Texte grec :
[15] Ὑπολαβὼν δ´ ὁ Θεάνωρ ‘ἆρ´ οὖν’ ἔφη ‘τὸ πενίαν
δυσχεραίνειν ἀγεννές ἐστι τὸ δὲ πλοῦτον δεδιέναι καὶ φεύγειν
οὐκ ἄτοπον;’ ‘ἄτοπον’, εἶπεν ὁ Ἐπαμεινώνδας , ‘εἰ μὴ
λόγῳ τις αὐτὸν ἀλλὰ σχηματιζόμενος ἢ δι´ ἀπειροκαλίαν
ἢ τῦφόν τινα διωθεῖται.’ ‘καὶ τίς ἄν’ ἔφη ‘λόγος ἀπείργοι
τὴν ἐκ καλῶν καὶ δικαίων κτῆσιν, ὦ Ἐπαμεινώνδα; μᾶλλον
δὲ (πραότερον γὰρ ἡμῖν ἢ τῷ Θετταλῷ πρὸς τὰς ἀποκρίσεις
ἐνδίδου σαυτὸν ὑπὲρ τούτων) εἰπέ μοι, πότερον
ἡγῇ δόσιν μὲν εἶναί τινα χρημάτων ὀρθὴν λῆψιν δὲ μηδεμίαν
ἢ καὶ τοὺς διδόντας ἁμαρτάνειν πάντως καὶ τοὺς
λαμβάνοντας;’ ‘οὐδαμῶς’ εἶπεν ὁ Ἐπαμεινώνδας, ‘ἀλλ´
ὥσπερ ἄλλου τινὸς ἐγὼ καὶ πλούτου χάριν τε καὶ κτῆσιν
εἶναι νομίζω τὴν μὲν αἰσχρὰν τὴν δ´ ἀστείαν.’ ‘ἆρ´ οὖν’
ἔφη ὁ Θεάνωρ ‘ὁ μέν ὀφείλων διδοὺς ἑκουσίως καὶ προθύμως
οὐ καλῶς δίδωσιν;’ ὡμολόγησεν. ‘ὁ δ´ ἅ τις
καλῶς δίδωσι δεξάμενος οὐ καλῶς εἴληφεν; ἢ γένοιτ´ ἂν
δικαιοτέρα χρημάτων λῆψις τῆς παρὰ τοῦ δικαίως διδόντος;’
‘οὐκ ἄν’ ἔφη ‘γένοιτο.’ ‘δυεῖν ἄρα φίλων,’ εἶπεν ‘ὦ
Ἐπαμεινώνδα, εἰ θατέρῳ δοτέον, θατέρῳ δήπου ληπτέον·
ἐν μὲν γὰρ ταῖς μάχαις τὸν εὖ βάλλοντα τῶν πολεμίων
ἐκκλιτέον, ἐν δὲ ταῖς χάρισι τὸν καλῶς διδόντα τῶν φίλων
οὔτε φεύγειν οὔτ´ ἀπωθεῖσθαι δίκαιον· εἰ γὰρ ἡ πενία μὴ
δυσχερές, οὐδ´ αὖ πάλιν ὁ πλοῦτος οὕτως ἄτιμος καὶ ἀπόβλητος.’
