[13] Ἐπεὶ δὲ καὶ οὗτος ἔσχεν ὁ λόγος τέλος, ἡ
μὲν Εὔμητις ἐξῆλθε μετὰ τῆς Μελίσσης, τοῦ δὲ
Περιάνδρου τῷ Χίλωνι προπιόντος εὐμεγέθη
κύλικα, τῷ δὲ Βίαντι τοῦ Χίλωνος, Ἄρδαλος ἐπαναστὰς
καὶ προσαγορεύσας τὸν Αἴσωπον, "σὺ δ´
οὐκ ἄν," ἔφη, "διαπέμψαιο δεῦρο τὸ ποτήριον
πρὸς ἡμᾶς, ὁρῶν τούτους ὥσπερ τὴν Βαθυκλέους
κύλικα διαπεμπομένους ἀλλήλοις, ἑτέρῳ δὲ μὴ
μεταδιδόντας;"
Καὶ ὁ Αἴσωπος, "ἀλλ´ οὐδὲ τοῦτ´," ἔφη, "τὸ
ποτήριον δημοτικόν ἐστι· Σόλωνι γὰρ ἔκπαλαι
παράκειται μόνῳ."
Τὸν οὖν Μνησίφιλον προσαγορεύσας ὁ Πιττακὸς
ἠρώτησε τί οὐ πίνει Σόλων ἀλλὰ καταμαρτυρεῖ τῶν
ποιημάτων ἐν οἷς γέγραφεν,
ἔργα δὲ Κυπρογενοῦς νῦν μοι φίλα καὶ Διονύσου
καὶ Μουσέων, ἃ τίθης´ ἀνδράσιν εὐφροσύνας.
Ὑποφθάσας δ´ Ἀνάχαρσις "σὲ γάρ, ὦ Πιττακέ,
καὶ τὸν σὸν ἐκεῖνον τὸν χαλεπὸν φοβεῖται νόμον,
ἐν ᾧ γέγραφας Ἐάν τις ὁτιοῦν μεθύων ἁμάρτῃ,
διπλασίαν ἢ τῷ νήφοντι τὴν ζημίαν εἶναι."
Καὶ ὁ Πιττακός, "σὺ δέ γ´," εἶπεν, "οὕτως
ἐξύβρισας εἰς τὸν νόμον, ὥστε πέρυσι παρ´
Ἀλκαίου ἀδελφῷ μεθυσθεὶς ἆθλον αἰτεῖν καὶ
στέφανον."
"Τί δ´ οὐκ ἔμελλον," ἔφη ὁ Ἀνάχαρσις, "τῷ
πλεῖστον πιόντι προκειμένων ἄθλων πρῶτος μεθυσθεὶς
ἀπαιτεῖν τὸ νικητήριον; ἢ διδάξατέ μ´
ὑμεῖς, τί τέλος ἐστὶ τοῦ πολὺν πιεῖν ἄκρατον ἢ
τὸ μεθυσθῆναι."
Τοῦ δὲ Πιττακοῦ γελάσαντος ὁ Αἴσωπος λόγον
εἶπε τοιοῦτον· "λύκος ἰδὼν ποιμένας ἐσθίοντας ἐν
σκηνῇ πρόβατον ἐγγὺς προσελθών, ‘ἡλίκος ἂν ἦν,’
ἔφη, ‘θόρυβος ὑμῖν, εἰ ἐγὼ τοῦτ´ ἐποίουν.’"
Καὶ ὁ Χίλων "ὀρθῶς," ἔφη, "Αἴσωπος
ἠμύνατο, μικρὸν ἔμπροσθεν ἐπιστομισθεὶς ὑφ´
ἡμῶν, εἶτα νῦν ὁρῶν ἑτέρους τὸν Μνησιφίλου
λόγον ὑφηρπακότας· Μνησίφιλος γὰρ ᾐτήθη τὴν
ὑπὲρ Σόλωνος ἀπόκρισιν."
