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[23] τοῦ δὲ Περικλέους ἐν τῷ τῆς στρατηγίας ἀπολογισμῷ δέκα
ταλάντων ἀνάλωμα γράψαντος ἀνηλωμένων εἰς τὸ δέον, ὁ δῆμος
ἀπεδέξατο μὴ πολυπραγμονήσας μηδ' ἐλέγξας τὸ ἀπόρρητον. ἔνιοι δ'
ἱστορήκασιν, ὧν ἐστι καὶ Θεόφραστος ὁ φιλόσοφος, ὅτι καθ' ἕκαστον
ἐνιαυτὸν εἰς τὴν Σπάρτην ἐφοίτα δέκα τάλαντα παρὰ τοῦ Περικλέους, οἷς
τοὺς ἐν τέλει πάντας θεραπεύων παρῃτεῖτο τὸν πόλεμον, οὐ τὴν εἰρήνην
ὠνούμενος, ἀλλὰ τὸν χρόνον, ἐν ᾧ παρασκευασάμενος καθ' ἡσυχίαν
ἔμελλε πολεμήσειν βέλτιον.
(2) αὖθις οὖν ἐπὶ τοὺς ἀφεστῶτας τραπόμενος καὶ διαβὰς εἰς Εὔβοιαν
πεντήκοντα ναυσὶ καὶ πεντακισχιλίοις ὁπλίταις κατεστρέψατο τὰς πόλεις.
καὶ Χαλκιδέων μὲν τοὺς ἱπποβότας λεγομένους πλούτῳ καὶ δόξῃ
διαφέροντας ἐξέβαλεν, Ἑστιεῖς δὲ πάντας ἀναστήσας ἐκ τῆς χώρας
Ἀθηναίους κατῴκισε, μόνοις τούτοις ἀπαραιτήτως χρησάμενος ὅτι ναῦν
Ἀττικὴν αἰχμάλωτον λαβόντες ἀπέκτειναν τοὺς ἄνδρας.
| [23] XXIII. Dans le compte que Périclès rendit de cette expédition, il porta en dépense une somme
de dix talents avec cette seule indication : Pour emploi nécessaire. Le peuple la lui alloua sans
aucune information, et ne voulut pas en connaître le motif secret. Quelques écrivains, entre
autres Théophraste le philosophe, disent que Périclès faisait passer chaque année à Sparte dix
talents pour gagner les principaux magistrats, afin d’éloigner la guerre ; il achetait, non la
paix, mais le temps nécessaire pour pouvoir à loisir se préparer à entrer en campagne avec
plus d’avantage. Ses dispositions terminées, il marche de nouveau contre les rebelles, repasse
dans l’Eubée avec cinquante vaisseaux et cinq mille hommes de bonnes troupes, soumet
toutes les villes, et en chasse ceux d’entre les Chalcidiens qu’on appelait Hippobotes :
c’étaient les plus riches et les plus puissants du pays. Il fit sortir aussi les Histiéens de leur
ville, et les remplaça par des Athéniens. Ils furent les seuls qu’il traita avec cette rigueur,
parce qu’ayant pris un vaisseau athénien, ils en avaient massacré tout l’équipage.
| [24] ἐκ τούτου γενομένων σπονδῶν Ἀθηναίοις καὶ Λακεδαιμονίοις εἰς
ἔτη τριάκοντα ψηφίζεται τὸν εἰς Σάμον πλοῦν, αἰτίαν ποιησάμενος κατ'
αὐτῶν ὅτι τὸν πρὸς Μιλησίους κελευόμενοι διαλύσασθαι πόλεμον οὐχ
ὑπήκουον.
