HODOI ELEKTRONIKAI
Du texte à l'hypertexte

Plutarque, Oeuvres morales, De la superstition

Chapitre 9-10

  Chapitre 9-10

[9] Τοιαύτη μὲν ἐν τοῖς ἀβουλήτοις καὶ περιστατικοῖς λεγομένοις πράγμασι καὶ καιροῖς δεισιδαιμονία, βελτίων δ´ οὐδὲν οὐδ´ ἐν τοῖς ἡδίοσι τῆς ἀθεότητος. ἥδιστα δὲ τοῖς ἀνθρώποις ἑορταὶ καὶ εἰλαπίναι πρὸς ἱεροῖς καὶ μυήσεις καὶ ὀργιασμοὶ καὶ κατευχαὶ θεῶν καὶ προσκυνήσεις. ἐνταῦθα τοίνυν σκόπει τὸν ἄθεον γελῶντα μὲν μανικὸν καὶ σαρδάνιον γέλωτα τοῖς ποιουμένοις καί που παραφθεγγόμενον ἠρέμα πρὸς τοὺς συνήθεις ὅτι τετύφωνται καὶ δαιμονῶσιν οἱ θεοῖς ταῦτα δρᾶσθαι νομίζοντες, ἄλλο δ´ οὐδὲν ἔχοντα κακόν. δὲ δεισιδαίμων βούλεται μὲν οὐ δύναται δὲ χαίρειν οὐδ´ ἥδεσθαι· πόλις δ´ ὁμοῦ μὲν θυμιαμάτων γέμει, ὁμοῦ δὲ παιάνων τε καὶ στεναγμάτων ψυχὴ τοῦ δεισιδαίμονος· ἐστεφανωμένος ὠχριᾷ, θύει καὶ φοβεῖται, εὔχεται φωνῇ παλλομένῃ καὶ χερσὶν ἐπιθυμιᾷ τρεμούσαις, καὶ ὅλως ἀποδείκνυσι τὸν Πυθαγόρου λόγον φλύαρον εἰπόντος ὅτι βέλτιστοι γιγνόμεθα πρὸς τοὺς θεοὺς βαδίζοντες· τότε γὰρ ἀθλιώτατα καὶ κάκιστα πράττουσιν οἱ δεισιδαίμονες, ὥσπερ ἄρκτων φωλεοῖς χειαῖς δρακόντων μυχοῖς κητῶν τοῖς τῶν θεῶν μεγάροις ἀνακτόροις προσιόντες. [9] Telle est dans les circonstances contraires à notre volonté, dans les affaires et les moments que l'on appelle critiques, la conduite du superstitieux. Mais quand tout réussit au gré de ses souhaits, sa manière d'agir n'est pas, même alors, meilleure que celle de l'athée. Rien n'est plus agréable aux hommes que les réjouissances et les festins qui accompagnent les cérémonies religieuses, que les initiations aux mystères, les orgies, les prières et les adorations adressées aux dieux. Eh bien, examinez l'athée dans ces occasions : il affecte de rire d'un rire forcené et sardonique devant ceux qui se livrent à ces actes de piété. Parfois il dit tout bas à ses amis : "Ces gens sont aveugles et fous s'ils se figurent que ce soient là des hommages rendus aux dieux"; mais il n'en éprouve, d'ailleurs, aucun mal. Le superstitieux, au contraire, voudrait bien prendre part à ces plaisirs et à ces joies, mais il ne le peut pas. "Pendant que l'encens fume, en tous lieux, dans la ville, De pæans, de soupirs est rempli tour à tour" le coeur du superstitieux. Il se couronne de fleurs, mais il est pâle. Il sacrifie, mais il a peur. Il prie, mais c'est d'une voix saccadée. Il fait brûler l'encens, mais ses mains sont tremblantes. Enfin, par toute sa conduite, il rend vaine cette parole de Pythagore, « que nous devenons meilleurs en nous approchant ales Dieux ; car c'est alors que les superstitieux se montrent le plus à plaindre et le plus misérables. On dirait qu'ils entrent dans des tanières d'ours, dans des repaires de dragons, dans des cavernes de monstres marins lorsqu'ils se présentent aux temples et devant les sanctuaires des Dieux.