"Καὶ λέγω," ὁ Μνησίφιλος εἶπεν, "εἰδὼς ὅτι
Σόλωνι δοκεῖ πάσης τέχνης καὶ δυνάμεως ἀνθρωπίνης
τε καὶ θείας ἔργον εἶναι τὸ γιγνόμενον
μᾶλλον ἢ δι´ οὗ γίγνεται, καὶ τὸ τέλος ἢ τὰ πρὸς
τὸ τέλος. ὑφάντης τε γὰρ ἂν οἶμαι χλαμύδα
ποιήσαιτο μᾶλλον ἔργον αὑτοῦ καὶ ἱμάτιον ἢ
κανόνων διάθεσιν καὶ ἀνάρτησιν ἀγνύθων, χαλκεύς
τε κόλλησιν σιδήρου καὶ στόμωσιν πελέκεως
μᾶλλον ἤ τι τῶν ἕνεκα τούτου γιγνομένων ἀναγκαίων,
οἷον ἀνθράκων ἐκζωπύρησιν ἢ λατύπης
παρασκευήν. ἔτι δὲ μᾶλλον ἀρχιτέκτων μέμψαιτ´
ἂν ἡμᾶς ἔργον αὐτοῦ μὴ ναὸν μηδ´ οἰκίαν ἀποφαίνοντας,
ἀλλὰ τρυπῆσαι ξύλα καὶ φυρᾶσαι
πηλόν· αἱ δὲ Μοῦσαι καὶ παντάπασιν, εἰ νομίζοιμεν
αὐτῶν ἔργον εἶναι κιθάραν καὶ αὐλούς, ἀλλὰ μὴ
τὸ παιδεύειν τὰ ἤθη καὶ παρηγορεῖν τὰ πάθη
τῶν χρωμένων μέλεσι καὶ ἁρμονίαις. οὐκοῦν οὐδὲ
τῆς Ἀφροδίτης ἔργον ἐστὶ συνουσία καὶ μεῖξις,
οὐδὲ τοῦ Διονύσου μέθη καὶ οἶνος, ἀλλ´ ἣν ἐμποιοῦσι
διὰ τούτων φιλοφροσύνην καὶ πόθον καὶ
ὁμιλίαν ἡμῖν καὶ συνήθειαν πρὸς ἀλλήλους· ταῦτα
γὰρ ἔργα θεῖα καλεῖ Σόλων, καὶ ταῦτά φησιν
ἀγαπᾶν καὶ διώκειν μάλιστα πρεσβύτης γενόμενος.
ἔστι δὲ τῆς μὲν πρὸς γυναῖκας ἀνδρῶν ὁμοφροσύνης
καὶ φιλίας δημιουργὸς ἡ Ἀφροδίτη, τοῖς σώμασιν
ὑφ´ ἡδονῆς ἅμα συμμιγνύουσα καὶ συντήκουσα
τὰς ψυχάς· τοῖς δὲ πολλοῖς καὶ μὴ πάνυ συνήθεσι
μηδ´ ἄγαν γνωρίμοις ὁ Διόνυσος ὥσπερ ἐν πυρὶ
τῷ οἴνῳ μαλάττων τὰ ἤθη καὶ ἀνυγραίνων ἀρχήν
τινα συγκράσεως πρὸς ἀλλήλους καὶ φιλίας
ἐνδίδωσιν. ὅταν δὲ τοιοῦτοι συνέλθωσιν ἄνδρες,
οἵους ὁ Περίανδρος ὑμᾶς παρακέκληκεν, οὐδὲν
ἔργον ἐστὶν οἶμαι κύλικος οὐδ´ οἰνοχόης, ἀλλ´ αἱ
Μοῦσαι καθάπερ κρατῆρα νηφάλιον ἐν μέσῳ
προθέμεναι τὸν λόγον, ᾧ πλεῖστον ἡδονῆς ἅμα
καὶ παιδιᾶς καὶ σπουδῆς ἔνεστιν, ἐγείρουσι τούτῳ
καὶ κατάρδουσι καὶ διαχέουσι τὴν φιλοφροσύνην,
ἐῶσαι τὰ πολλὰ τὴν ‘οἰνοχόην’ ἀτρέμα κεῖσθαι
‘κρητῆρος ὕπερθεν,’ ὅπερ ἀπηγόρευσεν Ἡσίοδος
ἐν τοῖς πίνειν μᾶλλον ἢ διαλέγεσθαι δυναμένοις.
Εἴπερ γάρ τ' ἄλλοι γε καρηκομόωωτες Ἀχαιοὶ
δαιτρὸν πίνωσιν, σόν δὲ πλεῖον δέπασ αἰεὶ ἕστηκεν.