‘οὐ γὰρ οὖν’ εἶπεν ὁ Ἐπαμεινώνδας, ‘ἀλλ´ ἔστιν
ὅτῳ μὴ λαβόντι τὸ καλῶς διδόμενον τιμιώτερον ὑπάρχει
καὶ κάλλιον· οὑτωσὶ δ´ ἐπίσκεψαι μεθ´ ἡμῶν. εἰσὶ δήπουθεν
ἐπιθυμίαι πολλαὶ καὶ πολλῶν, ἔνιαι μὲν ἔμφυτοι λεγόμεναι
καὶ περὶ τὸ σῶμα βλαστάνουσαι πρὸς τὰς
ἀναγκαίας ἡδονάς, αἱ δ´ ἐπήλυδες, αἳ ἕνεκα κενῶν δοξῶν,
ἰσχὺν δὲ καὶ βίαν ὑπὸ χρόνου καὶ συνηθείας ἐν τροφῇ
μοχθηρᾷ λαβοῦσαι πολλάκις ἕλκουσι καὶ ταπεινοῦσι τὴν
ψυχὴν ἐρρωμενέστερον τῶν ἀναγκαίων. ἔθει δὲ καὶ μελέτῃ
πολὺ μέν τις ἤδη καὶ τῶν ἐμφύτων ἀπαρύσαι παθῶν τῷ
λόγῳ παρέσχε· τὸ δὲ πᾶν τῆς ἀσκήσεως κράτος, ὦ φίλε,
ταῖς ἐπεισοδίοις καὶ περιτταῖς προσάγοντας ἐπιθυμίαις
ἐκπονεῖν χρὴ καὶ ἀποκόπτειν αὐτὰς ἀνείρξεσι καὶ κατοχαῖς
ὑπὸ τοῦ λόγου κολαζομένας. εἰ γὰρ δίψαν ἐκβιάζεται καὶ
πεῖναν ἡ πρὸς τροφὴν καὶ ποτὸν ἀντίβασις τοῦ λογισμοῦ,
μακρῷ δήπου ῥᾷόν ἐστι φιλοπλουτίαν κολοῦσαι καὶ φιλοδοξίαν
ἀποχαῖς ὧν ἐφίενται καὶ ἀνείρξεσιν εἰς τέλος καταλυθείσας·
ἢ οὐ δοκεῖ σοι;’ ὡμολόγησεν ὁ ξένος. ‘ἆρ´ οὖν’
ἔφη ‘διαφορὰν ὁρᾷς ἀσκήσεως καὶ τοῦ πρὸς ὃ ἡ ἄσκησις
ἔργου, καὶ καθάπερ ἀθλητικῆς ἔργον μὲν ἂν εἴποις τὴν
ὑπὲρ τοῦ στεφάνου πρὸς τὸν ἀντίπαλον ἅμιλλαν, ἄσκησιν
δὲ τὴν ἐπὶ τοῦτο διὰ τῶν γυμνασίων παρασκευὴν τοῦ
σώματος, οὕτω καὶ ἀρετῆς ὁμολογεῖς τὸ μὲν ἔργον εἶναι
τὸ δ´ ἄσκησιν;’ ὁμολογήσαντος δὲ τοῦ ξένου ‘φέρε τοίνυν
πρῶτον ἐπὶ τῆς ἐγκρατείας τὸ τῶν αἰσχρῶν καὶ παρανόμων
ἡδονῶν ἀπέχεσθαι πότερον ἄσκησιν | ἢ μᾶλλον ἔργον καὶ
(585) ἀπόδειξιν ἀσκήσεως εἶναι νομίζεις;’ ‘ἔργον’ εἶπεν ‘ἐγὼ
καὶ ἀπόδειξιν.’ ‘ἄσκησιν δὲ καὶ μελέτην (μετὰ) ἐγκρατείας
οὐχ ᾗπερ ἔτι νῦν ἐφείλκυσθε πάντες ὑμεῖς, ὅταν
γυμνασάμενοι καὶ κινήσαντες ὥσπερ ζῷα τὰς ὀρέξεις ἐπιστῆτε
λαμπραῖς τραπέζαις καὶ ποικίλοις ἐδέσμασι πολὺν
χρόνον, εἶτα ταῦτα τοῖς οἰκέταις ὑμῶν εὐωχεῖσθαι παραδόντες
αὐτοὶ τὰ λιτὰ καὶ ἁπλᾶ προσφέρησθε κεκολασμέναις
ἤδη ταῖς ἐπιθυμίαις; ἡ γὰρ ἐν οἷς ἔξεστιν ἀποχὴ
τῶν ἡδονῶν ἄσκησίς ἐστι τῇ ψυχῇ πρὸς ἃ κεκώλυται.’
‘πάνυ μὲν οὖν’ εἶπεν. ‘ἔστιν οὖν τις, ὦ φίλε, καὶ δικαιοσύνῃ
πρὸς φιλοπλουτίαν καὶ φιλαργυρίαν ἄσκησις, οὐ τὸ μὴ κλέπτειν
ἐπιόντα νύκτωρ τὰ τῶν πέλας μηδὲ λωποδυτεῖν, οὐδ´
εἰ μὴ προδίδωσί τις πατρίδα καὶ φίλους δι´ ἀργύριον, οὗτος
ἀσκεῖ πρὸς φιλαργυρίαν (καὶ γὰρ ὁ νόμος ἴσως ἐνταῦθα
καὶ ὁ φόβος ἀπείργει τὴν πλεονεξίαν τοῦ ἀδικεῖν), ἀλλ´
ὁ τῶν δικαίων καὶ συγκεχωρημένων ὑπὸ τοῦ νόμου κερδῶν
πολλάκις ἀφιστὰς ἑαυτὸν ἑκουσίως ἀσκεῖ καὶ προσεθίζεται
μακρὰν εἶναι παντὸς ἀδίκου καὶ παρανόμου λήμματος.
