[5] Λυσίας τινὶ δίκην ἔχοντι λόγον συγγράψας ἔδωκεν·
ὁ δὲ πολλάκις ἀναγνοὺς ἧκε πρὸς τὸν Λυσίαν ἀθυμῶν καὶ
λέγων τὸ μὲν πρῶτον αὐτῷ διεξιόντι θαυμαστὸν φανῆναι
τὸν λόγον, αὖθις δὲ καὶ τρίτον ἀναλαμβάνοντι παντελῶς
ἀμβλὺν καὶ ἄπρακτον· ὁ δὲ Λυσίας γελάσας ‘τί οὖν;’
εἶπεν ‘οὐχ ἅπαξ μέλλεις λέγειν αὐτὸν ἐπὶ τῶν δικαστῶν;’
καὶ σκόπει τὴν Λυσίου πειθὼ καὶ χάριν· ‘κεῖνον’ γὰρ
‘ἐγὼ’ ‘φαμὶ ἰοπλοκάμων Μοισᾶν εὖ λαχεῖν’.
τῶν δὲ περὶ τοῦ ποιητοῦ λεγομένων ἀληθέστατόν ἐστιν,
ὅτι μόνος Ὅμηρος τῆς τῶν ἀνθρώπων ἁψικορίας περιγέγονεν,
ἀεὶ καινὸς ὢν καὶ πρὸς χάριν ἀκμάζων· ἀλλ´ ὅμως
εἰπὼν καὶ ἀναφωνήσας ἐκεῖνο περὶ αὑτοῦ τὸ
‘ἐχθρὸν δέ μοί ἐστιν
αὖθις ἀριζήλως εἰρημένα μυθολογεύειν’
φεύγει καὶ φοβεῖται τὸν ἐφεδρεύοντα παντὶ λόγῳ κόρον,
εἰς ἄλλα ἐξ ἄλλων διηγήματα τὴν ἀκοὴν ἄγων καὶ τῇ
καινότητι τὴν πλησμονὴν αὐτῆς παραμυθούμενος. οἱ δ´
ἀποκναίουσι δήπου τὰ ὦτα ταῖς ταυτολογίαις ὥσπερ
παλίψηστα διαμολύνοντες.
| [5] Lysias ayant écrit un plaidoyer pour un homme qui
avait un procès, lui remit ce travail. Après l'avoir lu plusieurs
fois, l'autre revint chez Lysias et se montra complétement
découragé. Il lui dit qu'à la première lecture il
avait trouvé le plaidoyer admirable, mais que quand il
l'avait eu lu une seconde et une troisième fois, la pièce lui
avait semblé privée de toute force et de tout effet. Lysias se
mit à rire : "Eh quoi! lui dit-il, est-ce que c'est plus d'une:
fois que tu comptes le réciter devant les juges?" Or songez
à la persuasion et à la grâce qui caractérisaient Lysias; car
il est du nombre de ceux de qui je dirai aussi,
"Que des Muses il eut les faveurs en partage".
De toutes les louanges prodiguées à Homère nulle n'est
plus vraie que celle-ci : c'est qu'il est le seul poéte qui ne
fasse jamais naître le dégoût. Il est toujours nouveau, toujours
gracieux, toujours frais. Cela ne l'empêche pas de
dire et de déclarer en parlant de lui-même :
"Il n'est rien, selon moi, qui soit plus odieux
Que de se répéter d'un air prétentieux".
On voit qu'il fuit et redoute la satiété, écueil ordinaire de
tous les écrivains. Il conduit son lecteur de récits en récits
pour prévenir le dégoût par des objets nouveaux. Les bavards
au contraire nous fatiguent les oreilles. Nous sommes
pour eux des tablettes sur lesquelles ils écrivent et effacent
toujours les mêmes phrases.
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