Texte grec :
[236] (236a) τοῦ δὲ τὸ ἄφρον ψέγειν, ἀναγκαῖα γοῦν ὄντα, εἶτ᾽ ἄλλ᾽ ἄττα ἕξειν λέγειν;
ἀλλ᾽ οἶμαι τὰ μὲν τοιαῦτα ἐατέα καὶ συγγνωστέα λέγοντι· καὶ τῶν μὲν τοιούτων
οὐ τὴν εὕρεσιν ἀλλὰ τὴν διάθεσιν ἐπαινετέον, τῶν δὲ μὴ ἀναγκαίων τε καὶ
χαλεπῶν εὑρεῖν πρὸς τῇ διαθέσει καὶ τὴν εὕρεσιν.
(Φαῖδρος)
συγχωρῶ ὃ λέγεις· μετρίως γάρ μοι δοκεῖς εἰρηκέναι. ποιήσω οὖν καὶ ἐγὼ οὕτως·
τὸ μὲν τὸν ἐρῶντα (236b) τοῦ μὴ ἐρῶντος μᾶλλον νοσεῖν δώσω σοι ὑποτίθεσθαι,
τῶν δὲ λοιπῶν ἕτερα πλείω καὶ πλείονος ἄξια εἰπὼν τῶνδε {Λυσίου} παρὰ τὸ
Κυψελιδῶν ἀνάθημα σφυρήλατος ἐν Ὀλυμπίᾳ στάθητι.
(Σωκράτης)
ἐσπούδακας, ὦ Φαῖδρε, ὅτι σου τῶν παιδικῶν ἐπελαβόμην ἐρεσχηλῶν σε, καὶ οἴει
δή με ὡς ἀληθῶς ἐπιχειρήσειν εἰπεῖν παρὰ τὴν ἐκείνου σοφίαν ἕτερόν τι
ποικιλώτερον;
(Φαῖδρος)
περὶ μὲν τούτου, ὦ φίλε, εἰς τὰς ὁμοίας λαβὰς (236c) ἐλήλυθας. ῥητέον μὲν γάρ
σοι παντὸς μᾶλλον οὕτως ὅπως οἷός τε εἶ, ἵνα μὴ τὸ τῶν κωμῳδῶν φορτικὸν
πρᾶγμα ἀναγκαζώμεθα ποιεῖν ἀνταποδιδόντες ἀλλήλοις (εὐλαβήθητι), καὶ μὴ
βούλου με ἀναγκάσαι λέγειν ἐκεῖνο τὸ "εἰ ἐγώ, ὦ Σώκρατες, Σωκράτην ἀγνοῶ,
καὶ ἐμαυτοῦ ἐπιλέλησμαι," καὶ ὅτι "ἐπεθύμει μὲν λέγειν, ἐθρύπτετο δέ·" ἀλλὰ
διανοήθητι ὅτι ἐντεῦθεν οὐκ ἄπιμεν πρὶν ἂν σὺ εἴπῃς ἃ ἔφησθα ἐν τῷ στήθει
ἔχειν. ἐσμὲν δὲ μόνω ἐν ἐρημίᾳ, (236d) ἰσχυρότερος δ᾽ ἐγὼ καὶ νεώτερος, ἐκ δὲ
ἁπάντων τούτων "σύνες ὅ τοι λέγω," καὶ μηδαμῶς πρὸς βίαν βουληθῇς μᾶλλον ἢ
ἑκὼν λέγειν.
(Σωκράτης)
ἀλλ᾽, ὦ μακάριε Φαῖδρε, γελοῖος ἔσομαι παρ᾽ ἀγαθὸν ποιητὴν ἰδιώτης
αὐτοσχεδιάζων περὶ τῶν αὐτῶν.
(Φαῖδρος)
οἶσθ᾽ ὡς ἔχει; παῦσαι πρός με καλλωπιζόμενος· σχεδὸν γὰρ ἔχω ὃ εἰπὼν
ἀναγκάσω σε λέγειν.
(Σωκράτης) μηδαμῶς τοίνυν εἴπῃς.
(Φαῖδρος)
οὔκ, ἀλλὰ καὶ δὴ λέγω· ὁ δέ μοι λόγος ὅρκος ἔσται. ὄμνυμι γάρ σοι — τίνα μέντοι,
τίνα θεῶν; ἢ βούλει (236e) τὴν πλάτανον ταυτηνί; — ἦ μήν, ἐάν μοι μὴ εἴπῃς τὸν
λόγον ἐναντίον αὐτῆς ταύτης, μηδέποτέ σοι ἕτερον λόγον μηδένα μηδενὸς μήτε
ἐπιδείξειν μήτε ἐξαγγελεῖν.