[10] Ὅθεν ἔμοιγε καὶ θαυμάζειν ἔπεισι τοὺς τὴν ἀθεότητα φάσκοντας ἀσέβειαν εἶναι, μὴ φάσκοντας δὲ τὴν δεισιδαιμονίαν. καίτοι γ´ Ἀναξαγόρας δίκην ἔφυγεν ἀσεβείας ἐπὶ τῷ λίθον εἰπεῖν τὸν ἥλιον, Κιμμερίους δ´ οὐδεὶς εἶπεν ἀσεβεῖς ὅτι τὸν ἥλιον οὐδ´ εἶναι τὸ παράπαν νομίζουσι. τί σὺ λέγεις; μὴ νομίζων θεοὺς εἶναι ἀνόσιός ἐστιν; δὲ τοιούτους νομίζων οἵους οἱ δεισιδαίμονες, οὐ μακρῷ δόξαις ἀνοσιωτέραις σύνεστιν; ἐγὼ γοῦν ἂν ἐθέλοιμι μᾶλλον τοὺς ἀνθρώπους λέγειν περὶ ἐμοῦ μήτε γεγονέναι τὸ παράπαν μήτ´ εἶναι Πλούταρχον λέγειν ὅτι Πλούταρχός ἐστιν ἄνθρωπος ἀβέβαιος εὐμετάβολος, εὐχερὴς πρὸς ὀργήν, ἐπὶ τοῖς τυχοῦσι τιμωρητικός, μικρόλυπος· ἂν καλῶν ἐπὶ δεῖπνον ἑτέρους παραλίπῃς ἐκεῖνον, ἂν ἀσχολίας σοι γενομένης ἐπὶ θύρας μὴ ἔλθῃς μὴ προσείπῃς, διέδεταί σου τὸ σῶμα προσφὺς συλλαβὼν ἀποτυμπανιεῖ τὸ παιδίον, θηρίον ἔχων τοῖς καρποῖς ἐφήσει καὶ λυμανεῖται τὴν ὀπώραν. Τοῦ Τιμοθέου τὴν Ἄρτεμιν ᾄδοντος ἐν Ἀθήναις καὶ λέγοντος θυιάδα φοιβάδα μαινάδα λυσσάδα Κινησίας μελοποιὸς ἐκ τῶν θεατῶν ἀναστάς, "τοιαύτη σοι," εἶπε, "θυγάτηρ γένοιτο." καὶ μὴν ὅμοια τούτοις καὶ χείρω περὶ Ἀρτέμιδος οἱ δεισιδαίμονες ὑπολαμβάνουσιν, αἴτε κα ἀπ´ ἀγχόνας ᾄξασα, αἴτε κα λεχὼν κναίσασα, αἴτε κἀκ νεκρῶ παροῦσα, ἀμπεφυρμένα ἐσῆλθες, αἴτε καὶ ἐκ τριόδων καθαρμάτεσσιν ἐπισπωμένα τῷ παλαμναίῳ συμπλεχθεῖσα. Οὐδὲν δὲ τούτων ἐπιεικέστερα φρονοῦσι περὶ Ἀπόλλωνος περὶ Ἥρας περὶ Ἀφροδίτης· πάντας γὰρ τούτους τρέμουσι καὶ δεδοίκασι. καίτοι τί τοιοῦτον Νιόβη περὶ τῆς Λητοῦς ἐβλασφήμησεν, οἷον δεισιδαιμονία πέπεικε περὶ τῆς θεοῦ τοὺς ἄφρονας, ὡς ἄρα λοιδορηθεῖσα κατετόξευσε τῆς ἀθλίας γυναικὸς ἓξ μὲν θυγατέρας, ἓξ δ´ υἱέας ἡβώοντας; οὕτως ἄπληστος ἀλλοτρίων κακῶν ἦν καὶ ἀνίλαστος. εἰ γὰρ ἀληθῶς θεὸς χολὴν εἶχε καὶ μισοπόνηρος ἦν καὶ ἤλγει κακῶς ἀκούουσα καὶ μὴ κατεγέλα τῆς ἀνθρωπίνης ἀμαθίας καὶ ἀγνοίας ἀλλ´ ἠγανάκτει, τούτους ἔδει τοξεῦσαι τοὺς τοσαύτην ὠμότητα καὶ πικρίαν καταψευδομένους αὐτῆς καὶ τοιαῦτα λέγοντας καὶ γράφοντας. τῆς γοῦν Ἑκάβης προβαλλόμεθα τὴν πικρίαν ὡς βάρβαρον καὶ θηριώδη λεγούσης τοῦ ἐγὼ μέσον ἧπαρ ἔχοιμι ἐσθέμεναι προσφῦσα, τὴν δὲ Συρίαν θεὸν οἱ δεισιδαίμονες νομίζουσιν, ἂν μαινίδας τις ἀφύας φάγῃ, τὰ ἀντικνήμια διεσθίειν, ἕλκεσι τὸ σῶμα πιμπράναι, συντήκειν τὸ ἧπαρ. [10] D'après cela, je m'étonne que l'on traite d'athées ceux qui sont impies, et qu'on n'exprime pas la même opinion sur les superstitieux. Car enfin Anaxagore n'échappa que difficilement à une accusation d'impiété, pour avoir avancé que le soleil était une pierre ; et personne ne songe à dire que les Cimmériens soient impies, bien qu'ils prétendent que cet astre n'existe point. Qu'est-ce à dire? Celui qui ne croit pas à l'existence des dieux est-il un sacrilége ? et celui qui les croit tels que les superstitieux se les figurent, n'est-il