[6] Ἀλλ´ ἐπεί σε μὴ λέληθα σοφιστὴς ὤν, φέρε χρήσωμαι
τάξει τινὶ τοῦ λόγου, τῆς μὲν σωφροσύνης ὅρον θέμενος
κατὰ γένος δὲ τὰς ἐπιθυμίας διελόμενος. ἡ μὲν οὖν σωφροσύνη
βραχύτης τίς ἐστιν ἐπιθυμιῶν καὶ τάξις, ἀναιροῦσα
μὲν τὰς ἐπεισάκτους καὶ περιττὰς καιρῷ δὲ καὶ
μετριότητι κοσμοῦσα τὰς ἀναγκαίας. ταῖς δ´ ἐπιθυμίαις
ἐνορᾷς που μυρίαν διαφοράν· αἱ μὲν γὰρ περὶ τὴν βρῶσιν
καὶ τὴν πόσιν ἅμα τῷ φυσικῷ καὶ τὸ ἀναγκαῖον ἔχουσιν·
αἱ δὲ τῶν ἀφροδισίων αἷς ἀρχὰς ἡ φύσις ἐνδίδωσιν, ἔστι
δέ που καὶ μὴ χρώμενον ἔχειν ἱκανῶς ἀπαλλαγέντα, φυσικαὶ
μὲν οὐκ ἀναγκαῖαι δ´ ἐκλήθησαν. τὸ δὲ τῶν μήτ´
ἀναγκαίων μήτε φυσικῶν ἀλλ´ ἔξωθεν ὑπὸ δόξης κενῆς
δι´ ἀπειροκαλίαν ἐπικεχυμένων γένος ὑμῶν μὲν ὀλίγου
δεῖν τὰς φυσικὰς ἀπέκρυψεν ὑπὸ πλήθους ἁπάσας, ἔχει
δὲ καθάπερ ξένων ὄχλος ἔπηλυς ἐν δήμῳ καταβιαζόμενος
πρὸς τοὺς ἐγγενεῖς πολίτας. τὰ δὲ θηρία παντάπασιν ἀβάτους
καὶ ἀνεπιμίκτους ἔχοντα τοῖς ἐπεισάκτοις πάθεσι
τὰς ψυχὰς καὶ τοῖς βίοις πόρρω τῆς κενῆς δόξης ὥσπερ
θαλάσσης ἀπῳκισμένα τοῦ γλαφυρῶς καὶ περιττῶς διάγειν
ἀπολείπεται· τὸ δὲ σωφρονεῖν καὶ μᾶλλον εὐνομεῖσθαι
ταῖς ἐπιθυμίαις, οὔτε πολλαῖς συνοικούσαις οὔτ´ ἀλλοτρίαις,
σφόδρα διαφυλάττεται. ἐμὲ γοῦν καὶ αὐτὸν οὐχ
ἧττον ἢ σὲ νῦν ἐξέπληττε μὲν χρυσὸς ὡς κτῆμα τῶν ἄλλων
οὐδενὶ παραβλητὸν ᾕρει δ´ ἄργυρος καὶ ἐλέφας· ὁ δὲ πλεῖστα
τούτων κεκτημένος ἐδόκει μακάριός τις εἶναι καὶ θεοφιλὴς
ἀνήρ, εἴτε Φρὺξ ἦν εἴτε Κὰρ τοῦ Δόλωνος ἀγεννέστερος
καὶ τοῦ Πριάμου βαρυποτμότερος· ἐνταῦθα δ´
ἀνηρτημένος ἀεὶ ταῖς ἐπιθυμίαις οὔτε χάριν οὔθ´ ἡδονὴν
ἀπὸ τῶν ἄλλων πραγμάτων ἀφθόνων ὄντων καὶ ἱκανῶν
ἐκαρπούμην, ἀλλ´ ἐμεμφόμην τὸν ἐμαυτοῦ βίον, ὡς
τῶν μεγίστων ἐνδεὴς καὶ ἄμοιρος ἀγαθῶν ἀπολελειμμένος.
τοιγαροῦν, ὥς σε μέμνημαι ἐν Κρήτῃ θεασάμενος
ἀμπεχόνῃ κεκοσμημένον πανηγυρικῶς, οὐ τὴν φρόνησιν
ἐζήλουν οὐδὲ τὴν ἀρετήν, ἀλλὰ τοῦ χιτῶνος εἰργασμένου
περιττῶς τὴν λεπτότητα καὶ τῆς χλαμύδος οὔσης ἁλουργοῦ
τὴν οὐλότητα καὶ τὸ κάλλος ἀγαπῶν καὶ τεθηπὼς
(εἶχε δέ τι καὶ ἡ πόρπη χρυσὸς οὖσα παίγνιον οἶμαι τορείαις
διηκριβωμένον) {καὶ} εἱπόμην γεγοητευμένος, ὥσπερ αἱ
γυναῖκες. ἀλλὰ νῦν ἀπηλλαγμένος ἐκείνων τῶν κενῶν
δοξῶν καὶ κεκαθαρμένος χρυσὸν μὲν καὶ ἄργυρον ὥσπερ
τοὺς ἄλλους λίθους περιορῶν ὑπερβαίνω, ταῖς δὲ σαῖς
χλανίσι καὶ τάπησιν οὐδὲν ἂν μὰ Δί´ ἥδιον ἢ βαθεῖ καὶ
μαλθακῷ πηλῷ μεστὸς ὢν ἐγκατακλιθείην ἀναπαυόμενος.