ἐπεὶ τάς γε προπόσεις αὐτάς," ἔφη, "πυνθάνομαι
λείπειν τοῖς παλαιοῖς, ἓν ‘δαιτρόν,’ ὡς Ὅμηρος
ἔφη, καὶ μετρητὸν ἑκάστου πίνοντος, εἶθ´ ὥσπερ
Αἴας μερίδος μεταδιδόντος τῷ πλησίον."
Εἰπόντος δὲ ταῦτα τοῦ Μνησιφίλου Χερσίας ὁ
ποιητής (ἀφεῖτο γὰρ ἤδη τῆς αἰτίας καὶ διήλλακτο
τῷ Περιάνδρῳ νεωστί, Χίλωνος δεηθέντος) "ἆρ´
οὖν," ἔφη, "καὶ τοῖς θεοῖς ὁ Ζεύς, ὥσπερ τοῖς
ἀριστεῦσιν ὁ Ἀγαμέμνων, μετρητὸν ἐνέχει τὸ
ποτόν, ὅτε προέπινον ἀλλήλοις ἑστιώμενοι παρ´ αὐτῷ;"
Καὶ ὁ Κλεόδωρος, "σὺ δ´, ὦ Χερσία," εἶπεν,
"εἰ τὴν ἀμβροσίαν τῷ Διὶ πελειάδες τινὲς κομίζουσιν,
ὡς ὑμεῖς λέγετε, τὰς Πλαγκτὰς ὑπερπετόμεναι
χαλεπῶς καὶ μόλις, οὐ νομίζεις καὶ τὸ
νέκταρ αὐτῷ δυσπόριστον εἶναι καὶ σπάνιον,
ὥστε φείδεσθαι καὶ παρέχειν ἑκάστῳ τεταμιευμένον;"
| [13] Ce texte de conversation se trouvant à son tour
épuisé, et Eumétis étant sortie avec Mélissa, Périandre but
une grande coupe à Chilon, et Chilon, à Bias. Ardalus
alors se leva, et interpellant Ésope : «Ne feras-tu pas,
dit-il, circuler la coupe jusqu'à nous, quand tu vois qu'ils
se la passent mutuellement comme s'il s'agissait de celle
de Bathycle et qu'ils ne la partagent pas avec un autre?"
Et Esope : «Mais ce vase non plus, dit-il, n'est pas une
propriété populaire : car voilà longtemps qu'il reste devant
Solon tout seul". Alors Pittacus s'adressant à Mnésiphile :
«Pourquoi, lui demanda-t-il, Solon ne boit-il pas et dément-il
ainsi les vers où il a écrit :
"Les oeuvres de Cypris, de Bacchus, des neufs soeurs
Aujourd'hui font ma joie; et ce sont des douceurs
Pour nous autres humains à nulle autre pareilles?»
Anarcharsis prit les devants sur Mnésiphile : «C'est, ô
Pittacus, parce qu'il redoute cette loi sévère portée par
vous, d'après laquelle vous déclarez que si un homme en
état d'ivresse commet une faute quelconque, la peine infligée
sera double de celle qu'il eût encourue à jeun». Et
Pittacus : «Mais vous-même, dit-il, vous l'avez tellement
violée, cette loi, qu'une fois étant ivre l'année dernière,
(car aujourd'hui vous ne l'êtes pas), vous en réclamâtes le
prix et la couronne». — «Eh pourquoi, dit Anacharsis,
quand des prix étaient proposés à qui boirait le plus, et
que je m'enivrai le premier, aurais-je manqué à réclamer
la récompense promise au vainqueur ? Ou bien, apprenez-moi
quel est le but que l'on se propose en buvant force vin
pur, si ce n'est pas de s'enivrer?» Sur ce, Pittacus s'étant
mis à rire, Esope conta l'apologue que voici : «Un loup
ayant vu des bergers qui mangeaient une brebis dans une
tente, s'approcha d'eux et leur dit : «Quel tapage vous feriez,
si c'était moi!» Et Chilon : «Ésope, dit-il, a raison
de prendre sa revanche, puisque nous lui avons fermé la
bouche il n'y a qu'un instant, et qu'il voit ensuite les autres
enlever la parole à Mnésiphile, quand Pittacus avait demandé
à ce dernier de répondre au sujet de Solon».— «Eh bien,
je déclare, dit Mnésiphile, et je parle en connaissance de
cause, que l'opinion de Solon est celle-ci : Dans sa pensée
l'oeuvre de tout art, de toute puissance humaine ou divine,
est l'effet que produit cette puissance, plutôt que l'instrument
dont elle se sert; c'est la fin même, plutôt que ce ne sont les
moyens. Ainsi, par exemple, le tisserand, je crois, posera
en fait que la chlamyde, le manteau, sont plutôt son oeuvre
que ne l'est la disposition du métier ou la tension produite
par les poids suspendus. Le forgeron verra son ouvrage