οὔτε γὰρ ἐν ἡδοναῖς μεγάλαις μὲν ἀτόποις δὲ καὶ
βλαβεραῖς οἷόν τε τὴν διάνοιαν ἠρεμεῖν μὴ πολλάκις ἐν
ἐξουσίᾳ τοῦ ἀπολαύειν καταφρονήσασαν, οὔτε λήμματα
μοχθηρὰ καὶ πλεονεξίας μεγάλας εἰς ἐφικτὸν ἡκούσας
ὑπερβῆναι ῥᾴδιον ᾧτινι μὴ πόρρωθεν δέδεται καὶ κεκόλασται
τὸ φιλοκερδές, ἀλλ´ ἐν οἷς ἔξεστιν ἀνέδην
εἰς τὸ κερδαίνειν ἀνατεθραμμένον ὅταν σπαργᾷ
περὶ τάς ἀδικους μάλα μόλις καὶ χαλεπῶς τοῦ πλεονεκτεῖν
ἀπεχόμενον. ἀνδρὶ δὲ μὴ φίλων προϊεμένῳ χάρισι μὴ
βασιλέων δωρεαῖς αὑτόν, ἀλλὰ καὶ τύχης κλῆρον ἀπειπαμένῳ
καὶ θησαυροῦ φανέντος ἐπιπηδῶσαν ἀποστήσαντι
τὴν φιλοπλουτίαν οὐκ ἐπανίσταται πρὸς τὰς ἀδικίας οὐδὲ
θορυβεῖ τὴν διάνοιαν, ἀλλ´ εὐκόλως χρῆται πρὸς τὸ καλὸν
αὑτῷ μέγα φρονῶν καὶ τὰ κάλλιστα τῇ ψυχῇ συνειδώς.
τούτων ἐγὼ καὶ Καφισίας ἐρασταὶ τῶν ἀνθρώπων ὄντες,
ὦ φίλε Σιμμία, παραιτούμεθα τὸν ξένον ἐᾶν ἡμᾶς ἱκανῶς
ἐγγυμνάσασθαι τῇ πενίᾳ πρὸς τὴν ἀρετὴν ἐκείνην.’
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Traduction française :
[15] Théanor intervint : «Mais s'il est bas de
prendre en grippe la pauvreté, n'est-il pas anormal
de craindre et fuir la richesse ?» «C'est anormal,
dit Epaminondas, si ce n'est pas par principe
qu'on la repousse, mais par affectation, par rusticité
ou par orgueil.» «Et en vertu de quel principe,
reprit Théanor, refuserait-on de s'enrichir
par des moyens honnêtes et justes? Ou plutôt, si
tu veux bien te prêter à nous répondre là-dessus
plus doucement que tu ne répondais au Thessalien,
dis-moi, estimes-tu que donner de l'argent
puisse être agissement honnête, mais non point
d'en recevoir, ou bien que de toute manière ceux
qui en donnent ont tort autant que ceux qui en
reçoivent ? «Nullement, dit Epaminondas ;
mais comme en toute autre matière, je pense qu'il
y a une façon vilaine et une façon distinguée de
communiquer ou d'acquérir la richesse.» «N'est-il
pas vrai, dit Théanor, que quiconque donne
de bon coeur avec empressement ce qu'il doit le
donne comme il faut ?» Epaminondas en convint.
«Et celui qui reçoit ce que l'autre donne comme
il faut ne le reçoit-il pas comme il faut ? Y aurait-il
plus juste manière d'accepter de l'argent que s'il
vous est offert justement ?» «Certes non», répondit-il.
«Ainsi donc, Epaminondas, si de deux
amis l'un a le devoir de donner, l'autre a, je suppose,
celui de recevoir; car si, dans les batailles,
il faut éviter celui des ennemis qui frappe bien,
en matière de bons procédés il n'est juste ni de
fuir ni de repousser un ami qui donne avec justice.
