[739] ΠΕΡΙ ΤΟΥ ΕΑΥΤΟΝ ΕΠΑΙΝΕΙΝ ΑΝΕΠΙΦΘΟΝΩΣ.
(739a) Τὸ περὶ ἑαυτοῦ λέγειν ὥς τι ὄντος ἢ δυναμένου πρὸς ἑτέρους, ὦ
Ἥρκλανε, λόγῳ μὲν ἐπαχθὲς ἀποφαίνουσι (739b) πάντες καὶ ἀνελεύθερον, ἔργῳ
δ´ οὐ πολλοὶ τὴν ἀηδίαν αὐτοῦ διαπεφεύγασιν οὐδὲ τῶν ψεγόντων. Ὁ γοῦν
Εὐριπίδης εἰπών
« Εἰ δ´ ἦσαν ἀνθρώποισιν ὠνητοὶ λόγοι,
οὐδεὶς ἂν αὑτὸν εὖ λέγειν ἐβούλετο·
νῦν δ´, ἐκ βαθείας γὰρ πάρεστιν αἰθέρος
λαβεῖν ἀμισθί, πᾶς τις ἥδεται λέγων
τά τ´ ὄντα καὶ μή· ζημίαν γὰρ οὐκ ἔχει »
φορτικωτάτῃ κέχρηται μεγαλαυχίᾳ (καὶ) τῷ συγκαταπλέκειν τοῖς
τραγῳδουμένοις πάθεσι καὶ πράγμασι μηδὲν προσήκοντα τὸν περὶ αὑτοῦ λόγον.
(739c) Ὁμοίως ὁ Πίνδαρος φήσας
« Καὶ τὸ καυχᾶσθαι παρὰ καιρὸν μανίαις ὑποκρέκειν »
οὐ παύεται μεγαληγορῶν περὶ τῆς ἑαυτοῦ δυνάμεως ἀξίας μὲν ἐγκωμίων οὔσης·
τίς γὰρ οὔ φησιν; ἀλλὰ καὶ τοὺς στεφανουμένους ἐν τοῖς ἀγῶσιν ἕτεροι
νικῶντας ἀναγορεύουσι, τὴν ἀηδίαν τῆς περιαυτολογίας ἀφαιροῦντες. ᾟ καὶ
τὸν Τιμόθεον ἐπὶ τῇ κατὰ Φρύνιδος νίκῃ γράφοντα
« Μακάριος ἦσθα, Τιμόθεος, εὖτε κᾶρυξ εἶπε·
« Νικᾷ Τιμόθεος Μιλήσιος τὸν Κάμωνος τὸν ἰωνοκάμπταν »
εἰκότως δυσχεραίνομεν ὡς ἀμούσως καὶ παρανόμως ἀνακηρύττοντα τὴν ἑαυτοῦ
νίκην. (739d) Αὐτῷ μὲν γὰρ ὁ παρ´ ἄλλων ἔπαινος ἥδιστον ἀκουσμάτων ἐστίν,
ὥσπερ ὁ Ξενοφῶν εἴρηκεν, ἑτέροις δ´ ὁ περὶ αὑτοῦ λυπηρότατον. Πρῶτον μὲν
γὰρ ἀναισχύντους ἡγούμεθα τοὺς ἑαυτοὺς ἐπαινοῦντας, αἰδεῖσθαι προσῆκον
αὐτοῖς κἂν ὑπ´ ἄλλων ἐπαινῶνται· δεύτερον δ´ ἀδίκους, ἃ λαμβάνειν ἔδει
παρ´ ἑτέρων, 〈αὐτοὺς〉 αὑτοῖς διδόντας· τρίτον ἢ σιωπῶντες ἄχθεσθαι καὶ
φθονεῖν δοκοῦμεν, ἢ τοῦτο δεδοικότες ἀναγκαζόμεθα συνεφάπτεσθαι παρὰ
γνώμην τῶν ἐπαίνων καὶ συνεπιμαρτυρεῖν, πρᾶγμα κολακείᾳ μᾶλλον ἀνελευθέρῳ
προσῆκον ἢ τιμῇ τὸ ἐπαινεῖν παρόντας ὑπομένοντες.
(739e) Οὐ μὴν ἀλλὰ καίπερ οὕτω τούτων ἐχόντων ἔστιν ᾗ παρακινδυνεύσειεν ἂν
ὁ πολιτικὸς ἀνὴρ ἅψασθαι τῆς καλουμένης περιαυτολογίας πρὸς οὐδεμίαν αὑτοῦ
δόξαν ἢ χάριν, ἀλλὰ καιροῦ καὶ πράξεως ἀπαιτούσης ὡς περὶ ἄλλου τι
λεχθῆναι καὶ περὶ αὑτοῦ τῶν ἀληθῶν· μάλιστα δ´ ὅταν ᾖ, τὰ πεπραγμένα καὶ
προσόντα χρηστὰ (τὸ) μὴ φεισάμενον εἰπεῖν (ἢ) διαπράξασθαί τι τῶν ὁμοίων.
