[4] Ἔτι τοίνυν τὸ μεθύειν πᾶς ἄνθρωπος αἰδήμων καὶ
κόσμιος οἶμαι φυλάξαιτ´ ἄν. μανίᾳ γὰρ ὁμότοιχος μὲν ἡ
ὀργὴ κατ´ ἐνίους ἡ δὲ μέθη σύνοικος, μᾶλλον δὲ μανία τῷ
μὲν χρόνῳ ἥττων τῇ δ´ αἰτίᾳ μείζων, ὅτι τὸ αὐθαίρετον
αὐτῇ πρόσεστι. τῆς δὲ μέθης οὐθὲν οὕτω κατηγοροῦσιν
ὡς τὸ περὶ τοὺς λόγους ἀκρατὲς καὶ ἀόριστον· ‘οἶνος γάρ’
φησιν
‘ἐφέηκε πολύφρονά περ μάλ´ ἀεῖσαι,
καί θ´ ἁπαλὸν γελάσαι καί τ´ ὀρχήσασθαι ἀνῆκε.’
καὶ τί τὸ δεινότατον; ᾠδὴ καὶ γέλως καὶ ὄρχησις; οὐδὲν
ἄχρι τούτων·
‘καί τι ἔπος προέηκεν, ὅπερ τ´ ἄρρητον ἄμεινον’—
τοῦτ´ ἤδη δεινὸν καὶ ἐπικίνδυνον. καὶ μή ποτε τὸ ζητούμενον
παρὰ τοῖς φιλοσόφοις λύων ὁ ποιητὴς οἰνώσεως καὶ
μέθης διαφορὰν εἴρηκεν, οἰνώσεως μὲν ἄνεσιν μέθης δὲ
φλυαρίαν. τὸ γὰρ ἐν τῇ καρδίᾳ τοῦ νήφοντος ἐπὶ τῆς
γλώττης ἐστὶ τοῦ μεθύοντος, ὡς οἱ παροιμιαζόμενοι λέγουσιν.
ὅθεν ὁ μὲν Βίας ἔν τινι πότῳ σιωπῶν καὶ σκωπτόμενος
εἰς ἀβελτερίαν ὑπό τινος ἀδολέσχου ‘καὶ τίς ἄν’
ἔφη ‘δύναιτο μωρὸς ἐν οἴνῳ σιωπᾶν;’ Ἀθήνησι δέ τις
ἑστιῶν πρέσβεις βασιλικοὺς ἐφιλοτιμήθη σπουδάζουσιν
αὐτοῖς συναγαγεῖν εἰς ταὐτὸ τοὺς φιλοσόφους· χρωμένων
δὲ τῶν ἄλλων κοινολογίᾳ καὶ τὰς συμβολὰς ἀποδιδόντων
τοῦ δὲ Ζήνωνος ἡσυχίαν ἄγοντος, φιλοφρονησάμενοι καὶ
προπιόντες οἱ ξένοι ‘περὶ σοῦ δὲ τί χρὴ λέγειν’ ἔφασαν ‘ὦ
Ζήνων τῷ βασιλεῖ;’ κἀκεῖνος ‘ἄλλο μηθέν’ εἶπεν ‘ἢ ὅτι
πρεσβύτης ἐστὶν ἐν Ἀθήναις παρὰ πότον σιωπᾶν δυνάμενος.’
οὕτω τι βαθὺ καὶ μυστηριῶδες ἡ σιγὴ καὶ νηφάλιον,
ἡ δὲ μέθη λάλον· ἄνουν γὰρ καὶ ὀλιγόφρον, διὰ τοῦτο
καὶ πολύφωνον. οἱ δὲ φιλόσοφοι καὶ ὁριζόμενοι τὴν μέθην
λέγουσιν εἶναι λήρησιν πάροινον· οὕτως οὐ ψέγεται τὸ
πίνειν, εἰ προσείη τῷ πίνειν τὸ σιωπᾶν, ἀλλ´ ἡ μωρολογία
μέθην ποιεῖ τὴν οἴνωσιν. ὁ μὲν οὖν μεθύων ληρεῖ
παρ´ οἶνον, ὁ δ´ ἀδόλεσχος πανταχοῦ ληρεῖ, ἐν ἀγορᾷ ἐν
θεάτρῳ ἐν περιπάτῳ - - - μεθ´ ἡμέραν νύκτωρ· ἔστι δὲ
θεραπεύων τῆς νόσου βαρύτερος, συμπλέων τῆς ναυτίας
ἀηδέστερος, ἐπαινῶν τοῦ ψέγοντος ἐπαχθέστερος. ἥδιόν
γέ τοι πονηροῖς ὁμιλοῦμεν ἐπιδεξίοις ἢ χρηστοῖς ἀδολέσχαις.
