὴν
 τροφὴν ἀδικημάτων ἐστί. φυγὴ δὲ μία καὶ καθαρμὸς
 εἰς δικαιοσύνην τέλειος αὐτάρκη καὶ ἀπροσδεᾶ
 γενέσθαι. ᾧ δ´ ἄνευ κακώσεως ἑτέρου τὴν αὑτοῦ
 σωτηρίαν ἀμήχανον ὁ θεὸς πεποίηκε, τούτῳ τὴν
 φύσιν ἀρχὴν ἀδικίας προστέθεικεν. ἆρ´ οὖν οὐκ
 ἄξιον, ὦ φίλε, συνεκτεμεῖν ἀδικίᾳ κοιλίαν καὶ στόμαχον
 καὶ ἧπαρ, ἃ καλοῦ μὲν οὐδενὸς αἴσθησιν
 ἡμῖν οὐδ´ ὄρεξιν ἐνδίδωσι, σκεύεσι δὲ μαγειρικοῖς,
 οἷα κοπίδες καὶ λέβητες, τὰ δὲ μυλωθρικοῖς καὶ
 καμίνοις καὶ φυραμούχοις καὶ μακτηρίοις ἔοικεν;
 ἀτεχνῶς δὲ τῶν πολλῶν ἴδοι τις ἂν ὥσπερ ἐν μυλῶνι
 τῷ σώματι τὴν ψυχὴν ἐγκεκαλυμμένην ἀεὶ
 περὶ τὴν τῆς τροφῆς χρείαν κυκλοῦσαν, ὥσπερ
 ἀμέλει καὶ ἡμεῖς ἄρτι μὲν οὔθ´ ἑωρῶμεν ἀλλήλους
 οὔτ´ ἠκούομεν, ἀλλ´ ἕκαστος ἐγκεκυφὼς ἐδούλευε
 τῇ περὶ τὴν τροφὴν χρείᾳ. νυνὶ δ´ ἐπαρθεισῶν τῶν
 τραπεζῶν ἐλεύθεροι γεγονότες ὡς ὁρᾷς, ἐστεφανωμένοι
 περὶ λόγους διατρίβομεν καὶ ἀλλήλοις σύνεσμεν
 καὶ σχολὴν ἄγομεν, εἰς τὸ μὴ δεῖσθαι τροφῆς
 ἐληλυθότες. ἆρ´ οὖν, ἄνπερ ἡ νῦν οὖσα περὶ ἡμᾶς
 ἕξις ἄπαυστος διαμένῃ παρὰ πάντα τὸν βίον, οὐκ
 ἀεὶ σχολὴν ἕξομεν ἀλλήλοις συνεῖναι, μὴ δεδιότες
 πενίαν μηδ´ εἰδότες πλοῦτον; ὁ γὰρ τῶν περιττῶν
 ζῆλος εὐθὺς ἀκολουθεῖ καὶ συνοικίζεται τῇ χρείᾳ
 τῶν ἀναγκαίων.
 "Ἀλλ´ οἴεται δεῖν τροφὴν εἶναι Κλεόδωρος, ὅπως
 τράπεζαι καὶ κρατῆρες ὦσι καὶ Δήμητρι καὶ
 Κόρῃ θυσίαι. ἕτερος δέ τις ἀξιούτω μάχας εἶναι
 καὶ πόλεμον, ἵνα καὶ τείχη καὶ νεωσοίκους καὶ
 ὁπλοθήκας ἔχωμεν καὶ θύωμεν ἑκατομφόνια, καθάπερ
 φασὶ νόμον εἶναι Μεσσηνίοις. ἄλλον δὲ πρὸς
 τὴν ὑγίειαν οἶμαι χαλεπαίνειν· δεινὸν γὰρ εἰ μηδενὸς
 νοσοῦντος οὐ στρωμνῆς ἔτι μαλακῆς ὄφελος οὐ
 κλίνης, οὐκ Ἀσκληπιῷ θύσομεν οὐκ ἀποτροπαίοις,
 ἰατρικὴ δὲ μετ´ ὀργάνων καὶ φαρμάκων ἀποκείσεται
 τοσούτων ἀκλεὴς καὶ ἀπόθεστος. ἢ τί ταῦτ´
 ἐκείνων διαφέρει; καὶ γὰρ ἡ τροφὴ λιμοῦ φάρμακον
 προσάγεται, καὶ θεραπεύειν ἑαυτοὺς λέγονται
 πάντες οἱ τρεφόμενοι δίαιταν, οὐχ ὡς ἡδύ τι
 καὶ κεχαρισμένον ἀλλ´ ὡς ἀναγκαῖον τοῦτο τῇ
 φύσει πράττοντες. ἐπεὶ λύπας γε πλείονας ἔστιν
 ἀπὸ τῆς τροφῆς τῶν ἡδονῶν γιγνομένας καταριθμῆσαι,
 μᾶλλον δ´ ἡ μὲν ἡδονὴ καὶ τόπον ἔχει
 βραχὺν ἐν τῷ σώματι καὶ χρόνον οὐ πολύν· ἡ δὲ
 περὶ τὴν διοίκησιν αὐτῆς ἀσχολία καὶ δυσχέρεια
 τί δεῖ λέγειν ὅσων αἰσχρῶν καὶ ὀδυνηρῶν ἡμᾶς
 ἐμπίπλησιν; οἶμαι γὰρ εἰς τοσαῦτα βλέψαντα τὸν
 Ὅμηρον ἀποδείξει κεχρῆσθαι περὶ θεῶν τοῦ μὴ
 ἀποθνῄσκειν τῷ μὴ τρέφεσθαι
  οὐ γὰρ σῖτον ἔδους´, οὐ πίνους´ αἴθοπα οἶνον·
 τοὔνεκ´ ἀναίμονές εἰσι καὶ ἀθάνατοι καλέονται,
  ὡς μὴ μόνον τοῦ ζῆν ἀλλὰ καὶ τοῦ ἀποθνῄσκειν
 τὴν τροφὴν ἐφόδιον οὖσαν. ἐκ ταύτης γὰρ αἱ νόσοι,
 συντρεφόμεναι τοῖς σώμασιν οὐκ ἔλαττον ἐνδείας
 κακὸν ἔχουσι τὴν πλήρωσιν· πολλάκις δὲ καὶ
 μεῖζόν ἐστιν ἔργον τοῦ πορίσαι τροφὴν καὶ συναγαγεῖν
