HODOI ELEKTRONIKAI
Du texte à l'hypertexte

Plutarque, Oeuvres morales - Sur les moyens de connaître les progrès qu'on fait dans la vertu

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[75] ΠΩΣ ΑΝ ΤΙΣ ΑΙΣΘΟΙΤΟ ΕΑΥΤΟΥ ΠΡΟΚΟΠΤΟΝΤΟΣ ΕΠ´ ΑΡΕΤΗΙ. (75a) Τίς τῶν λόγων, Σόσσιε Σενεκίων, (75b) σώσει τὴν ἑαυτοῦ βελτιουμένου πρὸς ἀρετὴν συναίσθησιν, εἰ μηδεμίαν αἱ προκοπαὶ ποιοῦσι τῆς ἀφροσύνης ἄνεσιν, ἀλλ´ ἴσῳ σταθμῷ πᾶσιν κακία περικειμένη Μολυβδὶς ὥστε δίκτυον κατέσπασεν; Οὐδὲ γὰρ ἐν μουσικοῖς τις γραμματικοῖς ἐπιδιδοὺς ἂν γνοίη μηδὲν ἐν τῷ μανθάνειν ἀπαρύτων τῆς περὶ ταῦτα ἀμαθίας ἀλλ´ ἴσης ἀεὶ τῆς ἀτεχνίας αὐτῷ παρούσης, οὐδὲ κάμνοντι θεραπεία μὴ ποιοῦσα ῥᾳστώνην μηδὲ κουφισμὸν ἁμωσγέπως τοῦ νοσήματος ὑπείκοντος καὶ χαλῶντος αἴσθησιν ἂν παρέχοι (75c) διαφορᾶς, πρὶν εἰλικρινῆ τὴν ἐναντίαν ἕξιν ἐγγενέσθαι παντάπασιν ἀναρρωσθέντος τοῦ σώματος. Ἀλλ´ ὥσπερ ἐν τούτοις οὐ προκόπτουσιν, ἂν προκόπτοντες ἀνέσει τοῦ βαρύνοντος οἷον ἐπὶ ζυγοῦ πρὸς τοὐναντίον ἀναφερόμενοι μὴ γιγνώσκωσι τὴν μεταβολήν, οὕτως ἐν τῷ φιλοσοφεῖν οὔτε προκοπὴν οὔτε τινὰ προκοπῆς αἴσθησιν ὑποληπτέον, εἰ μηδὲν ψυχὴ μεθίησι μηδ´ ἀποκαθαίρεται τῆς ἀβελτερίας, ἄχρι δὲ τοῦ λαβεῖν ἄκρατον τὸ ἀγαθὸν καὶ τέλειον ἀκράτῳ τῷ κακῷ χρῆται. Καὶ γὰρ ἀκαρεὶ χρόνου (75d) καὶ ὥρας ἐκ τῆς ὡς ἔνι μάλιστα φαυλότητος εἰς οὐκ ἔχουσαν ὑπερβολὴν ἀρετῆς διάθεσιν μεταβαλὼν σοφός, ἧς οὐδ´ ἐν χρόνῳ πολλῷ μέρος ἀφεῖλε κακίας ἅμα πᾶσαν ἐξαίφνης ἐκπέφευγε. Καίτοι ἤδη τοὺς ταῦτά γε λέγοντας οἶσθα δήπου πάλιν πολλὰ παρέχοντας αὑτοῖς πράγματα καὶ μεγάλας ἀπορίας περὶ τοῦ διαλεληθότος, ὃς αὐτὸς ἑαυτὸν οὐδέπω κατείληφε γεγονὼς σοφός, ἀλλ´ ἀγνοεῖ κἀμφιδοξεῖ τῷ κατὰ μικρὸν ἐν χρόνῳ πολλῷ τὰ μὲν ἀφαιροῦντι τὰ δὲ προστιθέντι γιγνομένην τὴν ἐπίδοσιν καθάπερ πορείαν τῇ ἀρετῇ λαθεῖν ἀτρέμα προσμείξασαν. Εἰ δέ γε ἦν τάχος τοσοῦτον (75e) τῆς μεταβολῆς καὶ μέγεθος, ὥστε τὸν πρωῒ κάκιστον ἑσπέρας γεγονέναι κράτιστον, ἂν οὕτω τινὶ συντύχῃ τὰ τῆς μεταβολῆς, καταδαρθόντα φαῦλον ἀνεγρέσθαι σοφὸν καὶ προσειπεῖν ἐκ τῆς ψυχῆς μεθεικότα τὰς χθιζὰς ἀβελτερίας καὶ ἀπάτας Ψευδεῖς ὄνειροι, χαίρετ´· οὐδὲν ἦτ´ ἄρα, τίς ἂν ἀγνοήσειεν ἑαυτοῦ διαφορὰν ἐν αὑτῷ τοσαύτην γενομένην καὶ φρόνησιν ἀθρόον ἐκλάμψασαν; Ἐμοὶ μὲν γὰρ δοκεῖ μᾶλλον ἄν τις, ὡς Καινεύς, γενόμενος κατ´ εὐχὴν ἀνὴρ ἐκ γυναικὸς ἀγνοῆσαι τὴν μετακόσμησιν, σώφρων καὶ φρόνιμος καὶ (75f) ἀνδρεῖος ἐκ δειλοῦ καὶ ἀνοήτου καὶ ἀκρατοῦς ἀποτελεσθεὶς καὶ μεταβαλὼν εἰς θεῖον ἐκ θηριώδους βίον ἀκαρὲς διαλαθεῖν αὑτόν. Ἀλλ´ ὀρθῶς μὲν εἴρηται τὸ Πρὸς στάθμῃ πέτρον τίθεσθαι, μή τι πρὸς πέτρῳ στάθμην. Οἱ δὲ μὴ τιθέμενοι τὰ δόγματα πρὸς τοῖς πράγμασιν ἀλλὰ τὰ πράγματα πρὸς τὰς ἑαυτῶν ὑποθέσεις ὁμολογεῖν μὴ πεφυκότα καταβιαζόμενοι πολλῶν ἀποριῶν ἐμπεπλήκασι τὴν φιλοσοφίαν, [75] SUR LES MOYENS DE CONNAÎTRE LES PROGRÈS QU'ON FAIT DANS LA VERTU. (75a) Quel moyen aurait-on, mon cher Sénécion, (75b) de s'assurer des progrès qu'on fait dans la vertu, si le vice, loin de s'affaiblir sensiblement à mesure que nous avançons dans le bien, dominait toujours en nous avec la même force, et continuait de nous emporter, comme on voit "Le filet par le plomb sous les eaux entraîné"? Ceux qui apprennent la musique ou