Texte grec :
[235] ἐπεὶ ἐμέ γε ἔλαθεν ὑπὸ τῆς ἐμῆς (235a) οὐδενίας· τῷ γὰρ ῥητορικῷ αὐτοῦ
μόνῳ τὸν νοῦν προσεῖχον, τοῦτο δὲ οὐδ᾽ <ἂν> αὐτὸν ᾤμην Λυσίαν οἴεσθαι ἱκανὸν
εἶναι. καὶ οὖν μοι ἔδοξεν, ὦ Φαῖδρε, εἰ μή τι σὺ ἄλλο λέγεις, δὶς καὶ τρὶς τὰ αὐτὰ
εἰρηκέναι, ὡς οὐ πάνυ εὐπορῶν τοῦ πολλὰ λέγειν περὶ τοῦ αὐτοῦ, ἢ ἴσως οὐδὲν
αὐτῷ μέλον τοῦ τοιούτου· καὶ ἐφαίνετο δή μοι νεανιεύεσθαι ἐπιδεικνύμενος ὡς
οἷός τε ὢν ταὐτὰ ἑτέρως τε καὶ ἑτέρως λέγων ἀμφοτέρως εἰπεῖν ἄριστα.
(235b) (Φαῖδρος)
οὐδὲν λέγεις, ὦ Σώκρατες· αὐτὸ γὰρ τοῦτο καὶ μάλιστα ὁ λόγος ἔχει. τῶν γὰρ
ἐνόντων ἀξίως ῥηθῆναι ἐν τῷ πράγματι οὐδὲν παραλέλοιπεν, ὥστε παρὰ τὰ
ἐκείνῳ εἰρημένα μηδέν᾽ <ἄν> ποτε δύνασθαι εἰπεῖν ἄλλα πλείω καὶ πλείονος ἄξια.
(Σωκράτης)
τοῦτο ἐγώ σοι οὐκέτι οἷός τ᾽ ἔσομαι πιθέσθαι· παλαιοὶ γὰρ καὶ σοφοὶ ἄνδρες τε
καὶ γυναῖκες περὶ αὐτῶν εἰρηκότες καὶ γεγραφότες ἐξελέγξουσί με, ἐάν σοι
χαριζόμενος συγχωρῶ.
(235c) (Φαῖδρος) τίνες οὗτοι; καὶ ποῦ σὺ βελτίω τούτων ἀκήκοας;
(Σωκράτης)
νῦν μὲν οὕτως οὐκ ἔχω εἰπεῖν· δῆλον δὲ ὅτι τινῶν ἀκήκοα, ἤ που Σαπφοῦς τῆς
καλῆς ἢ Ἀνακρέοντος τοῦ σοφοῦ ἢ καὶ συγγραφέων τινῶν. πόθεν δὴ
τεκμαιρόμενος λέγω; πλῆρές πως, ὦ δαιμόνιε, τὸ στῆθος ἔχων αἰσθάνομαι παρὰ
ταῦτα ἂν ἔχειν εἰπεῖν ἕτερα μὴ χείρω. ὅτι μὲν οὖν παρά γε ἐμαυτοῦ οὐδὲν αὐτῶν
ἐννενόηκα, εὖ οἶδα, συνειδὼς ἐμαυτῷ ἀμαθίαν· λείπεται δὴ οἶμαι ἐξ ἀλλοτρίων
ποθὲν (235d) ναμάτων διὰ τῆς ἀκοῆς πεπληρῶσθαί με δίκην ἀγγείου. ὑπὸ δὲ
νωθείας αὖ καὶ αὐτὸ τοῦτο ἐπιλέλησμαι, ὅπως τε καὶ ὧντινων ἤκουσα.
