[16] (1) Ἐν δὲ τοῖς τοιούτοις πολιτεύμασι καὶ λόγοις καὶ
φρονήματι καὶ δεινότητι πολλὴν αὖ πάλιν τὴν τρυφὴν τῆς
διαίτης καὶ περὶ πότους καὶ ἔρωτας ὑβρίσματα, καὶ θηλύτητας
ἐσθήτων ἁλουργῶν ἑλκομένων δι´ ἀγορᾶς, καὶ πολυτέλειαν
ὑπερήφανον, ἐκτομάς τε καταστρωμάτων ἐν ταῖς
τριήρεσιν, ὅπως μαλακώτερον ἐγκαθεύδοι, κειρίαις, ἀλλὰ
μὴ σανίσι, τῶν στρωμάτων ἐπιβαλλομένων, ἀσπίδος τε
διαχρύσου ποίησιν οὐδὲν ἐπίσημον τῶν πατρίων ἔχουσαν,
ἀλλ´ Ἔρωτα κεραυνοφόρον ὁρῶντες, (2) οἱ μὲν ἔνδοξοι
μετὰ τοῦ βδελύττεσθαι καὶ δυσχεραίνειν ἐφοβοῦντο τὴν
ὀλιγωρίαν αὐτοῦ καὶ παρανομίαν ὡς τυραννικὰ καὶ ἀλλόκοτα,
τοῦ δὲ δήμου τὸ πάθος τὸ πρὸς αὐτὸν οὐ κακῶς
ἐξηγούμενος ὁ Ἀριστοφάνης ταῦτ´ εἴρηκε·
(3) "ποθεῖ μέν, ἐχθαίρει δέ, βούλεται δ´ ἔχειν",
ἔτι δὲ μᾶλλον τῇ ὑπονοίᾳ πιέζων·
"μάλιστα μὲν λέοντα μὴ ´ν πόλει τρέφειν· /
ἢν δ´ ἐκτρέφῃ τις, τοῖς τρόποις ὑπηρετεῖν."
(4) ἐπιδόσεις γὰρ καὶ χορηγίαι καὶ φιλοτιμήματα πρὸς τὴν
πόλιν ὑπερβολὴν μὴ ἀπολείποντα καὶ δόξα προγόνων
καὶ λόγου δύναμις καὶ σώματος εὐπρέπεια καὶ ῥώμη
μετ´ ἐμπειρίας τῶν πολεμικῶν καὶ ἀλκῆς πάντα
τἆλλα συγχωρεῖν ἐποίει καὶ φέρειν μετρίως τοὺς Ἀθηναίους,
ἀεὶ τὰ πρᾳότατα τῶν ὀνομάτων τοῖς ἁμαρτήμασι
τιθεμένους, παιδιὰς καὶ φιλοτιμίας. (5) οἷον ἦν καὶ τὸ Ἀγάθαρχον
εἷρξαι τὸν ζωγράφον, εἶτα γράψαντα τὴν οἰκίαν
ἀφεῖναι δωρησάμενον· καὶ Ταυρέαν ἀντιχορηγοῦντα ῥαπίσαι,
φιλοτιμούμενον ὑπὲρ τῆς νίκης· καὶ τὸ Μηλίαν γυναῖκα
ἐκ τῶν αἰχμαλώτων ἐξελόμενον καὶ συνόντα θρέψαι
παιδάριον ἐξ αὐτῆς. (6) καὶ γὰρ τοῦτο φιλάνθρωπον ἐκάλουν,
πλὴν ὅτι τοῦ τοὺς Μηλίους ἡβηδὸν ἀποσφαγῆναι
τὴν πλείστην αἰτίαν ἔσχε, τῷ ψηφίσματι συνειπών. (7) Ἀριστοφῶντος
δὲ Νεμέαν γράψαντος ἐν ταῖς ἀγκάλαις αὑτῆς
καθήμενον Ἀλκιβιάδην ἔχουσαν, ἐθεῶντο καὶ συνέτρεχον
χαίροντες· οἱ δὲ πρεσβύτεροι καὶ τούτοις ἐδυσχέραινον
ὡς τυραννικοῖς καὶ παρανόμοις. (8) ἐδόκει δὲ καὶ Ἀρχέστρατος
οὐκ ἀπὸ τρόπου λέγειν, ὡς ἡ Ἑλλὰς οὐκ ἂν ἤνεγκε δύο
Ἀλκιβιάδας. (9) ἐπεὶ δὲ Τίμων ὁ μισάνθρωπος εὐημερήσαντα
τὸν Ἀλκιβιάδην καὶ προπεμπόμενον ἀπὸ τῆς ἐκκλησίας
ἐπιφανῶς οὐ παρῆλθεν οὐδ´ ἐξέκλινεν, ὥσπερ εἰώθει τοὺς
ἄλλους, ἀλλ´ ἀπαντήσας καὶ δεξιωσάμενος "εὖ γε" ἔφη
"ποιεῖς αὐξόμενος ὦ παῖ· μέγα γὰρ αὔξει κακὸν ἅπασι
τούτοις," οἱ μὲν ἐγέλων, οἱ δ´ ἐβλασφήμουν, ἐνίους δὲ καὶ
πάνυ τὸ λεχθὲν ἐπέστρεφεν. οὕτως ἄκριτος ἦν ἡ δόξα περὶ
αὐτοῦ διὰ τὴν τῆς φύσεως ἀνωμαλίαν.
