[6,9,3] Τί ἂν οὖν εἴη τὸ ἓν καὶ τίνα φύσιν ἔχον; Ἢ οὐδὲν θαυμαστὸν μὴ ῥᾴδιον εἰπεῖν εἶναι, ὅπου μηδὲ τὸ ὂν ῥᾴδιον μηδὲ τὸ εἶδος· ἀλλ´ ἔστιν ἡμῖν γνῶσις εἴδεσιν ἐπερειδομένη. Ὅσῳ δ´ ἂν εἰς ἀνείδεον ἡ ψυχὴ ἴῃ, ἐξαδυνατοῦσα περιλαβεῖν τῷ μὴ ὁρίζεσθαι καὶ οἷον τυποῦσθαι ὑπὸ ποικίλου τοῦ τυποῦντος ἐξολισθάνει καὶ φοβεῖται, μὴ οὐδὲν ἔχῃ. Διὸ κάμνει ἐν τοῖς τοιούτοις καὶ ἀσμένη καταβαίνει πολλάκις ἀποπίπτουσα ἀπὸ πάντων, μέχρις ἂν εἰς αἰσθητὸν ἥκῃ ἐν στερεῷ ὥσπερ ἀναπαυομένη· οἷον καὶ ἡ ὄψις κάμνουσα ἐν τοῖς μικροῖς τοῖς μεγάλοις ἀσμένως περιπίπτει. Καθ´ ἑαυτὴν δὲ ἡ ψυχὴ ὅταν ἰδεῖν ἐθέλῃ, μόνον ὁρῶσα τῷ συνεῖναι καὶ ἓν οὖσα τῷ ἓν εἶναι αὐτῷ οὐκ οἴεταί πω ἔχειν ὃ ζητεῖ, ὅτι τοῦ νοουμένου μὴ ἕτερόν ἐστιν. Ὅμως δὴ χρὴ οὕτως ποιεῖν τὸν μέλλοντα περὶ τὸ ἓν φιλοσοφήσειν. Ἐπεὶ τοίνυν ἕν ἐστιν ὃ ζητοῦμεν, καὶ τὴν ἀρχὴν τῶν πάντων ἐπισκοποῦμεν, τἀγαθὸν καὶ τὸ πρῶτον, οὔτε πόρρω δεῖ γενέσθαι τῶν περὶ τὰ πρῶτα εἰς τὰ ἔσχατα τῶν πάντων πεσόντα, ἀλλ´ ἱέμενον εἰς τὰ πρῶτα ἐπαναγαγεῖν ἑαυτὸν ἀπὸ τῶν αἰσθητῶν ἐσχάτων ὄντων, κακίας τε πάσης ἀπηλλαγμένον εἶναι ἅτε πρὸς τὸ ἀγαθὸν σπεύδοντα γενέσθαι, ἐπί τε τὴν ἐν ἑαυτῷ ἀρχὴν ἀναβεβηκέναι καὶ ἓν ἐκ πολλῶν γενέσθαι ἀρχῆς καὶ ἑνὸς θεατὴν ἐσόμενον. Νοῦν τοίνυν χρὴ γενόμενον καὶ τὴν ψυχὴν τὴν αὑτοῦ νῷ πιστεύσαντα καὶ ὑφιδρύσαντα, ἵν´ ἃ ὁρᾷ ἐκεῖνος ἐγρηγορυῖα δέχοιτο, τούτῳ θεᾶσθαι τὸ ἓν οὐ προστιθέντα αἴσθησιν οὐδεμίαν οὐδέ τι παρ´ αὐτῆς εἰς ἐκεῖνον δεχόμενον, ἀλλὰ καθαρῷ τῷ νῷ τὸ καθαρώτατον θεᾶσθαι καὶ τοῦ νοῦ τῷ πρώτῳ. Ὅταν τοίνυν ὁ ἐπὶ τὴν θέαν τοῦ τοιούτου ἐσταλμένος ἢ μέγεθος ἢ σχῆμα ἢ ὄγκον περὶ ταύτην τὴν φύσιν φαντασθῇ, οὐ νοῦς τούτῳ ἡγεμὼν γίνεται τῆς θέας, ὅτι μὴ νοῦς τὰ τοιαῦτα πέφυκεν ὁρᾶν, ἀλλ´ ἔστιν αἰσθήσεως καὶ δόξης ἑπομένης αἰσθήσει ἡ ἐνέργεια. Ἀλλὰ δεῖ λαβεῖν παρὰ τοῦ νοῦ τὴν ἐπαγγελίαν ὧν δύναται. Δύναται δὲ ὁρᾶν ὁ νοῦς ἢ τὰ πρὸ αὐτοῦ ἢ τὰ αὐτοῦ {ἢ τὰ παρ´ αὐτοῦ}. Καθαρὰ δὲ καὶ τὰ ἐν αὐτῷ, ἔτι δὲ καθαρώτερα καὶ ἁπλούστερα τὰ πρὸ αὐτοῦ, μᾶλλον δὲ τὸ πρὸ αὐτοῦ. Οὐδὲ νοῦς τοίνυν, ἀλλὰ πρὸ νοῦ· τὶ γὰρ τῶν ὄντων ἐστὶν ὁ νοῦς· ἐκεῖνο δὲ οὔ τι, ἀλλὰ πρὸ ἑκάστου, οὐδὲ ὄν· καὶ γὰρ τὸ ὂν οἷον μορφὴν