pas dans des opinions bien plus sacriléges encore ? Pour ma part, j'aimerais beaucoup mieux que l'on dît de moi : « Plutarque n'a jamais existé, Plutarque n'existe pas, que si on disait : « Plutarque est un homme sans principes, un homme inconstant, irascible, vindicatif, se chagrinant pour des bagatelles. Si vous en avez invité d'autres à dîner et que vous ayez laissé de côté ce même Plutarque ; si, retenu pour vos affaires, vous ne vous êtes pas présenté à sa porte, ou bien si vous ne lui avez pas adressé la parole, il s'élancera sur vous et vous mangera, ou bien il saisira votre petit enfant et le rouera de coups, ou bien il aura quelque bête sauvage qu'il lâchera sur vos moissons et qui dévorera vos fruits mûrs ». Timothée chantant un hymne en l'honneur de Diane, à Athènes, et l'appelant « furieuse, folle, enragée, frénétique », le musicien Cinésias se leva du milieu des spectateurs : « Puisses-tu, lui dit-il, avoir une telle fille ! Pareilles, et plus odieuses encore, sont les idées que les superstitieux se font touchant Diane : à les entendre elle met en feu telle malheureuse qui va se pendre, et telle autre qui va accoucher; elle entre dans les maisons souillée, polluée du contact des cadavres; ou bien elle s'arrache au tas d'ordures du carrefour, et vient vous enlacer dans ses maléfices. Ils n'ont pas de pensées plus convenables sur ce qui regarde Apollon, Junon, Vénus ; car ils redoutent et craignent toutes ces divinités. Du reste Niobé a-t-elle jamais vomi contre Latone autant de blasphèmes que la superstition en a fait admettre sur le compte de cette déesse par des gens irréfléchis ? On dit, par exemple, que pour se venger de ses outrages, Latone fit tuer à coup de flèches les enfants de cette malheureuse mère, "Six filles et six fils, tous à la fleur de l'âge" tant elle était insatiable du malheur d'autrui et impitoyable. Mais si cette déesse était véritablement furieuse, si sa haine pour les méchants était implacable, si elle ne supportait qu'avec indignation les propos injurieux, si, au lieu de rire de l'erreur et de l'ignorance humaine, elle en concevait un profond ressentiment, elle devrait diriger ses traits contre ceux qui l'accusent faussement de tant de cruauté et de barbarie, contre ceux qui écrivent et qui répètent de semblables blasphèmes. Nous détestons la barbarie d'Hécube, et nous la regardons comme une furie, comme une bête féroce, quand elle s'écrie, : "Oui, je voudrais avoir son coeur à dévorer"; et cependant les superstitieux prétendent que si quelqu'un mange de la mendole ou des anchois, la déesse de Syrie lui dévore le devant des jambes, lui couvre le corps d'ulcères et lui fait pourrir le foie.


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Dernière mise à jour : 3/11/2005