τὰ δὲ τοιαῦτα τῶν ἐπεισάκτων ἐπιθυμιῶν οὐδεμία ταῖς
ἡμετέραις ἐνοικίζεται ψυχαῖς· ἀλλὰ τὰ μὲν πλεῖστα ταῖς
ἀναγκαίαις ὁ βίος ἡμῶν ἐπιθυμίαις καὶ ἡδοναῖς διοικεῖται,
ταῖς δ´ οὐκ ἀναγκαίαις ἀλλὰ φυσικαῖς μόνον οὔτ´
ἀτάκτως οὔτ´ ἀπλήστως ὁμιλοῦμεν.
| [6] Mais puisque mon talent de rhéteur ne t'a pas
échappé, permets que je fasse usage des divisions oratoires,
et qu'après avoir donné la définition de la tempérance, je
passe en revue les différentes espèces de désirs. La tempérance
consiste à borner ses désirs, à les régler, en supprimant
ceux qui sont étrangers et superflus pour ne garder
que les nécessaires et y mettre de l'opportunité et de la
modération. Or, dans les désirs même tu remarques sans
doute des différences innombrables. Ainsi, par exemple, le
désir du manger, celui du boire, outre qu'ils offrent une
jouissance naturelle, sont encore des besoins. Au contraire,
les désirs amoureux, bien qu'ils aient leur principe dans
la nature, sont tels que l'on peut fort bien vivre en se
les interdisant; aussi les appelle-t-on naturels, mais non
pas nécessaires. Il en est d'autres qui ne sont ni nécessaires,
ni naturels, et que vous imposent du dehors des
opinions fausses, résultat d'un jugement erroné. Ces désirs
de convention deviennent tellement nombreux qu'ils étouffent
presque entièrement les naturels. C'est comme une faction
étrangère qui, au sein d'une cité, veut faire la loi aux
vrais citoyens. Les animaux n'ont pas une âme qui se laisse
dominer et envahir par ces passions étrangères. Leur manière
de vivre les tient éloignés de toute fausse opinion,
comme d'une mer dangereuse, et ils ne songent pas le
moins du monde à la sensualité et au superflu. Aussi
observent-ils constamment les lois de la tempérance et la
modération dans leurs désirs, aussi restreints que naturels.
Moi qui te parle, j'étais jadis, comme tu l'es aujourd'hui,
dominé par la soif de l'or. Il n'y avait pas de possession
qui me semblât digne d'être mise en parallèle avec l'or.
L'argent et l'ivoire m'exaltaient aussi. Celui qui accumulait
ces objets en plus grande quantité était à mes yeux un
être privilégié et chéri du ciel, eût-il été Phrygien ou Carien,
eût-il été plus lâche que Delon, plus éprouvé par l'infortune
que Priam. Dans cet état, mes désirs me tenaient
toujours en haleine. Je ne recueillais aucun charme, aucune
joie de mes autres biens, quoiqu'ils fussent nombreux et
suffisants. Je maudissais mon existence. Je me regardais
comme privé et déshérité des avantages les plus grands,
comme abandonné des dieux. Je me rappelle, à ce propos,
qu'un jour en Crète je te vis revêtu, pour je ne sais quelle
solennité, d'un superbe manteau. Ce n'était ni ta prudence
que j'enviais, ni ta valeur, mais bien cette étoffe si
merveilleusement travaillée et d'un tissu si délicat, ce manteau
du pourpre si moelleux et si éclatant. Voilà ce qui excitait
ma convoitise, ce qui me mettait hors de moi. Il y avait
aussi certaine agrafe en or, espèce de joujou ciselé avec
une perfection merveilleuse. Je m'attachais à tes pas; j'étais
sous le charme, comme le sont les femmes. Maintenant
je suis débarrassé, je suis purgé de ces fausses admirations.
L'or et l'argent sont pour moi comme les autres pierres.
Je passe à côté sans y prendre garde. Tes tuniques et tes
tapis ne me seraient pas, je te le jure, plus agréables pour
dormir, quand j'ai la panse pleine, qu'un bourbier bien
profond et bien moelleux. C'est ainsi qu'aucune de toutes
ces convoitises factices n'élit domicile au sein de nos âmes.
Mais les désirs et les voluptés nécessaires abondent dans
notre existence. Ce ne sont même plus des nécessités : ce
sont des jouissances naturelles, que nous goûtons sans
avidité et sans désordre.
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