| [16] (1) Au milieu d'actes politiques aussi considérables et
de discours empreints d'intelligence et d'habileté,
revenaient la profonde mollesse de son mode de vie, ses
excès de boisson et d'amour, ses vêtements efféminés - des
robes pourpres qu'il traînait à travers l'agora -, son luxe
effréné - il faisait pratiquer des entailles à bord des
trières pour y dormir plus douillettement sur des matelas
jetés sur des sangles au lieu de planches; et il s'était
fait fabriquer un bouclier incrusté d'or, sans aucun des
emblèmes traditionnels mais avec un Amour porte-foudre! (2)
Toutes choses que voyaient avec indignation et dégoût les
citoyens de bon renom, lesquels craignaient sa négligence et
son côté hors-la-loi, ressentis comme tyranniques et
étranges. Quant au ressentiment du peuple à l'égard
d'Alcibiade, Aristophane ne l'a pas mal interprété en
disant: (3) "Il le désire, le hait, mais pourtant veut
l'avoir". Le même est plus écrasant encore dans cette
insinuation: "Surtout ne pas nourrir un lion dans la ville,
/ Mais si on le nourrit, se soumettre à ses modes". (4) Ses
largesses, ses chorégies, ses gestes ostentatoires - non
exempts d'excès - envers la cité, la gloire de ses ancêtres,
la puissance de sa parole, la beauté de son corps, sa force
jointe à l'expérience dans les choses de la guerre et à la
vaillance: voilà qui faisait excuser tout le reste aux
Athéniens, supportant Alcibiade avec calme et appliquant
toujours à ses fautes les plus doux des noms: enfantillages,
point d'honneur. (5) Tel était par exemple le fait d'avoir
tenu enfermé chez lui le peintre Agatharchos puis, une fois
qu'il lui eût décoré sa maison, de l'avoir congédié avec une
gratification; ou encore d'avoir giflé Tauréas son rival
comme chorège, qui ambitionnait la victoire; et même d'avoir
soustrait du nombre des prisonniers une femme de Mélos, de
l'avoir gardée avec lui et d'avoir élevé l'enfant qu'il lui
avait fait. (6) Voilà ce que les Athéniens appelaient son
"humanité" - sauf tout de même qu'il porta la principale
responsabilité d'avoir fait égorger la jeunesse de Mélos,
puisqu'il se prononça pour le décret de mort. (7) Aristophon
avait peint Néméa tenant Alcibiade assis entre ses bras, et
les gens accouraient tout réjouis pour contempler le
tableau; les plus vieux cependant s'indignaient encore à ce
propos,sentant là l'indice de visées tyranniques et
hors-la-loi. (8) Archestratos passait même pour dire fort à
propos que les Grecs n'auraient pu supporter deux
Alcibiades. (9) Timon le Misanthrope rencontre Alcibiade
dans un bon jour et sortant de l'Assemblée visiblement bien
escorté. Loin de passer son chemin et de se détourner, comme
il faisait d'ordinaire avec tout le monde, Timon va à lui et
lui tend la main droite en disant: "Tu fais bien de grandir,
mon fils, car tu seras, en grandissant, un grand malheur
pour tous ces gens-là!". Et les uns de rire, les autres, de
l'invectiver, mais il en est que le mot retourna
complètement. Ainsi l'opinion sur Alcibiade était-elle
indécise, à cause de l'inconstance de sa nature.
|