[5,5,12] Χρὴ δὲ βλέπειν ᾧ ἕκαστα δεῖ αἰσθάνεσθαι, ὀφθαλμοῖς μὲν ἄλλα, ὠσὶ δὲ ἕτερα, καὶ τὰ ἄλλα ὡσαύτως· καὶ τῷ νῷ πιστεύειν ἄλλα ὁρᾶν, καὶ μὴ τὸ νοεῖν ἀκούειν νομίζειν ἢ ὁρᾶν, ὥσπερ ἂν εἰ τοῖς ὠσὶν ἐπιτάττοιεν βλέπειν, καὶ τὰς φωνὰς οὐκ εἶναι, ὅτι μὴ ὁρῶνται. Χρὴ δὲ ἐννοεῖν, ὥς εἰσιν ἐπιλελησμένοι, οὗ καὶ ἐξ ἀρχῆς εἰς νῦν ποθοῦσι καὶ ἐφίενται αὐτοῦ. Πάντα γὰρ ὀρέγεται ἐκείνου καὶ ἐφίεται αὐτοῦ .φύσεως ἀνάγκῃ, ὥσπερ ἀπομεμαντευμένα, ὡς ἄνευ αὐτοῦ οὐ δύναται εἶναι. Καὶ τοῦ μὲν καλοῦ ἤδη οἷον εἰδόσι καὶ ἐγρηγορόσιν ἡ ἀντίληψις καὶ τὸ θάμβος, καὶ τοῦ ἔρωτος ἡ ἔγερσις· τὸ δ´ ἀγαθόν, ἅτε πάλαι παρὸν εἰς ἔφεσιν σύμφυτον, καὶ κοιμωμένοις πάρεστι καὶ οὐ θαμβεῖ ποτε ἰδόντας, ὅτι σύνεστιν ἀεὶ καὶ οὐ ποτὲ ἡ ἀνάμνησις· οὐ μὴν ὁρῶσιν αὐτό, ὅτι κοιμωμένοις πάρεστι. Τοῦ δὲ καλοῦ ὁ ἔρως, ὅταν παρῇ, ὀδύνας δίδωσιν, ὅτι δεῖ ἰδόντας ἐφίεσθαι. Δεύτερος ὢν οὗτος ὁ ἔρως καὶ ἤδη συνιέντων μᾶλλον δεύτερον μηνύει τὸ καλὸν εἶναι· ἡ δὲ ἀρχαιοτέρα τούτου καὶ ἀναίσθητος ἔφεσις ἀρχαιότερόν φησι καὶ τἀγαθὸν εἶναι καὶ πρότερον τούτου. Καὶ οἴονται δὲ τἀγαθὸν λαβόντες ἀρκεῖν αὐτοῖς ἅπαντες· εἰς γὰρ τὸ τέλος ἀφῖχθαι· τὸ δὲ καλὸν οὔτε πάντες εἶδον γενόμενόν {τό} τε καλὸν αὐτῷ οἴονται εἶναι, ἀλλ´ οὐκ αὐτοῖς, οἷα καὶ τὸ τῇδε κάλλος· τοῦ γὰρ ἔχοντος τὸ κάλλος εἶναι. Καὶ καλοῖς εἶναι δοκεῖν ἀρκεῖ, κἂν μὴ ὦσι· τὸ δ´ ἀγαθὸν οὐ δόξῃ ἐθέλουσιν ἔχειν. Ἀντιποιοῦνται γὰρ μάλιστα τοῦ πρώτου, καὶ φιλονεικοῦσι καὶ ἐρίζουσι τῷ καλῷ, ὡς καὶ αὐτῷ γεγονότι ὥσπερ αὐτοί· οἷον εἴ τις ὕστερος ἀπὸ βασιλέως τῷ μετὰ βασιλέα εἰς ἀξίωσιν ἴσην βούλοιτο ἰέναι, ὡς ἀφ´ ἑνὸς καὶ τοῦ αὐτοῦ ἐκείνῳ γεγενημένος, ἀγνοῶν ὡς ἀνήρτηται μὲν καὶ αὐτὸς εἰς βασιλέα, ἔστι δὲ ἐκεῖνος πρὸ αὐτοῦ. Ἀλλ´ οὖν ἡ τῆς πλάνης αἰτία τὸ μετέχειν ἄμφω τοῦ αὐτοῦ καὶ πρότερον τὸ ἓν ἀμφοτέρων εἶναι, καὶ ὅτι κἀκεῖ τὸ μὲν ἀγαθὸν αὐτὸ οὐ δεῖται τοῦ καλοῦ, τὸ δὲ καλὸν ἐκείνου. Καὶ ἔστι δὲ τὸ μὲν ἤπιον καὶ προσηνὲς καὶ ἁβρότερον καί, ὡς ἐθέλει τις, παρὸν αὐτῷ· τὸ δὲ θάμβος ἔχει καὶ ἔκπληξιν καὶ συμμιγῆ τῷ ἀλγύνοντι τὴν ἡδονήν. Καὶ γὰρ αὖ καὶ ἕλκει ἀπὸ τοῦ ἀγαθοῦ τοὺς οὐκ εἰδότας, ὥσπερ ἀπὸ πατρὸς τὸ ἐρώμενον· νεώτερον γάρ· τὸ δὲ πρεσβύτερον οὐ χρόνῳ, ἀλλὰ τῷ ἀληθεῖ, ὃ καὶ τὴν δύναμιν προτέραν ἔχει· πᾶσαν γὰρ ἔχει· τὸ γὰρ μετ´ αὐτὸ οὐ πᾶσαν, ἀλλ´ ὅση μετ´ αὐτὸν καὶ ἀπ´ αὐτοῦ. Ὥστε ἐκεῖνος καὶ ταύτης κύριος, οὐ δεηθεὶς οὗτος τῶν ἐξ αὐτοῦ γενομένων, ἀλλὰ πᾶν καὶ ὅλον ἀφεὶς τὸ γενόμενον, ὅτι μὴ ἐδεῖτο μηδὲν αὐτοῦ, ἀλλ´ ἔστιν ὁ αὐτός, οἷος καὶ πρὶν τοῦτο γεννῆσαι. Ἐπεὶ οὐδ´ ἂν ἐμέλησεν αὐτῷ μὴ γενομένου· ἐπεὶ οὐδ´ εἰ ἄλλῳ δυνατὸν ἦν γενέσθαι ἐξ αὐτοῦ, ἐφθόνησεν ἄν· νῦν δὲ οὐκ ἔστιν οὐδὲν γενέσθαι· οὐδὲν γάρ ἐστιν ὃ μὴ γέγονε γενομένων τῶν πάντων. Αὐτὸς δὲ οὐκ ἦν τὰ πάντα, ἵν´ ἂν ἐδεήθη αὐτῶν, ὑπερβεβηκὼς δὲ τὰ πάντα οἷός τε ἦν καὶ ποιεῖν αὐτὰ καὶ ἐφ´ ἑαυτῶν ἐᾶσαι εἶναι αὐτὸς ὑπὲρ αὐτῶν ὤν.