τὴν τοῦ ὄντος ἔχει, ἄμορφον δὲ ἐκεῖνο καὶ μορφῆς νοητῆς. Γεννητικὴ γὰρ ἡ τοῦ ἑνὸς φύσις οὖσα τῶν πάντων οὐδέν ἐστιν αὐτῶν. Οὔτε οὖν τι οὔτε ποιὸν οὔτε ποσὸν οὔτε νοῦν οὔτε ψυχήν· οὐδὲ κινούμενον οὐδ´ αὖ ἑστώς, οὐκ ἐν τόπῳ, οὐκ ἐν χρόνῳ, ἀλλ´ αὐτὸ καθ´ αὑτὸ μονοειδές, μᾶλλον δὲ ἀνείδεον πρὸ εἴδους ὂν παντός, πρὸ κινήσεως, πρὸ στάσεως· ταῦτα γὰρ περὶ τὸ ὄν, ἃ πολλὰ αὐτὸ ποιεῖ. Διὰ τί οὖν, εἰ μὴ κινούμενον, οὐχ ἑστώς; Ὅτι περὶ μὲν τὸ ὂν τούτων θάτερον ἢ ἀμφότερα ἀνάγκη, τό τε ἑστὼς στάσει ἑστὼς καὶ οὐ ταὐτὸν τῇ στάσει· ὥστε συμβήσεται αὐτῷ καὶ οὐκέτι ἁπλοῦν μενεῖ. Ἐπεὶ καὶ τὸ αἴτιον λέγειν οὐ κατηγορεῖν ἐστι συμβεβηκός τι αὐτῷ, ἀλλ´ ἡμῖν, ὅτι ἔχομέν τι παρ´ αὐτοῦ ἐκείνου ὄντος ἐν αὐτῷ· δεῖ δὲ μηδὲ τὸ «ἐκείνου» μηδὲ ὄντως λέγειν ἀκριβῶς λέγοντα, ἀλλ´ ἡμᾶς οἷον ἔξωθεν περιθέοντας τὰ αὑτῶν ἑρμηνεύειν ἐθέλειν πάθη ὁτὲ μὲν ἐγγύς, ὁτὲ δὲ ἀποπίπτοντας ταῖς περὶ αὐτὸ ἀπορίαις.
| [6,9,3] Qu'est donc l'Un? Quelle est sa nature? Il n'est point étonnant qu'il soit si difficile de le dire, lorsqu'il est difficile de dire même ce que c'est que l'être, ce que c'est que la forme. Les formes sont cependant le fondement de notre connaissance. Toutes les fois que l'âme s'avance vers ce qui est sans forme, ne pouvant le comprendre parce qu'il n'est point déterminé et n'a point reçu pour ainsi dire l'empreinte d'un type distinctif, elle s'en écarte parce qu'elle craint de n'avoir devant elle que le néant. Aussi se trouble-t-elle en présence des choses de cette sorte, et redescend-elle souvent avec plaisir; alors, s'éloignant d'elles, elle se laisse en quelque sorte tomber jusqu'à ce qu'elle rencontre quelque objet sensible, sur lequel elle s'arrête et s'affermit : semblable à l'œil, qui, fatigué par la contemplation de petits objets, se reporte volontiers sur les grands Lorsque l'âme veut voir par elle-même, voyant alors seulement parce qu'elle est avec l'objet qu'elle voit, et de plus étant une parce qu'elle ne fait qu'un avec cet objet, elle s'imagine que ce qu'elle cherchait lui a échappé, parce qu'elle n'est pas distincte de l'objet qu'elle pense.
