[4] Ἀνάξαρχος μὲν οὖν ἐπὶ τῷ Κλείτου φόνῳ
δεινοπαθοῦντα παραμυθούμενος Ἀλέξανδρον ἔφη
καὶ τῷ Διὶ τὴν Δίκην εἶναι καὶ τὴν Θέμιν παρέδρους,
ἵνα πᾶν πραττόμενον ὑπὸ βασιλέως θεμιτὸν
δοκῇ καὶ δίκαιον, οὐκ ὀρθῶς οὐδ´ ὠφελίμως τὴν
ἐφ´ οἷς ἥμαρτε μετάνοιαν αὐτοῦ τῷ πρὸς τὰ ὅμοια
θαρρύνειν ἰώμενος. εἰ δὲ δεῖ ταῦτ´ εἰκάζειν, ὁ μὲν
Ζεὺς οὐκ ἔχει τὴν Δίκην πάρεδρον, ἀλλ´ αὐτὸς
Δίκη καὶ Θέμις ἐστὶ καὶ νόμων ὁ πρεσβύτατος
καὶ τελειότατος. οἱ δὲ παλαιοὶ οὕτω λέγουσι καὶ
γράφουσι καὶ διδάσκουσιν, ὡς ἄνευ Δίκης ἄρχειν
μηδὲ τοῦ Διὸς καλῶς δυναμένου· "ἡ δέ γε παρθένος
ἐστὶ" καθ´ Ἡσίοδον ἀδιάφθορος, αἰδοῦς
καὶ σωφροσύνης καὶ ὠφελείας σύνοικος· ὅθεν
"αἰδοίους" προσαγορεύουσι τοὺς βασιλεῖς· μάλιστα
γὰρ αἰδεῖσθαι προσήκει τοῖς ἥκιστα φοβουμένοις.
φοβεῖσθαι δὲ δεῖ τὸν ἄρχοντα τοῦ παθεῖν
κακῶς μᾶλλον τὸ ποιῆσαι· τοῦτο γὰρ αἴτιόν ἐστιν
ἐκείνου καὶ οὗτός ἐστιν ὁ φόβος τοῦ ἄρχοντος
φιλάνθρωπος καὶ οὐκ ἀγεννής, ὑπὲρ τῶν ἀρχομένων
δεδιέναι μὴ λάθωσι βλαβέντες,
ὡς δὲ κύνες περὶ μῆλα δυσωρήσονται ἐν αὐλῇ,
θηρὸς ἀκούσαντες κρατερόφρονος,
οὐχ ὑπὲρ αὑτῶν ἀλλ´ ὑπὲρ τῶν φυλαττομένων. ὁ
δ´ Ἐπαμεινώνδας, εἰς ἑορτήν τινα καὶ πότον ἀνειμένως
τῶν Θηβαίων ῥυέντων, μόνος ἐφώδευε τὰ
ὅπλα καὶ τὰ τείχη, νήφειν λέγων καὶ ἀγρυπνεῖν
ὡς ἂν ἐξῇ τοῖς ἄλλοις μεθύειν καὶ καθεύδειν. καὶ
Κάτων ἐν Ἰτύκῃ τοὺς ἄλλους ἅπαντας ἀπὸ τῆς
ἥττης ἐκήρυττε πέμπειν ἐπὶ θάλατταν· καὶ ἐμβιβάσας,
εὔπλοιαν εὐξάμενος ὑπὲρ αὐτῶν, εἰς οἶκον
ἐπανελθὼν ἑαυτὸν ἀπέσφαξε· διδάξας ὑπὲρ τίνων
δεῖ τὸν ἄρχοντα τῷ φόβῳ χρῆσθαι καὶ τίνων δεῖ
τὸν ἄρχοντα καταφρονεῖν. Κλέαρχος δ´ ὁ Ποντικὸς
τύραννος εἰς κιβωτὸν ἐνδυόμενος ὥσπερ ὄφις
ἐκάθευδε. καὶ Ἀριστόδημος ὁ Ἀργεῖος εἰς
ὑπερῷον οἴκημα θύραν ἔχον ἐπιρρακτήν, ἧς
ἐπάνω τιθεὶς τὸ κλινίδιον ἐκάθευδε μετὰ τῆς
ἑταίρας· ἡ δὲ μήτηρ ἐκείνης ὑφεῖλκε κάτωθεν τὸ
κλιμάκιον, εἶθ´ ἡμέρας πάλιν προσετίθει φέρουσα.