 τὸ καταναλῶσαι καὶ διαφορῆσαι πάλιν εἰς
 τὸ σῶμα παραγενομένην. ἀλλ´ ὥσπερ ἂν διαποροῖεν
 αἱ Δαναΐδες τίνα βίον βιώσονται καὶ τί
 πράξουσιν ἀπαλλαγεῖσαι τῆς περὶ τὸν πίθον
 λατρείας καὶ πληρώσεως, οὕτω διαποροῦμεν ἡμεῖς,
 εἰ γένοιτο παύσασθαι φοροῦντας εἰς τὴν σάρκα
 τὴν ἄτρυτον ἐκ γῆς ἅμα καὶ θαλάττης τοσαῦτα, τί
 πράξομεν ἀπειρίᾳ τῶν καλῶν τὸν ἐπὶ τοῖς ἀναγκαίοις
 στέργοντες βίον. ὥσπερ οὖν οἱ δουλεύσαντες,
 ὅταν ἐλευθερωθῶσιν, ἃ πάλαι τοῖς δεσπόταις
 ἔπραττον ὑπηρετοῦντες, ταῦτα πράττουσιν
 αὑτοῖς καὶ δι´ αὑτούς, οὕτως ἡ ψυχὴ νῦν μὲν
 τρέφει τὸ σῶμα πολλοῖς πόνοις καὶ ἀσχολίαις, εἰ
 δ´ ἀπαλλαγείη τῆς λατρείας, αὑτὴν δήπουθεν
 ἐλευθέραν γενομένην θρέψει καὶ βιώσεται, εἰς
 αὑτὴν ὁρῶσα καὶ τὴν ἀλήθειαν, οὐδενὸς περισπῶντος
 οὐδ´ ἀπάγοντος."
 Τὰ μὲν οὖν ῥηθέντα περὶ τροφῆς, ὦ Νίκαρχε, ταῦτ´ ἦν.
 | [16] «C'est tout à fait mon dessein », dit Solon. Nous 
ne voudrons pas paraître moins judicieux que les Égyptiens 
eux-mêmes qui, après avoir ouvert les cadavres et les avoir 
exposés au soleil, en jettent les entrailles dans le fleuve: 
c'est quand le reste du corps est ainsi désormais purifié, 
qu'ils s'occupent de l'embaumer. Car, par le fait, le ventre 
est la souillure de notre chair. C'est un Tartare, comme 
celui de l'enfer, rempli de certains courants affreux, d'exhalaisons 
et de feux confondus ensemble, enfin de cadavres. 
Il vit sans qu'aucun être vivant le nourrisse; il lui faut des 
victimes que nous mettons à mort, à savoir des animaux 
vivants, des végétaux que nous faisons périr, puisque les 
végétaux aussi, par la nourriture qu'ils prennent et par leur 
accroissement, participent à la vie. C'est injustement que 
nous nous permettons de les détruire : car il y a destruction 
du moment qu'une substance est changée en une autre, et 
qu'elle subit une dissolution complète pour devenir la nourriture 
d'un individu. S'abstenir de manger de la chair, 
comme faisait, dit-on, l'ancien Orphée, ce n'est pas fuir ies 
accusations que mérite notre mode injuste de nutrition, 
c'est plutôt adroitement éluder ces accusations. Il n'est qu'un 
moyen parfait de ne pas les encourir, de rester pur et de 
persévérer dans la justice, c'est de se suffire à soi-même
et de n'avoir aucun besoin. Mais l'être de qui Dieu a rendu
sa propre conservation impossible sans qu'une autre créature
soit sacrifiée, celui-là porte naturellement en soi un 
principe d'injustice. Ne serait-il donc pas à désirer, cher 
ami, que l'on pût couper cette injustice dans sa racine en
faisant disparaître et le ventre et l'estomac et le foie ? Ils ne
nous inspirent aucun sentiment, aucun désir qui soit noble. 