Καλὸν γὰρ ὁ τοιοῦτος ἔπαινος ἐκφέρει καρπόν, ὥσπερ ἀπὸ σπέρματος πλειόνων
ἑτέρων ἀπ´ αὐτοῦ καὶ κρειττόνων φυομένων ἐπαίνων. Καὶ γὰρ τὴν δόξαν ὁ
πολιτικὸς ἀνὴρ οὐχ ὥς τινα μισθὸν ἢ παραμυθίαν τῆς ἀρετῆς ἀπαιτεῖ (739f)
καὶ ἀγαπᾷ ταῖς πράξεσι παροῦσαν, ἀλλ´ ὅτι τὸ πιστεύεσθαι καὶ δοκεῖν
χρηστὸν εἶναι πλειόνων καὶ καλλιόνων πράξεων ἀφορμὰς δίδωσι. Πειθομένους
γὰρ ἅμα καὶ φιλοῦντας ἡδὺ καὶ ῥᾴδιον ὠφελεῖν, πρὸς δ´ ὑποψίαν καὶ διαβολὴν
οὐκ ἔστι χρήσασθαι τῇ ἀρετῇ, φεύγοντας εὖ παθεῖν προσβιαζόμενον.
| [739] COMMENT ON PEUT SE LOUER SOI-MÊME SANS S'EXPOSER A L'ENVIE.
(739a) Il n'est personne qui ne convienne, mon cher Herculanus, que rien
n'est plus insupportable et plus odieux que de parler avantageusement de
soi-même et de vanter ses (739b) qualités et ses talents ; mais il en est
peu qui ne tombent dans ce défaut, et même parmi ceux qui le blâment.
Quand Euripide dit :
"Si le droit de parler était le prix de l'or,
Qui voudrait l'acheter pour se louer lui-même?
Mais les mots dans les airs prennent tous leur essor";
Chacun prend ce qu'il veut, et suivant ce qu'il aime,
lI peut s'approprier avec impunité
Le mensonge odieux comme la vérité,
il montre la vanité la plus insupportable en parlant de lui-même, sans
aucun rapport à son sujet, et dans le récit des événements les plus
tragiques. Pindare, (739c) qui dit quelque part,
"Que se louer mal à propos
Ne convient jamais qu'à des sots",
ne cesse de vanter son talent. Il méritait sans doute les plus grandes
louanges, et tout le monde en convient ; mais ceux qui remportent le prix
dans les jeux sont proclamés par la voix d'autrui, afin d'éviter ce qu'il
y aurait d'odieux à proclamer soi-même sa victoire. Aussi blâme-t-on avec
raison la sotte et ridicule vanité de Timothée lorsqu'il annonce avec
emphase son triomphe sur Phrynis :
« Que tu fus heureux, Timothée, quand le héraut proclama à haute voix :
Timothée de Milet a vaincu le fils de Carbon, dont les accents avaient
tant de pouvoir ! »
Rien, dit Xénophon, n'est plus agréable que de s'entendre louer par les
autres ; (739d) mais rien aussi n'est plus déplaisant que d'entendre
quelqu'un se louer lui-même. Premièrement, nous regardons comme des
impudents ceux qui le font, attendu qu'ils devraient rougir si d'autres
les louaient en leur présence. En second lieu, nous les trouvons injustes
en ce qu'ils se donnent à eux-mêmes ce qu'ils devraient recevoir d'autrui.
Enfin, lorsqu'ils se louent, si nous gardons le silence, nous avons l'air
du chagrin et de l'envie ; ou, pour éviter ce reproche, nous sommes
obligés de confirmer des éloges que notre cœur désavoue, et de les louer
en face ; démarche qui tient d'une basse flatterie, plutôt que d'une
véritable estime.
(739e) Il faut avouer cependant qu'il est des occasions où un homme en
place peut risquer de parler avantageusement de lui-même, non par un motif
d'ambition ou de vanité, mais parce que les circonstances exigent qu'il
parle de lui avec vérité comme il aurait fait de tout autre ; et c'est
surtout quand sa conduite actuelle est honnête qu'il ne doit pas craindre
de dire qu'il s'est comporté de même autrefois. Un pareil témoignage ne
peut que produire de bons fruits ; et il en naît, comme d'une semence
féconde, bien d'autres louanges plus honorables encore. L'homme d'État ne
recherche pas la gloire comme un salaire ou comme un dédommagement de sa
vertu, (739f) mais comme un moyen que sa réputation de probité lui donne
de faire de plus belles actions. Il a la facilité et l'agrément de rendre
service à ses amis et à tous ceux qui ont confiance en lui ; mais il voit
sa vertu enchaînée et ses bienfaits inutiles pour ceux qui suspectent sa
probité et qui le calomnient.
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