dans la soudure d'une pièce en fer et dans la trempe d'une
hache plutôt que dans quelqu'un des apprêts nécessaires à
ces opérations, par exemple dans l'action d'allumer les
charbons et celle de disposer un bâti en éclats de pierre;
et à plus forte raison, un constructeur s'indignerait contre
nous si nous déclarions que son ouvrage n'est pas tel vaisseau,
telle maison, mais le percement des bois et le pétrissage
du mortier. Les Muses seraient tout à fait furieuses,
si nous supposions que leur oeuvre fût une cithare ou des
flûtes, et non pas l'art de policer les moeurs et de calmer, à
l'aide des vers et de la musique, les passions de ceux qui
ont recours à elles. Pareillement, l'oeuvre de Vénus n'est
pas le rapprochement et l'union des sexes; l'oeuvre de
Bacchus n'est pas l'ivresse et le vin, mais ce sont les jouissances
qui viennent à la suite, à savoir les désirs, les épanchements,
les douces habitudes de se fréquenter. Voilà ce
que Solon appelle oeuvres divines, et ce qu'il déclare être
aimé et recherché davantage par lui à mesure qu'il devient
plus vieux. Qui est-ce qui ménage entre l'homme et la femme
tant de sympathie et de tendresse? C'est Vénus, en unissant
les âmes et les corps par l'attrait de la volupté et en les fondant
ensemble. Que des hommes se trouvent réunis en grand
nombre sans s'être fréquentés jamais, sans même se connaître,
Bacchus assouplira leurs âmes par le vin comme par
l'action du feu ; il les détrempera, et déterminera chez eux
un commencement de mélange et d'incorporation les uns
avec les autres. Mais quand se trouvent réunis des hommes
tels que nous sommes ici, invités par Périandre, ce qui constitue
l'oeuvre ce n'est, je pense, ni la coupe, ni le cratère
d'où se verse le vin, mais ce sont les Muses, qui, présentant
au milieu d'eux, en guise de coupe de sobriété, une conversation
pleine à la fois de charme, de badinage et de sérieux,
éveillent ainsi la bienveillance, et la répandent en quelque
sorte à flots. Le plus souvent même elles laissent, nonobstant
la défense qu'en a faite Hésiode la coupe flotter doucement
et inactive à la surface du cratère, et cela dans l'intérêt
de ceux qui savent mieux boire que converser. Quant aux
santés mêmes que l'on se porte, je sais que c'était l'habitude
dans l'antiquité de les accompagner d'entretiens; et Homère
dit que les convives avaient leur part réglée de vin, comme
leur part de viande : chacun buvait une certaine mesure, et
passait ensuite la coupe à son voisin.»
Mnésiphile s'étant ainsi exprimé, Chersias le poète prit
la parole : il s'était justifié depuis peu auprès de Périandre,
et sur les instances de Chilon il avait recouvré les bonnes
grâces de ce prince : «Pensez-vous que les dieux aussi, à
la table de Jupiter et lorsqu'ils se portaient des santés,
eussent leur part mesurée comme les chefs des Grecs la
recevaient d'Agamemnon ?» Et Cléodème : "Mais vous,
Chersias, dit-il, s'il est vrai, comme vous le prétendez vous
autres, que certaines colombes portent l'ambroisie au maître
des dieux à travers des rochers errants qu'elles franchissent
d'un vol pénible et laborieux, ne pensez-vous pas que le
nectar soit pour lui chose rare, d'une acquisition plus difficile,
et que, partant, il l'économise et le dispense avec mesure
à chacun des dieux ?
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