[1,8,8] Εἰ δέ τις λέγοι μὴ διὰ τὴν ὕλην ἡμᾶς γενέσθαι κακούς - μήτε γὰρ τὴν
ἄγνοιαν διὰ τὴν ὕλην εἶναι μήτε τὰς ἐπιθυμίας τὰς πονηράς· καὶ γάρ, εἰ διὰ
σώματος κακίαν ἡ σύστασις γίνοιτο, μὴ τὴν ὕλην, ἀλλὰ τὸ εἶδος ποιεῖν, οἷον
θερμότητας, ψυχρότητας, πικρόν, ἁλμυρὸν καὶ ὅσα χυμῶν εἴδη, ἔτι πληρώσεις,
κενώσεις, καὶ πληρώσεις οὐχ ἁπλῶς, ἀλλὰ πληρώσεις τοιῶνδε, καὶ ὅλως τὸ
τοιόνδε εἶναι τὸ ποιοῦν τὴν διαφορὰν τῶν ἐπιθυμιῶν καί, εἰ βούλει, δοξῶν
ἐσφαλμένων, ὥστε τὸ εἶδος μᾶλλον ἢ τὴν ὕλην τὸ κακὸν εἶναι - , καὶ οὗτος
οὐδὲν ἧττον τὴν ὕλην συγχωρεῖν ἀναγκασθήσεται τὸ κακὸν εἶναι. Ἅ τε γὰρ
ποιεῖ ἡ ἐν ὕλῃ ποιότης, οὐ χωρὶς οὖσα ποιεῖ, ὥσπερ οὐδὲ τὸ σχῆμα τοῦ
πελέκεως ἄνευ σιδήρου ποιεῖ· εἶτα καὶ τὰ ἐν τῇ ὕλῃ εἴδη οὐ ταὐτά ἐστιν,
ἅπερ ἦν, εἰ ἐφ´ αὑτῶν ὑπῆρχεν, ἀλλὰ λόγοι ἔνυλοι φθαρέντες ἐν ὕλῃ καὶ τῆς
φύσεως τῆς ἐκείνης ἀναπλησθέντες· οὐδὲ γὰρ τὸ πῦρ αὐτὸ καίει οὐδὲ ἄλλο τι
τῶν ἐφ´ ἑαυτῶν ταῦτα ἐργάζεται, ἃ ἐν τῇ ὕλῃ γενόμενα λέγεται ποιεῖν.
Γενομένη γὰρ κυρία τοῦ εἰς αὐτὴν ἐμφαντασθέντος φθείρει αὐτὸ καὶ διόλλυσι
τὴν αὐτῆς παραθεῖσα φύσιν ἐναντίαν οὖσαν, οὐ τῷ θερμῷ τὸ ψυχρὸν
προσφέρουσα, ἀλλὰ τῷ εἴδει τοῦ θερμοῦ τὸ αὐτῆς ἀνείδεον προσάγουσα καὶ τὴν
ἀμορφίαν τῇ μορφῇ καὶ ὑπερβολὴν καὶ ἔλλειψιν τῷ μεμετρημένῳ, ἕως ἂν αὐτὸ
ποιήσῃ αὐτῆς, ἀλλὰ μὴ αὐτοῦ ἔτι εἶναι, ὥσπερ ἐν τροφῇ ζῴων τὸ εἰσενεχθὲν
μηκέτι εἶναι ὅπερ προσελήλυθεν, ἀλλ´ αἷμα κυνὸς καὶ πᾶν κύνιον, καὶ χυμοὶ
πάντες ἅπερ τοῦ δεξαμένου ἐκείνου. Εἰ δὴ σῶμα αἴτιον τῶν κακῶν, ὕλη ἂν εἴη
καὶ ταύτῃ αἴτιον τῶν κακῶν. Ἀλλὰ κρατεῖν ἔδει, ἄλλος ἂν εἴποι. Ἀλλ´ οὐ
καθαρὸν τὸ δυνάμενον κρατεῖν, εἰ μὴ φύγοι. Καὶ σφοδρότεραι δὲ αἱ ἐπιθυμίαι
κράσει τοιᾷδε σωμάτων, ἄλλαι δὲ ἄλλων, ὥστε μὴ κρατεῖν τὸ ἐν ἑκάστῳ,
ἀμβλύτεροι δὲ καὶ πρὸς τὸ κρίνειν διὰ σωμάτων κάκην κατεψυγμένοι καὶ
ἐμπεποδισμένοι, αἱ δ´ ἐναντίαι ποιοῦσιν ἀνερματίστους. Μαρτυροῦσι δὲ ταῦτα
καὶ αἱ πρὸς καιρὸν ἕξεις. Πλήρεις μὲν γὰρ ἄλλοι καὶ ταῖς ἐπιθυμίαις καὶ
ταῖς διανοίαις, κενοὶ δὲ ἄλλοι, καὶ ταδὶ πληρωθέντες ἄλλοι, ταδὶ δὲ ἄλλοι.