(Σωκράτης)
βαβαῖ, ὦ μιαρέ, ὡς εὖ ἀνηῦρες τὴν ἀνάγκην ἀνδρὶ φιλολόγῳ ποιεῖν ὃ ἂν κελεύῃς.
(Φαῖδρος) τί δῆτα ἔχων στρέφῃ;
(Σωκράτης)
οὐδὲν ἔτι, ἐπειδὴ σύ γε ταῦτα ὀμώμοκας. πῶς γὰρ ἂν οἷός τ᾽ εἴην τοιαύτης θοίνης
ἀπέχεσθαι;
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Traduction française :
[236] et (236a) de blâmer la folie du second, développements
à tout le moins indispensables, et trouvant ensuite
d'autres choses à dire? Des développements indispensables
de ce genre, il faut au contraire, selon moi, les concéder
à celui qui parle, les lui pardonner; et ce n'est pas
l'invention de pareils développements qu'il y a lieu de
louer, mais leur arrangement; tandis que, pour les
développements qui ne s'imposent pas et dont l'invention
est difficile, ce n'est pas seulement sur l'arrangement,
c'est sur l'invention aussi que doit porter la louange. -
(PHÈDRE) : Je conviens de ce que tu dis; ton langage, à mon avis,
est en effet raisonnable. Voici donc, quant à moi,
ce que je m'en vais faire : je vais te donner ce
thème à développer, (b) que l'amoureux est malade
d'esprit, plutôt que celui qui n'aime pas; et, pour le
reste, si ton discours, comparé à celui-ci, s'en différencie
par une abondance plus grande et par un style d'un
plus grand mérite, alors, qu'à Olympie, contre l'offrande
des Cypsélides s'érige une statue de toi, en or martelé!
- (SOCRATE) : As-tu cru sérieusement, Phèdre, au lieu
que c'est toi que je taquinais, que c'est à tes amours
que je m'attaquais? et dès lors t'imagines-tu que, de
vrai, je tenterai, en parallèle avec le talent du personnage,
de dire du nouveau et qui ait plus de variété? -
(PHÈDRE) : T'y voilà venu, mon cher! à mon tour d'avoir
pareillement barre sur toi : (c) il faut que tu parles, c'est
un fait, et absolument selon tes moyens ! Mais, pour
n'être point forcés, en échangeant nos reparties réciproques,
de faire le misérable métier des comédiens,
tiens-toi sur tes gardes, et ne me force pas, s'il te
plaît, à te parler comme tu sais: Si moi, Socrate, je
ne connais pas Socrate, c'est que j'en suis arrivé à ne plus
savoir moi-même qui je suis ; et encore : Il avait envie de
parler, il faisait pourtant des façons! Mets-toi bien en tête,
au contraire, que nous ne nous en irons point d'ici que
tu n'aies dit ce dont tu as déclaré avoir le coeur empli!
(d) Or, nous sommes seul à seul, le lieu est désert, je
suis plus fort et plus jeune! Réfléchis à tout cela, comprends
ce que je te dis, et garde-toi de préférer parler
de force plutôt que de bon gré! - (SOCRATE) : Mais,
bienheureux Phèdre, je serai ridicule, dans une improvisation
sur le même sujet, de me mettre, moi, un profane, en
parallèle avec un excellent écrivain! - (PHÈDRE) : Sais-tu
ce qu'il en est? Finis de faire ces manières avec moi, car
je suis presque sûr de tenir le mot par lequel je te forcerai
de parler! - (SOCRATE) : Eh bien! alors, garde-toi bien de
le dire! - (PHÈDRE) : Non point! bien mieux, je le dis même
tout de suite, et je donnerai à mon langage la forme
d'un serment : « Je te jure en effet... » Par qui pourtant?
par lequel des Dieux? (e) A moins qu'il ne te plaise
que ce soit par le platane que voici? « Oui, je l'affirme :
si, face à cet arbre même, tu ne me prononces pas ce
discours, je jure de n'en mettre jamais sous tes yeux
aucun autre, de qui que ce soit, ni de t'en informer! »
(SOCRATE) : Oh! oh! comme tu as bien su découvrir,
coquin, le moyen de forcer à faire ce que tu veux un
homme qui aime les discours! (PHÈDRE) : Qu'as-tu donc
à tergiverser? - (SOCRATE) : Plus rien, maintenant en vérité
que tu as fait ce serment! Comment en effet serais-je
capable de m'abstenir d'un régal pareil?
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