| [5,5,12] Il ne faut chercher à percevoir chaque chose que par la faculté qui est destinée à la connaître : c'est ainsi que nous percevons les couleurs par les yeux, les sons par les oreilles, et d'autres qualités par d'autres sens. Il faut également admettre que l'intelligence a sa fonction propre, et ne pas croire que penser soit la même chose que voir et entendre : agir autrement, c'est ressembler à un homme qui voudrait percevoir des couleurs par les oreilles et qui nierait l'existence des sons parce qu'il ne saurait les voir. Les hommes, pensons-y bien, ont oublié le principe qui depuis le commencement jusqu'à ce jour excite leurs souhaits et leurs désirs. En effet, toutes choses aspirent au premier principe, y tendent par une nécessité naturelle, et semblent deviner qu'elles ne sauraient exister sans lui. La notion du Beau n'est donnée qu'aux âmes qui sont éveillées et qui ont déjà quelque connaissance; à sa vue, elles sont en même temps frappées de stupeur et aiguillonnées par l'amour. Le Bien, au contraire, excite en nous dès l'origine un désir qui est inné; il nous est présent même dans le sommeil ; sa vue ne nous frappe jamais de stupeur, parce qu'il est toujours avec nous ; il n'est pas besoin de réminiscence ni d'attention pour jouir de sa présence, puisqu'on n'en est pas privé même quand on dort. L'amour du beau, en s'emparant de nous, nous cause des soucis parce qu'on désire le beau quand on l'a vu. Comme l'amour que le beau excite ne vient qu'en seconde ligne et qu'il ne se trouve que chez ceux qui ont déjà quelque connaissance, il est évident que le beau n'occupe que le second rang. Le désir du bien est au contraire plus ancien; il n'exige aucune connaissance préalable. Cela montre que le bien est antérieur et supérieur au beau. En outre, tous les hommes sont satisfaits dès qu'ils possèdent le bien : ils se croient arrivés à leur fin. Mais tous ne croient pas que le beau leur suffise : ils pensent que le beau est beau pour lui-même plutôt que pour eux, comme la beauté d'un individu n'est un avantage que pour lui seul. Enfin, la plupart sont contents de paraître beaux, ne le fussent-ils pas réellement; maïs il ne leur suffît pas de paraître posséder le bien, ils veulent le posséder réellement. En effet, tous désirent avoir ce qui tient le premier rang; mais ils luttent, ils rivalisent avec le beau dans l'opinion qu'il est né comme eux. Ils ressemblent à une personne qui se prétendrait l'égale d'une autre personne qui tient le premier rang après le roi parce qu'elle en dépend aussi ; elle ignore que si elle dépend également du roi, elle est inférieure à l'autre dans l'ordre de la hiérarchie : la cause de cette erreur, c'est que toutes deux participent d'un même principe, que l'Un leur est supérieur à toutes deux, qu'enfin le bien n'a pas besoin du beau, tandis que le beau a besoin du bien. Le bien est doux, calme, plein de délices; nous en jouissons comme nous le voulons. Le beau, au contraire, frappe l'âme de stupeur, l'agite et mêle la peine au plaisir. Il nous éloigne souvent du bien à notre insu, comme un objet aimé sépare un fils d'un père. Le bien est plus ancien que le beau, non dans le temps, mais dans la réalité; il a d'ailleurs une puissance qui est supérieure, parce qu'elle n'a pas de bornes. Ce qui lui est inférieur, au lieu d'avoir une puissance sans bornes, ne possède qu'une puissance inférieure et dépendante. Dieu est donc maître même de la puissance qui est inférieure à la sienne; il n'a pas besoin des choses qu'il a engendrées : car c'est lui qui leur a donné tout ce qui se trouve en elles; il n'avait pas d'ailleurs besoin d'engendrer; il est encore tel qu'il était auparavant ; rien ne serait changé pour lui s'il n'avait pas engendré; s'il eût été possible que d'autres choses reçussent l'existence, il ne la leur aurait pas refusée par jalousie. Maintenant il n'est plus possible que rien soit engendré. Dieu a engendré tout ce qu'il pouvait engendrer. U n'est point d'ailleurs l'universalité des choses; il aurait ainsi besoin d'elles. Élevé au-dessus de toutes, il a pu les engendrer et leur permettre d'exister pour elles-mêmes en les dominant toutes.
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