Si la pauvreté n'est pas à charge, la richesse non
plus, dans ces conditions, n'est pas méprisable ni
a rejeter.» «Non certes, dit Epaminondas ; mais
il est des gens qui, à ne pas l'accepter, trouvent
le don fait comme il le faut plus précieux et plus
beau ; et c'est ainsi que tu dois en juger dans notre
cas. Il est, nous le savons, des désirs nombreux et
qui portent sur bien des objets; quelques-uns, dits
innés, germent dans le domaine du corps en le
portant aux plaisirs nécessaires ; il en est d'autres,
adventices, qui, en vertu d'opinions vaines, fortifiées
et accrues par le temps et l'accoutumance au
cours d'une éducation vicieuse, souvent contraignent
et dominent l'âme avec plus de vigueur que
les désirs naturels. Par l'habitude et l'exercice, on
charge la raison d'extirper beaucoup d'appétits
même naturels ; mais il faut, ami, s'entraîner tant
qu'on peut à exténuer, extirper les désirs adventices
et superflus, par les restrictions et les contraintes
que la raison leur inflige. Car si en résistant
au manger et au boire, la raison vient à bout
de la soif et de la faim, il est encore plus facile,
je pense, d'éteindre l'amour de la richesse et celui
de la gloire en les étouffant totalement, par l'abstention,
par des restrictions ; n'est-ce pas ton
avis ?» L'étranger en convint. «Ne vois-tu pas,
reprit Epaminondas, une distinction entre l'entraînement
et la tâche que l'entraînement se propose ?
De même que tu nommerais oeuvre de l'athlétisme
la lutte contre l'adversaire pour la couronne, et
entraînement la préparation du corps à cette lutte
par les exercices, de même aussi tu conviens que
par rapport à la vertu, il y a d'une part l'oeuvre,
d'autre part l'entraînement.» L'étranger en convint
encore. «Eh bien ! à propos de la continence
tout d'abord, estimes-tu que l'abstinence des plaisirs
déshonorants et illicites soit entraînement, ou
plutôt oeuvre et preuve de l'entraînement ?»
«OEuvre et preuve.» «Mais l'entraînement à la
continence et l'exercice préparatoire, n'est-ce pas
ce par quoi vous avez tous été attirés, maintenant
encore, lorsque, ayant excité et aiguillonné vos
appétits comme des animaux, vous les mettiez en
face de tables splendides et de mets variés, un
long temps; puis, laissant vos serviteurs se régaler
de ces mets, vous serviez vous-mêmes à vos désirs,
déjà châtiés, les nourritures frugales et simples.
Car l'abstinence des plaisirs en matière licite entraîne
l'âme à l'encontre de ceux qui sont illicites.»
«Très juste», dit Théanor. «Eh bien !
ami, la justice aussi doit s'entraîner contre l'amour
de la richesse et de l'argent; il ne s'agit pas de ne
pas cambrioler le voisin la nuit, ni de ne pas le
détrousser ; ce n'est pas non plus celui qui ne trahit
pas patrie et amis pour de l'argent qui s'entraîne
contre le lucre (dans ce cas, ce peuvent être
la loi et la crainte qui retiennent la cupidité éloignée
de l'injustice), mais celui qui s'écarte souvent
volontairement des gains justes et autorisés par
la loi s'entraîne et s'habitue à rester à l'écart de
tout profit injuste et illégal. N'espérons pas que
notre pensée résiste à la sollicitation de plaisirs
véhéments, mais indécents et nuisibles, si elle n'a,
bien des fois, méprisé la jouissance permise, et il
n'est pas facile de négliger des profits défendus et
de grands accroissements, quand ils tombent sous
la main, si l'on n'a dès longtemps enchaîné et
mortifié l'appétit du gain ; si cet appétit a été
formé à des gains sans mesure en matière licite,
en matière illicite il s'étend et a beaucoup de peine
et de difficulté à s'abstenir de prendre plus que
son M. Mais chez un homme qui ne s'abandonne
pas aux faveurs de ses amis ni aux présents des
rois, qui a renoncé aux aubaines de la fortune et,
devant un trésor, retient l'élan de sa convoitise,
chez celui-là l'instinct qui le pousserait à l'injustice
ne se soulève pas et ne trouble pas la raison, il
se porte volontiers au bien, il y met sa fierté et il sent
vivre la plus noble partie de son âme. Voilà les gens
que nous aimons, cher Simmias, et nous supplions
l'étranger, Caphisias et moi, de nous laisser exercer
dûment à la pauvreté pour atteindre cet idéal.»
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