Toutefois, celui qui voudra faire une étude philosophique de l'Un devra adopter la marche suivante : puisque c'est l'Un que nous cherchons, puisque c'est le Principe de toutes choses, le Bien, le Premier, que nous considérons, quiconque veut l'atteindre ne s'éloignera pas de ce qui tient le premier rang pour tomber à ce qui occupe le dernier, mais il ramènera son âme des choses sensibles, qui occupent le dernier degré parmi les êtres, aux choses qui tiennent le premier rang; il se délivrera de tout mal puisqu'il souhaite s'élever au Bien; il remontera au principe qu'il possède en lui-même; enfin, il deviendra un de multiple qu'il était ; ce n'est qu'à ces conditions qu'il contemplera le Principe suprême, l'Un. Devenu ainsi intelligence, ayant confié son âme à l'intelligence et l'ayant édifiée en elle, afin qu'elle perçoive avec une attention vigilante tout ce que voit l'intelligence, il contemplera l'Un avec celle-ci, sans se servir d'aucun des sens, sans mélanger aucune de leurs perceptions aux données de l'intelligence; il contemplera, dis-je, le principe le plus pur avec l'intelligence pure, avec ce qui en constitue le degré le plus élevé. Lors donc qu'un homme qui s'applique à la contemplation d'un tel principe se le représente comme une grandeur ou une figure ou enfin une forme, ce n'est pas son intelligence qui le guide dans cette contemplation (car l'intelligence n'est pas destinée à voir de telles choses) ; c'est la sensation, ou l'opinion, compagne de la sensation, qui agit en lui.
L'intelligence est seule capable de nous faire connaître les choses qui sont de son ressort. L'Intelligence peut voir et les choses qui sont au-dessus d'elle, et celles qui lui appartiennent, et celles qui procèdent d'elle. Les choses qui appartiennent à l'Intelligence sont pures ; mais elles sont encore moins pures et moins simples que les choses qui sont au-dessus de l'Intelligence ou plutôt que la chose qui est au-dessus d'elle : cette chose n'est point l'Intelligence, elle est supérieure à l'Intelligence. L'Intelligence est en effet être, tandis que le Principe qui est au-dessus d'elle n'est point être, mais est supérieur à tous les êtres. Il n'est point non plus l'Être : car l'Être a une forme spéciale, celle de l'Être, et l'Un est sans forme, même intelligible. Étant la nature qui engendre toutes choses, l'Un ne peut être aucune d'elles. Il n'est donc ni une certaine chose, ni quantité, ni qualité, ni intelligence, ni âme, ni ce qui se meut, ni ce qui est stable: il n'est ni dans le lieu ni dans le temps ; mais il est l'uniforme en soi, ou plutôt il est sans forme, il est au-dessus de toute forme, au-dessus du mouvement et de la stabilité : car tout cela appartient à l'Être et le rend multiple. — Mais pourquoi n'est-il point stable, s'il ne se meut point? — C'est qu'une de ces deux choses ou toutes les deux ensemble ne peuvent convenir qu'à l'Être. En outre, ce qui est stable est stable par la stabilité et n'est point identique à la stabilité même ; aussi ne possède-t-il la stabilité que par accident et ne demeure-t-il plus simple.
Qu'on ne vienne pas non plus nous objecter qu'en disant que l'Un est cause première, nous lui attribuons quelque chose de contingent; c'est à nous-mêmes que nous attribuons alors la contingence, puisque c'est nous qui recevons quelque chose de l'Un, tandis que lui il demeure en lui-même.
Pour parler avec exactitude, il ne faut donc pas dire de l'Un qu'il est ceci ou cela {il ne faut lui donner ni un nom, ni un autre}; nous ne pouvons, pour ainsi dire, que tourner autour de lui, et essayer d'exprimer ce que nous éprouvons {par rapport à lui}, car tantôt nous approchons de l'Un, tantôt nous nous éloignons de lui par l'effet de notre incertitude à son égard.
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