πῶς οὗτος, οἴεσθε, τὸ θέατρον ἐπεφρίκει καὶ τὸ
ἀρχεῖον, τὸ βουλευτήριον, τὸ συμπόσιον, ὁ τὸν
θάλαμον ἑαυτῷ δεσμωτήριον πεποιηκώς; τῷ γὰρ
ὄντι δεδίασιν οἱ βασιλεῖς ὑπὲρ τῶν ἀρχομένων, οἱ
δὲ τύραννοι τοὺς ἀρχομένους· διὸ τῇ δυνάμει τὸ
δέος συναύξουσι· πλειόνων γὰρ ἄρχοντες πλείονας
φοβοῦνται.
| [4] Anaxarque, voulant consoler Alexandre du désespoir
où le meurtre de Clitus avait plongé ce prince, lui disait
que la Justice et Thémis siégent aux côtés de Jupiter,
afin que tous les actes d'un roi semblent empreints d'équité
et de justice. » Consolation aussi déraisonnable que
pernicieuse ! C'était vouloir calmer le repentir que lui inspirait
son crime, et l'encourager à en commettre encore de
pareils. S'il faut admettre la vraisemblance de telles conclusions,
Jupiter n'a pas l'équité pour assesseur; c'est lui
même qui est équité et justice : il est la plus antique, la plus
parfaite des lois. Que disent, qu'écrivent, qu'enseignent les
anciens? Que Jupiter lui-même ne pourrait pas commander
dignement s'il n'était assisté de la Justice,
"La Vierge incorruptible",
comme l'appelle Hésiode, la compagne inséparable de la
pudeur, de la sagesse et de la simplicité. Voilà pourquoi
les rois sont proclamés vénérables, parce qu'on est vénéré
surtout par ceux à qui l'on inspire le moins de terreur. Il
faut qu'un prince ne redoute pas tant de recevoir du mal qu'il
redoute d'en causer lui-même : car l'un est la conséquence
de l'autre; et c'est de la part d'un prince une crainte qui
prouve son humanité et sa grandeur d'âme, que de craindre
pour ses sujets un dommage dont il ne serait pas instruit.
"Tels les chiens, si le loup pousse son hurlement,
A l'entour du troupeau veillent activement".
Ce n'est pas pour eux qu'ils prennent des précautions, mais
pour le bétail dont la garde leur est confiée.
Épaminondas, un jour qu'à l'occasion d'une fête les Thébains
se livraient sans réserve au plaisir, s'occupait, cheminant
tout seul, à passer la revue des armes et des remparts
« Je me condamne, disait-il, à être sobre et à veiller, afin
qu'il soit possible aux autres de s'enivrer et de dormir. »
Caton, dans Utique, fit annoncer par le héraut à tous ceux
qui avaient échappé à la défaite, qu'il leur donnait rendez-vous
sur le bord de la mer. Il les embarqua, leur souhaita
une heureuse navigation ; puis, rentré en son logis, il se
perça de son épée. C'était faire bien comprendre sur quoi
la crainte d'un chef doit porter, et aussi ce qu'un chef doit
mépriser. Au rebours Cléarque, tyran du Pont, s'introduisait
dans un coffre, comme un serpent, pour dormir. Aristodème,
d'Argos, vivait dans une chambre haute dont la
porte se baissait en forme de herse. C'était là qu'il avait fait
monter la couchette où il dormait avec sa maîtresse. La mère
de celle-ci enlevait d'en-bas l'échelle, et, le jour venu, elle la
rapportait pour l'appliquer de nouveau. Jugez combien un
tel homme devait frissonner au théâtre, dans son palais, au
sénat, dans un festin, puisque de sa chambre à coucher il
faisait une prison! C'est qu'en effet les vrais rois craignent
pour leurs sujets, mais le tyran craint ces mêmes sujets. Avec
sa puissance, il augmente aussi ses terreurs; et plus sont
nombreux ceux qu'il gouverne, plus il redoute d'ennemis.
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