[1] Πλάτωνα Κυρηναῖοι παρεκάλουν νόμους τε
γραψάμενον αὐτοῖς ἀπολιπεῖν καὶ διακοσμῆσαι τὴν
πολιτείαν, ὁ δὲ παρῃτήσατο φήσας χαλεπὸν εἶναι
Κυρηναίοις νομοθετεῖν οὕτως εὐτυχοῦσιν·
οὐδὲν γὰρ οὕτω γαῦρον
καὶ τραχὺ καὶ δύσαρκτον
ὡς ἀνὴρ ἔφυ
εὐπραγίας δοκούσης ἐπιλαμβανόμενος. διὸ τοῖς
ἄρχουσι χαλεπόν ἐστι σύμβουλον περὶ ἀρχῆς
γενέσθαι· τὸν γὰρ λόγον ὥσπερ ἄρχοντα παραδέξασθαι
φοβοῦνται, μὴ τῆς ἐξουσίας αὐτῶν
τἀγαθὸν κολούσῃ τῷ καθήκοντι δουλωσάμενος.
οὐ γὰρ ἴσασι τὰ Θεοπόμπου τοῦ Σπαρτιατῶν
βασιλέως, ὃς πρῶτος ἐν Σπάρτῃ τοῖς βασιλεύουσι
καταμίξας τοὺς Ἐφόρους, εἶτ´ ὀνειδιζόμενος ὑπὸ
τῆς γυναικός, εἰ τοῖς παισὶν ἐλάττονα παραδώσει
τὴν ἀρχὴν ἧς παρέλαβε, "μείζονα μὲν οὖν," εἶπεν,
"ὅσῳ καὶ βεβαιοτέραν." τὸ γὰρ σφοδρὸν ἀνεὶς
καὶ ἄκρατον αὐτῆς ἅμα τῷ φθόνῳ διέφυγε τὸν
κίνδυνον. καίτοι Θεόπομπος μὲν εἰς ἑτέρους τὸ
τῆς ἀρχῆς ὥσπερ ῥεύματος μεγάλου παροχετευσάμενος,
ὅσον ἄλλοις ἔδωκεν, αὑτοῦ περιέκοψεν· ὁ
δ´ ἐκ φιλοσοφίας τῷ ἄρχοντι πάρεδρος καὶ φύλαξ
ἐγκατοικισθεὶς λόγος, ὥσπερ εὐεξίας τῆς δυνάμεως
τὸ ἐπισφαλὲς ἀφαιρῶν, ἀπολείπει τὸ ὑγιαῖνον.
| [1] Platon avait été invité par les habitants de Cyrène à
leur laisser des lois écrites de sa main et à régler l'administration
de leur république. Mais il s'en défendit, en disant
qu'il était difficile, dans l'état de prospérité où vivaient les
Cyrénéens,de rédiger des lois pour eux.
"Car il n'est rien d'aussi superbe en somme",
d'aussi rebelle, d'aussi difficile à contenter,
"Que l'animal qui s'appelle homme",
quand il est en possession de ce qui lui paraît être le succès.
En raison de cela, c'est chose embarrassante de donner aux
princes des conseils sur l'art de régner : car ils ont peur
d'accueillir la raison comme maîtresse de leurs actes, et ils
ne veulent point qu'en les asservissant aux lois du devoir
elle porte atteinte au privilège de leur toute-puissance. Ils
ne pensent pas comme Théopompe le roi des Spartiates, qui
le premier dans Sparte associa les Éphores à l'exercice du
pouvoir royal. De quoi sa femme étant venue à lui faire reproche,
sous prétexte qu'il laisserait à ses enfants un pouvoir
moindre que celui qu'il avait reçu : «Ce pouvoir en sera
plus grand, répondit-il, parce qu'il sera plus assuré. » C'est
que, en effet, ôtant à sa puissance ce qu'elle avait d'excessif
et d'absolu, Théopompe la mettait à l'abri de la haine, et
par cela même de tout danger. Il est bien vrai qu'en faisant
dériver à des collègues une partie de son autorité, comme
s'il se fût agi du courant d'un grand fleuve, il retranchait de
ses prérogatives tout ce qu'il abandonnait à d'autres. Mais
quand la raison éclairée par la philosophie fait élection de
domicile chez un prince, qu'elle s'assied à ses côtés, qu'elle
veille sur ses actes, le débarrassant de l'excès du pouvoir,
comme s'il s'agissait d'un embonpoint exagéré, dès ce moment
elle ne lui en laisse que la partie saine.
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