la grammaire pourraient-ils reconnaître en eux le moindre avancement si, à mesure qu'ils en étudient les règles, ils ne sentaient pas diminuer leur ignorance, et s'ils étaient toujours aussi peu instruits sur les objets que traitent ces deux arts? Un malade apercevrait-il quelque différence dans son état, pendant le cours de sa maladie, si les remèdes ne lui procuraient aucun soulagement, si le mal se soutenait toujours avec violence (75c) jusqu'au moment où il reviendrait tout à coup à une pleine santé? On ne peut, dans tous ces cas, reconnaître en soi de véritables progrès, à moins que le passage successif à une disposition contraire ne nous fasse sentir une différence réelle dans notre état. Des deux plats d'une balance, l'un s'élève à proportion que l'autre s'abaisse. Ainsi, dans l'étude de la philosophie, il est impossible d'apercevoir en soi quelque progrès, si l'âme ne se purifie peu à peu de ses souillures, si, jusqu'à ce qu'elle arrive à une vertu parfaite, le vice domine en elle, sans aucun mélange de bien. (75d) Pour passer ainsi tout à coup de la dernière corruption à la sagesse la plus consommée, il faudrait qu'en un instant presque insensible, on pût se dépouiller à la fois de toute sa malice, tandis qu'on n'aurait pu, dans un espace de temps considérable, en diminuer la plus petite partie. Ceux qui veulent que ce changement soit aussi rapide se trouveraient fort embarrassés si on les rappelait à leur propre expérience. Qu'ils nous disent si aucun d'eux ne s'est aperçu du moment où il est devenu sage tout d'un coup ; s'il ignore que le passage du vice à la vertu a été en lui l'effet successif du temps, qui ajoutait à l'une ce qu'il ôtait à l'autre, et le conduisait au terme de la sagesse par des routes secrètes et par une marche presque insensible. En effet, si un changement aussi merveilleux (75e) se faisait avec tant de rapidité, qu'un homme qui se coucherait vicieux se trouvât sage à son réveil, et que, s'affranchissant en un instant des passions et des erreurs dont la veille il était l'esclave, il pût leur dire : "Fuyez loin de mes yeux, disparaissez, vains songes ; Vous n'êtes plus pour moi qu'erreurs et que mensonges", est-il quelqu'un qui ne s'aperçût d'une révolution si extraordinaire, qui ne connût l'instant où la sagesse, comme un flambeau radieux, aurait répandu dans son âme la clarté la plus brillante? Pour moi, je croirais qu'un homme qui changerait de sexe, comme autrefois Cénée, pourrait ignorer une si étonnante métamorphose, plutôt que je n'imaginerais quelqu'un qui passerait subitement (75f) d'une vie voluptueuse et tout animale à une sagesse presque divine, sans s'apercevoir de cet heureux changement de son âme. On a dit avec raison qu'il fallait tailler la pierre sur la règle et non pas former la règle sur la pierre. Aussi les philosophes qui, au lieu de former leurs opinions sur la nature des choses, veulent forcer les choses mêmes de se plier contre leur nature à leurs opinions, remplissent la philosophie de mille difficultés.


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Dernière mise à jour : 8/05/2008