Ils ressemblent à des ustensiles de cuisine. Ce sont, en quelque 
sorte, des coutelas, des casseroles, des égrugeoirs, des 
fourneaux, des réservoirs, des pétrins. Réellement il semble, 
pour parler de la plupart des hommes, que leur corps soit 
un moulin où leur âme encapuchonnée' tourne constamment 
la meule pour gagner sa vie. Et nous-mêmes, en vérité, 
comment nous comportions-nous tout à l'heure ? Nous 
ne songions ni à nous regarder, ni à nous écouter les uns les 
autres. La tête baissée, chacun satisfaisait servilement son 
besoin de nourriture. Et maintenant que les tables sont 
enlevées, devenus libres, comme vous voyez, Cléodème, 
nous nous sommes couronnés de fleurs pour échanger des 
discours, être ensemble, savourer notre loisir, et cela, parce 
que nous sommes arrivés à ne plus avoir besoin de manger. 
Eh bien, supposez que cet état de calme, dont nous jouissons 
en ce moment, durât la vie entière, n'aurions-nous 
pas toujours le temps de pratiquer ensemble ce délicieux 
commerce, sans craindre la faim, sans savoir ce que c'est 
que la richesse? Car le désir du superflu ne tarde pas à 
suivre le besoin du nécessaire, et à s'installer en même temps
que ce besoin dans le coeur de l'homme. Cléodème pense 
qu'il faut de la nourriture, afin qu'il y ait tables et cratères, 
afin que l'on sacrifie encore à Cérès et à sa fille. Mais 
un autre aura le droit de vouloir qu'il y ait batailles et 
guerres, pour que nous élevions des fortifications, des chantiers 
maritimes et des arsenaux, pour que nous fassions 
des sacrifices à la suite de cent ennemis tués, comme on dit 
que c'est l'usage chez les Messéniens. Un autre, j'imagine, 
se plaindra de la bonne santé, disant qu'il serait bien malheureux 
qu'il n'y eût pas de malades parce qu'il n'y aurait 
plus besoin de matelas moélleux et de coussins, parce qu'on 
ne sacrifierait plus à Esculape et aux divinités qui détournent 
les maux, parce que la médecine avec tous ses outils 
et toutes ses drogues languirait sans gloire et laissée à l'écart. 
Ou bien qu'on me dise quelle différence existe entre 
ces prétentions et la précédente ? Car enfin on introduit dans 
son corps la nourriture comme un remède contre la faim. 
De tous ceux qui prennent régulièrement leur repas, on 
dit qu'ils ont soin d'eux ; et pourtant ce n'est pas qu'ils se 
livrent à quelque acte de délice ou de sensualité : ils n'obéissent 
qu'à un besoin impérieux de la nature. Ajoutez 
que l'énumération des maux causés par la nourriture l'emporterait 
sur celle de ses agréments. Ou plutôt le plaisir 
n'en affecte qu'une bien petite partie du corps, et ne dure 
pas longtemps, au lieu que le travail et la difficulté de la digestion 
nous occasionnent (est-il nécessaire de le rappeler?) 
mille accidents non moins humiliants que douloureux. C'est, 
je pense, d'après toutes ces considérations qu'Homère, 
pour montrer que les dieux sont immortels, dit qu'ils ne 
se nourrissent point :
"De pain, comme de vin, ignorant tout usage, 
Ils sont privés de sang et nommés immortels."
Le poète établit par là, que la nourriture ne fait pas seulement 
vivre, mais qu'elle est aussi un acheminement au 
trépas. Car les maladies qu'elle entretient avec elle dans les 
corps ne sont pas moins funestes quand il y a excès que 
quand il y a manque. Souvent même c'est une moindre 
besogne de se la procurer et de la réunir, que de la digérer 
et de la répandre d'une manière uniforme dans le corps. 
Mais de même que les Danaïdes ne sauraient plus quelle 
vie mener et quelle occupation remplir si on les éloignait 
du service qu'elles font autour de leur tonneau constamment 
empli par elles, de même si nous venions à cesser d'introduire 
dans notre corps, véritable tonneau percé, tant 
d'objets pour lesquels la terre ensemble et la mer ont été 
mises à contribution, nous serions embarrassés de ce qu'il 
nous faudrait faire : tant l'ignorance des choses honnêtes 
nous rend chère une vie où ne nous occupons que de 
choses forcées ! De même donc que ceux qui ont été en 
esclavage font et pour eux et par eux-mêmes, une fois affranchis, 
ce qu'ils faisaient autrefois pour leurs maîtres 
quand ceux-ci les tenaient en servitude, de même l'âme 
nourrit aujourd'hui le corps en s'imposant beaucoup de fatigues 
et d'embarras. Mais supposez-la délivrée de ce servage 
et affranchie, ce sera elle-même qu'elle nourrira : elle vivra 
dans la contemplation d'elle-même et de la vérité, sans que 
rien l'en arrache ou l'en détourne.» Voilà, Nicarque, ce 
qui fut dit touchant la nourriture.
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