ὁ μὲν γὰρ Σοφοκλέους Νέστωρ τὸν Αἴαντα τραχυνόμενον
τῷ λόγῳ πραΰνων ἠθικῶς τοῦτ´ εἴρηκεν
‘οὐ μέμφομαί σε· δρῶν γὰρ εὖ κακῶς λέγεις,’
πρὸς δὲ τὸν ἀδολέσχην οὐχ οὕτως ἔχομεν, ἀλλὰ πᾶσαν
ἔργου χάριν ἡ τῶν λόγων ἀκαιρία διαφθείρει καὶ ἀπόλλυσι.
| [4] Allons plus loin. L'ivresse est un défaut contre lequel
se tient en garde tout homme qui se respecte et qui a de
la convenance. En effet, si, comme le disent quelques-uns, la
colère habite porte à porte avec la folie, la colère demeure
sous le même toit que l'ivresse. Disons mieux : l'ivresse est
elle-même une folie, moins prolongée , il est vrai, mais
qui, au point de vue du libre arbitre, présente bien plus
de gravité puisqu'elle est volontaire. Or de tous les excès
de l'ivresse, on n'en blâme aucun plus énergiquement que
le flux intempérant et désordonné des paroles.
"Le vin même du sage égare les esprits,
Lui fait aimer le chant, les danses et les ris".
Qu'y a-t-il de mal? Le chant, les ris, la danse, rien de tout
cela n'est sans grâce.
"Mais dans le vin on dit ce que l'on devrait taire";
et c'est là ce qui devient dangereux et funeste. Qui sait?
Peut-être Homère a-t-il voulu résoudre la question élevée
par les philosophes sur la différence qu'il y a entre l'usage
du vin et de l'ivresse. L'usage du vin rend gai, l'ivresse
rend bavard. Car on dit proverbialement : "Ce qui est dans
la pensée de l'homme sobre est sur les lèvres de l'homme
ivre." Bias dans un repas étant silencieux, certain bavard se
mit à le railler de sa stupidité. Serait-ce un homme stupide,
lui dit Bias, qui dans un festin resterait sans rien
dire? A Athènes un personnage offrait un banquet à des
envoyés royaux, et, à leur grande satisfaction, il s'était fait
un point d'honneur de réunir avec eux ce qu'il y avait de
philosophes de la ville. Ceux-ci prirent tous part à la conversation,
payant ainsi leur écot. Zénon seul ne parlait pas.
Les étrangers, avec une bienveillance extrême, lui portèrent
cependant une santé : "Zénon, lui dirent-ils, que
devrons-nous dire sur votre compte à notre prince?" Il leur
répondit : "Ne lui dites que ceci : Nous avons vu dans
Athènes un vieillard qui avait la force de se taire pendant un
festin.» Tant il est vrai que le silence a quelque chose de
profond, de mystérieux et de sobre! L'ivresse, au contraire,
est bavarde; et c'est parce qu'elle manque de jugement et
de prudence qu'elle se répand en un vain flux de paroles.
Les philosophes l'ont définie en disant : "C'est la sottise
avinée." Ainsi on ne blâme pas l'homme qui boit, si en
buvant il garde le silence. C'est le sot babil qui change le
vin en ivresse. Un homme ivre parle trop à table ; mais c'est
partout que le bavard parle trop, sur la place publique, au
théâtre, à la promenade, le jour, la nuit. Près du chevet d'un
malade il est plus fatigant que la maladie; dans une navigation
il est plus désagréable que le mal de mer. Ses éloges
sont plus pénibles que ne le seraient des réprimandes. On
préférera la conversation de méchants qui seront discrets à
celle d'honnêtes gens qui seront bavards. Dans Sophocle
Nestor, voulant calmer par ses paroles l'emportement
d'Ajax, lui dit avec un accent qui part du coeur :
"Tes discours sont mauvais, ta conduite est loyale :
Je ne puis te blâmer".
Mais au bavard nous ne tenons pas un semblable langage.
Tout ce qu'il peut y avoir d'acceptable dans ses actes,
l'intempérance de sa parole le gâte et l'anéantit.
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