[8,568] ῏Η μακάριον, ἦν δ’ ἐγώ, λέγεις τυράννου χρῆμα, εἰ τοιούτοις (568a) φίλοις
τε καὶ πιστοῖς ἀνδράσι χρῆται, τοὺς προτέρους ἐκείνους ἀπολέσας.
᾿Αλλὰ μήν, ἔφη, τοιούτοις γε χρῆται.
Καὶ θαυμάζουσι δή, εἶπον, οὗτοι οἱ ἑταῖροι αὐτὸν καὶ σύνεισιν οἱ νέοι πολῖται,
οἱ δ’ ἐπιεικεῖς μισοῦσί τε καὶ φεύγουσι;
Τί δ’ οὐ μέλλουσιν;
Οὐκ ἐτός, ἦν δ’ ἐγώ, ἥ τε τραγῳδία ὅλως σοφὸν δοκεῖ εἶναι καὶ ὁ Εὐριπίδης
διαφέρων ἐν αὐτῇ.
Τί δή;
῞Οτι καὶ τοῦτο πυκνῆς διανοίας ἐχόμενον ἐφθέγξατο, ὡς (568b) ἄρα “σοφοὶ
τύραννοί” εἰσι “τῶν σοφῶν συνουσίᾳ.” καὶ ἔλεγε δῆλον ὅτι τούτους εἶναι τοὺς
σοφοὺς οἷς σύνεστιν.
Καὶ ὡς ἰσόθεόν γ’, ἔφη, τὴν τυραννίδα ἐγκωμιάζει, καὶ ἕτερα πολλά, καὶ οὗτος
καὶ οἱ ἄλλοι ποιηταί.
Τοιγάρτοι, ἔφην, ἅτε σοφοὶ ὄντες οἱ τῆς τραγῳδίας ποιηταὶ
συγγιγνώσκουσιν ἡμῖν τε καὶ ἐκείνοις ὅσοι ἡμῶν ἐγγὺς πολιτεύονται, ὅτι
αὐτοὺς εἰς τὴν πολιτείαν οὐ παραδεξόμεθα ἅτε τυραννίδος ὑμνητάς.
Οἶμαι ἔγωγ’, ἔφη, συγγιγνώσκουσιν ὅσοιπέρ γε αὐτῶν (568c) κομψοί.
Εἰς δέ γε οἶμαι τὰς ἄλλας περιιόντες πόλεις, συλλέγοντες τοὺς ὄχλους, καλὰς
φωνὰς καὶ μεγάλας καὶ πιθανὰς μισθωσάμενοι, εἰς τυραννίδας τε καὶ
δημοκρατίας ἕλκουσι τὰς πολιτείας.
Μάλα γε.
Οὐκοῦν καὶ προσέτι τούτων μισθοὺς λαμβάνουσι καὶ τιμῶνται, μάλιστα μέν,
ὥσπερ τὸ εἰκός, ὑπὸ τυράννων, δεύτερον δὲ ὑπὸ δημοκρατίας· ὅσῳ δ’ ἂν
ἀνωτέρω ἴωσιν πρὸς
(568d) τὸ ἄναντες τῶν πολιτειῶν, μᾶλλον ἀπαγορεύει αὐτῶν ἡ τιμή, ὥσπερ
ὑπὸ ἄσθματος ἀδυνατοῦσα πορεύεσθαι.
Πάνυ μὲν οὖν.
᾿Αλλὰ δή, εἶπον, ἐνταῦθα μὲν ἐξέβημεν· λέγωμεν δὲ πάλιν ἐκεῖνο τὸ τοῦ
τυράννου στρατόπεδον, τὸ καλόν τε καὶ πολὺ καὶ ποικίλον καὶ οὐδέποτε
ταὐτόν, πόθεν θρέψεται.