ἐπεὶ δ' Ἀσπασία χαριζόμενος δοκεῖ πρᾶξαι τὰ πρὸς Σαμίους, ἐνταῦθα
ἂν εἴη καιρὸς διαπορῆσαι μάλιστα περὶ τῆς ἀνθρώπου, τίνα τέχνην ἢ
δύναμιν τοσαύτην ἔχουσα τῶν τε πολιτικῶν τοὺς πρωτεύοντας
ἐχειρώσατο καὶ τοῖς φιλοσόφοις οὐ φαῦλον οὐδ' ὀλίγον ὑπὲρ αὑτῆς
παρέσχε λόγον. ὅτι μὲν γὰρ ἦν Μιλησία γένος, (2) Ἀξιόχου θυγάτηρ,
ὁμολογεῖται· φασὶ δ' αὐτὴν Θαργηλίαν τινὰ τῶν παλαιῶν Ἰάδων
ζηλώσασαν ἐπιθέσθαι τοῖς δυνατωτάτοις ἀνδράσι. καὶ γὰρ ἡ Θαργηλία τό
τ' εἶδος εὐπρεπὴς γενομένη καὶ χάριν ἔχουσα μετὰ δεινότητος πλείστοις
μὲν Ἑλλήνων συνῴκησεν ἀνδράσι, πάντας δὲ προσεποίησε βασιλεῖ τοὺς
πλησιάσαντας αὐτῇ, καὶ ταῖς πόλεσι μηδισμοῦ δι' ἐκείνων ὑπέσπειρεν
ἀρχὰς δυνατωτάτων ὄντων καὶ μεγίστων. (3) τὴν δ' Ἀσπασίαν οἱ μὲν ὡς
σοφήν τινα καὶ πολιτικὴν ὑπὸ τοῦ Περικλέους σπουδασθῆναι λέγουσι· καὶ
γὰρ Σωκράτης ἔστιν ὅτε μετὰ τῶν γνωρίμων ἐφοίτα, καὶ τὰς γυναῖκας
ἀκροασομένας οἱ συνήθεις ἦγον ὡς αὐτήν, καίπερ οὐ κοσμίου
προεστῶσαν ἐργασίας οὐδὲ σεμνῆς, ἀλλὰ παιδίσκας ἑταιρούσας
τρέφουσαν· (4) Αἰσχίνης δέ φησι καὶ Λυσικλέα τὸν προβατοκάπηλον ἐξ
ἀγεννοῦς καὶ ταπεινοῦ τὴν φύσιν Ἀθηναίων γενέσθαι πρῶτον, Ἀσπασίᾳ
συνόντα μετὰ τὴν Περικλέους τελευτήν. ἐν δὲ τῷ Μενεξένῳ τῷ
Πλάτωνος, εἰ καὶ μετὰ παιδιᾶς τὰ πρῶτα γέγραπται, τοσοῦτόν γ' ἱστορίας
ἔνεστιν, ὅτι δόξαν εἶχε τὸ γύναιον ἐπὶ ῥητορικῇ πολλοῖς Ἀθηναίων
ὁμιλεῖν. (5) φαίνεται μέντοι μᾶλλον ἐρωτική τις ἡ τοῦ Περικλέους
ἀγάπησις γενομένη πρὸς Ἀσπασίαν. ἦν μὲν γὰρ αὐτῷ γυνὴ προσήκουσα
μὲν κατὰ γένος, συνῳκηκυῖα δ' Ἱππονίκῳ πρότερον, ἐξ οὗ Καλλίαν ἔτεκε
τὸν πλούσιον· ἔτεκε δὲ καὶ παρὰ τῷ Περικλεῖ Ξάνθιππον καὶ Πάραλον.
εἶτα τῆς συμβιώσεως οὐκ οὔσης αὐτοῖς ἀρεστῆς, ἐκείνην μὲν ἑτέρῳ
Βουλομένην συνεξέδωκεν, αὐτὸς δὲ τὴν Ἀσπασίαν λαβὼν ἔστερξε
διαφερόντως. (6) καὶ γὰρ ἐξιών, ὥς φασι, καὶ εἰσιὼν ἀπ' ἀγορᾶς ἠσπάζετο
καθ' ἡμέραν αὐτὴν μετὰ τοῦ καταφιλεῖν. ἐν δὲ ταῖς κωμῳδίαις Ὀμφάλη τε
νέα καὶ Δηϊάνειρα καὶ πάλιν Ἥρα προσαγορεύεται. Κρατῖνος δ' ἄντικρυς
παλλακὴν αὐτὴν εἴρηκεν ἐν τούτοις·
Ἥραν τέ οἱ Ἀσπασίαν τίκτει Καταπυγοσύνη παλλακὴν κυνώπιδα.
δοκεῖ δὲ καὶ τὸν νόθον ἐκ ταύτης τεκνῶσαι, περὶ οὗ πεποίηκεν Εὔπολις ἐν
Δήμοις αὐτὸν μὲν οὕτως ἐρωτῶντα·
ὁ νόθος δέ μοι ζῇ;
τὸν δὲ Μυρωνίδην ἀποκρινόμενον·
καὶ πάλαι γ' ἂν ἦν ἀνήρ,
εἰ μὴ τὸ τῆς πόρνης ὑπωρρώδει κακόν.