Ἔστω δὴ πρώτως μὲν τὸ ἄμετρον κακόν, τὸ δ´ ἐν ἀμετρίᾳ γενόμενον ἢ ὁμοιώσει
ἢ μεταλήψει τῷ συμβεβηκέναι αὐτῷ δευτέρως κακόν· καὶ πρώτως μὲν τὸ σκότος,
τὸ δὲ ἐσκοτισμένον δευτέρως ὡσαύτως. Κακία δὴ ἄγνοια οὖσα καὶ ἀμετρία περὶ
ψυχὴν δευτέρως κακὸν καὶ οὐκ αὐτοκακόν· οὐδὲ γὰρ ἀρετὴ πρῶτον ἀγαθόν, ἀλλ´
ὅ τι ὡμοίωται ἢ μετείληφεν αὐτοῦ.
| [1,8,8] Mais, objectera-t-on peut-être, ce n'est pas la matière qui nous rend
méchants : car ce n'est pas elle qui produit l'ignorance et les appétits
pervers. En effet, si c'est par suite de la méchanceté du corps que ces
appétits nous entraînent au mal, il faut en chercher la cause, non dans la
matière, mais dans la forme (dans les qualités du corps) : ce sont, par
exemple, la chaleur, le froid, l'amertume, l'âcreté et les autres qualités
des humeurs, c'est l'état de vacuité ou de plénitude de certains organes,
ce sont en un mot certaines dispositions qui produisent la différence des
appétits, et, si l'on veut, des fausses opinions. Le Mal est donc la forme
plutôt que la matière. - Dans cette hypothèse même on n'en est pas moins
forcé de convenir que c'est la matière qui est le Mal. Ce qu'une qualité
produit quand elle est dans la matière, elle ne le produit plus quand elle
en est séparée : ainsi la forme de la hache ne coupe pas sans le fer.
D'ailleurs les formes qui sont dans la matière ne sont pas ce qu'elles
seraient si elles se trouvaient hors d'elle; les raisons (séminales)
unies à la matière sont corrompues par elle et remplies de sa nature.
Comme le feu séparé de la matière ne brûle pas, aucune forme, lorsqu'elle
reste en elle-même, ne fait ce qu'elle fait quand elle est dans la
matière. Celle-ci, maîtrisant tout principe qui y apparaît, l'altère et le
corrompt en lui donnant sa propre nature, qui est contraire au Bien. Ce
n'est pas qu'elle substitue le froid à la chaleur ; mais elle adjoint à la
forme, par exemple à la forme du feu, sa substance informe, à la figure
son manque de figure, à la mesure son excès et son défaut, procédant ainsi
jusqu'à ce qu'elle ait fait perdre aux choses leur nature et ait
transformé cette nature en la sienne propre. C'est ainsi que, dans la
nutrition des animaux, ce qui a été ingéré ne reste pas tel qu'il était
auparavant : les aliments qui entrent dans le corps d'un chien, par
exemple, sont par l'assimilation transformés en sang et en humeurs de
chien, et en général se modifient selon la nature de l'animal qui les
reçoit. Ainsi c'est la matière qui est la cause des maux dans l'hypothèse
même où l'on rapporterait les maux au corps.
On dira peut-être qu'il faut maîtriser ces dispositions du corps. Mais le
principe qui peut en triompher n'est pur que s'il fuit d'ici–bas. Les
appétits qui ont le plus de force proviennent d'une certaine complexion du
corps, et diffèrent selon sa nature : il en résulte qu'il n'est pas facile
de les maîtriser. Il est des hommes qui n'ont pas de jugement parce qu'à
cause de leur mauvaise complexion ils sont froids et lourds. Il en est
d'autres au contraire que leur tempérament rend légers et inconstants. On
a la preuve de ce que nous avançons dans la diversité des dispositions où
nous nous trouvons successivement nous-mêmes. Quand nous sommes dans un
état de plénitude, nous avons d'autres appétits, d'autres pensées que
lorsque nous sommes dans un état de vacuité; enfin nos dispositions
varient même selon la nature de cet état de plénitude.
En un mot, le premier mal, c'est ce qui par soi–même manque de mesure; le
second, c'est ce qui tombe dans le défaut de mesure par accident, soit par
assimilation, soit par participation. Au premier rang sont les ténèbres;
au second, ce qui est devenu ténébreux. Ainsi le vice, étant dans l'âme
l'effet de l'ignorance et d'un défaut de mesure, tient le second rang; il
n'est pas le Mal absolu, parce que de son côté la vertu n'est pas le Bien
absolu : elle n'est bonne que par son assimilation, par sa participation au Bien.
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