Δῆλον, ἔφη, ὅτι, ἐάν τε ἱερὰ χρήματα ᾖ ἐν τῇ πόλει, ταῦτα ἀναλώσει, ὅποι ποτὲ
ἂν ἀεὶ ἐξαρκῇ τὰ τῶν ἀποδομένων, ἐλάττους εἰσφορὰς ἀναγκάζων τὸν δῆμον
εἰσφέρειν.
(568e) Τί δ’ ὅταν δὴ ταῦτα ἐπιλίπῃ;
Δῆλον, ἔφη, ὅτι ἐκ τῶν πατρῴων θρέψεται αὐτός τε καὶ οἱ συμπόται τε καὶ
ἑταῖροι καὶ ἑταῖραι.
Μανθάνω, ἦν δ’ ἐγώ· ὅτι ὁ δῆμος ὁ γεννήσας τὸν τύραννον θρέψει αὐτόν τε
καὶ ἑταίρους.
Πολλὴ αὐτῷ, ἔφη, ἀνάγκη.
Πῶς (δὲ) λέγεις; εἶπον· ἐὰν δὲ ἀγανακτῇ τε καὶ λέγῃ ὁ δῆμος ὅτι οὔτε δίκαιον
τρέφεσθαι ὑπὸ πατρὸς ὑὸν ἡβῶντα,
| [8,568] En vérité, d'après ce que tu dis, elle est bienheureuse (568a)
la condition du tyran, s'il prend de tels hommes pour amis et confidents,
après avoir fait mourir les premiers !
Et pourtant il ne saurait en prendre d'autres.
Donc, ces camarades l'admirent, et les nouveaux citoyens vivent en sa
compagnie. Mais les honnêtes gens le haïssent et le fuient, n'est-ce pas?
Hé! peuvent-ils faire autrement?
Ce n'est donc pas sans raison que la tragédie passe, en général, pour un
art de sagesse, et Euripide pour un maître extraordinaire en cet art.
Pourquoi donc?
Parce qu'il a énoncé cette maxime de sens profond, à savoir (568b)
« que les tyrans deviennent habiles par le commerce des habiles »;
et il entendait évidemment par habiles ceux qui vivent dans la
compagnie du tyran.
Il loue aussi, ajouta-t-il, la tyrannie comme divine et lui décerne bien
d'autres éloges, lui et les autres poètes.
Ainsi donc, en tant que gens habiles, les poètes tragiques nous
pardonneront, à nous et à ceux dont le gouvernement se rapproche du
nôtre, de ne point les admettre dans notre État, puisqu'ils sont les
chantres de la tyrannie.
Je crois, dit-il, qu'ils nous pardonneront, du moins ceux d'entre eux qui
ont de l'esprit. (568c)
Ils peuvent, je pense, parcourir les autres cités, y rassembler les foules, et,
prenant à gages des voix belles, puissantes et insinuantes, entraîner les
gouvernements vers la démocratie et la tyrannie.
Sûrement.
D'autant plus qu'ils sont payés et comblés d'honneurs pour cela, en
premier lieu par les tyrans, en second lieu par les démocraties; mais à
mesure qu'ils remontent la pente des constitutions, leur renommée
faiblit, comme (568d) si le manque de souffle l'empêchait d'avancer.
C'est exact.
Mais, repris-je, nous nous sommes écartés du sujet. Revenons-en à
l'armée du tyran, cette troupe belle, nombreuse, diverse, et toujours
renouvelée, et voyons comment elle est entretenue.
Il est évident, dit-il, que si la cité possède des trésors sacrés, le tyran y
puisera, et tant que le produit de leur vente pourra suffire, il
n'imposera pas au peuple de trop lourdes contributions.
Mais quand ces ressources lui manqueront? (568e)
Alors, il est évident qu'il vivra du bien de son père, lui, ses commensaux,
ses favoris et ses maîtresses.
Je comprends, dis-je : le peuple qui a donné naissance au tyran le
nourrira, lui et sa suite.
Il y sera bien obligé.
Mais que dis-tu? Si le peuple se fâche et prétend qu'il n'est point juste
qu'un fils dans la fleur de l'âge soit à la charge de son père,
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