(7) οὕτω δὲ τὴν Ἀσπασίαν ὀνομαστὴν καὶ κλεινὴν γενέσθαι λέγουσιν
ὥστε καὶ Κῦρον τὸν πολεμήσαντα βασιλεῖ περὶ τῆς τῶν Περσῶν
ἡγεμονίας τὴν ἀγαπωμένην ὑπ' αὐτοῦ μάλιστα τῶν παλλακίδων
Ἀσπασίαν ὀνομάσαι, καλουμένην Μιλτὼ πρότερον. ἦν δὲ Φωκαΐς τὸ
γένος, Ἑρμοτίμου θυγάτηρ· ἐν δὲ τῇ μάχῃ Κύρυ πεσόντος ἀπαχθεῖσα πρὸς
βασιλέα πλεῖστον ἴσχυσε. ταῦτα μὲν ἐπελθόντα τῇ μνήμῃ κατὰ τὴν
γραφὴν ἀπώσασθαι καὶ παρελθεῖν ἴσως ἀπάνθρωπον ἦν.
| [24] XXIV. Quelque temps après, les Athéniens ayant conclu avec les Spartiates une trêve de
trente ans, Périclès fit déclarer la guerre aux Samiens. Il donna pour prétexte leur refus d’obéir
à l’ordre qui leur avait été signifié de pacifier leurs différents avec les Milésiens. Mais,
comme on a cru qu’il ne fit la guerre à Samos que pour complaire à Aspasie, c’est ici le
moment de rechercher par quel art si puissant, par quel charme si persuasif, cette femme put
prendre un tel empire sur les premiers hommes de la république, et faire dire tant de bien
d’elle aux philosophes les plus célèbres. Tout le monde convient qu’elle était de Milet et
fille d’Axiochos. On dit qu’à l’exemple d’une courtisane d’entre les anciennes Ioniennes,
nommée Thargélia, elle ne s’attacha qu’aux premiers de la ville. Cette Thargélia, qui joignait
à beaucoup de grâce et de beauté un esprit vif et agréable, fut liée avec tout ce qu’il y avait de
plus grand et de plus puissant parmi les Grecs ; elle gagnait au roi de Perse tous ceux qui
l’approchaient, et elle avait répandu dans toutes les villes de la Grèce des semences de la
faction médique.
Pour Aspasie, on dit que Périclès s’attacha à elle à cause de son savoir et de ses connaissances
en politique. Socrate lui-même allait la voir quelquefois avec ses amis ; et ceux qui la
fréquentaient le plus y menaient souvent leurs femmes pour l’entendre, quoiqu’elle fît un
métier peu honnête, et qu’elle eût dans sa maison plusieurs courtisanes. Eschine dit que
Lysiclès, simple marchand de bestiaux, homme d’un esprit bas et abject, devint le premier des
Athéniens par une suite du commerce qu’il eut avec Aspasie après la mort de Périclès.
Platon, dans son Menexène, quoique le commencement de ce dialogue soit écrit sur un ton de
plaisanterie, avance comme un fait positif que plusieurs Athéniens allaient chez elle pour
y prendre des leçons de rhétorique.
Il paraît cependant que l’attachement de Périclès pour Aspasie fut une véritable passion. En
effet, quoique sa femme, qui était sa parente, et qui avait épousé en premières noces
Hipponicos, dont elle avait eu le riche Callias, eût donné à Périclès deux fils, Xanthippe et
Paralos, ils s’inspirèrent réciproquement un tel dégoût, que, l’ayant mariée à un autre, de son
consentement, il épousa Aspasie. Il l’aima si tendrement qu’il ne sortait et ne rentrait jamais
chez lui sans l’embrasser. Aussi, dans les comédies de ce temps-là, est-elle appelée la
nouvelle Omphale, Déjanire et Héra. Cratinos la traite ouvertement de courtisane :
Elle eut cette Héra, cette belle Aspasie,
Qui se déshonora par sa mauvaise vie.
On croit que Périclès en avait eu un fils naturel : car Eupolis, dans sa comédie des Bourgs, lui
en fait demander des nouvelles :
Et mon fils naturel, dis-moi, vit-il encore ?
Pyronidès lui répond :
Sans doute, et déjà même il serait marié,
S’il n’eût craint de trouver une femme impudique
Qui marchât sur les pas d’une mère lubrique.
Enfin cette Aspasie eut tant de célébrité, que Cyrus, celui qui fit la guerre au roi Artaxerxe, et
lui disputa l’empire des Perses, donna le nom d’Aspasie à celle de ses concubines qu’il aimait
le plus, et qui s’appelait auparavant Milto. Elle était de la Phocide, et fille d’Hermotimus.
Cyrus ayant péri dans le combat, elle fut amenée au roi Artaxerxe, auprès duquel elle eut un
grand crédit. Voilà des particularités qui me sont revenues à la mémoire en écrivant la vie de
Périclès ; et il eût été sans doute d’une sévérité outrée de les passer sous silence.
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