(Φαῖδρος)
ἀλλ᾽, ὦ γενναιότατε, κάλλιστα εἴρηκας. σὺ γὰρ ἐμοὶ ὧντινων μὲν καὶ ὅπως
ἤκουσας μηδ᾽ ἂν κελεύω εἴπῃς, τοῦτο δὲ αὐτὸ ὃ λέγεις ποίησον· τῶν ἐν τῷ βιβλίῳ
βελτίω τε καὶ μὴ ἐλάττω ἕτερα ὑπέσχησαι εἰπεῖν τούτων ἀπεχόμενος, καί σοι
ἐγώ, ὥσπερ οἱ ἐννέα ἄρχοντες, ὑπισχνοῦμαι χρυσῆν εἰκόνα ἰσομέτρητον εἰς
Δελφοὺς ἀναθήσειν, οὐ (235e) μόνον ἐμαυτοῦ ἀλλὰ καὶ σήν.
(Σωκράτης)
φίλτατος εἶ καὶ ὡς ἀληθῶς χρυσοῦς, ὦ Φαῖδρε, εἴ με οἴει λέγειν ὡς Λυσίας τοῦ
παντὸς ἡμάρτηκεν, καὶ οἷόν τε δὴ παρὰ πάντα ταῦτα ἄλλα εἰπεῖν· τοῦτο δὲ οἶμαι
οὐδ᾽ ἂν τὸν φαυλότατον παθεῖν συγγραφέα. αὐτίκα περὶ οὗ ὁ λόγος, τίνα οἴει
λέγοντα ὡς χρὴ μὴ ἐρῶντι μᾶλλον ἢ ἐρῶντι χαρίζεσθαι, παρέντα τοῦ μὲν τὸ
φρόνιμον ἐγκωμιάζειν,
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Traduction française :
[235] (235a) car, moi du moins, du fait de ma nullité,
je ne m'en étais pas rendu compte! Seul en effet l'aspect
rhétorique du discours avait attiré mon attention, et,
pour le fond, je ne croyais même pas que Lysias pût
croire, personnellement en avoir dit assez. De vrai,
mon sentiment à moi, Phèdre, à moins que tu n'y trouves
quelque chose à redire, est qu'il a répété deux et trois
fois les mêmes idées, comme s'il n'était pas bien à son
aise pour trouver beaucoup à dire sans changer de sujet;
ou, peut-être, comme s'il se désintéressait complètement
d'une pareille thèse! Aussi me faisait-il l'effet d'un blanc-bec
qui fait montre, en disant les mêmes choses, et
comme ceci, et comme cela, de son aptitude à les exprimer
dans chaque cas d'une façon parfaite! (b) - (PHÈDRE) :
Tu parles pour ne rien dire, Socrate! Car la qualité,
précisément, que possède, et même au plus haut point,
ce discours, c'est que, parmi les éléments de la question
qui méritaient qu'on en parlât, il n'en a laissé aucun de
côté. Par conséquent, en parallèle avec les choses qu'il
a dites, personne jamais ne serait capable d'en dire
d'autres, qui fussent plus abondantes et eussent plus de valeur!
- (SOCRATE) : Là-dessus, je ne serai plus à même de t'en croire,
car dans l'antiquité il y a eu de savantes gens, hommes aussi
bien que femmes, qui ont parlé ou écrit sur ces questions.
Si, pour l'amour de toi, j'en viens à penser comme tu penses,
ils me confondront! (c)
- (PHÈDRE) : Qui sont ces gens-là? et où as-tu pu entendre
un langage supérieur à celui-là? - (SOCRATE) : Sur-le-champ,
comme cela, je ne suis pas, vois-tu, en état de te répondre,
mais il est clair que j'en ai entendu! La belle Sapho peut-être,
ou le sage Anacréon, peut-être aussi certains
prosateurs? En foi de quoi est-ce donc que je le dis?
Le coeur plein à déborder, sans que je sache comment
cela s'est fait, j'éprouve, divin ami, le sentiment d'être
capable éventuellement, en parallèle avec ce qu'a dit
Lysias, de dire d'autres choses, et qui ne soient pas pires.
Or ce n'est pas par moi-même, au moins, que j'ai eu
l'idée de ces choses, je le sais fort bien, étant, en moi-même,
conscient de mon ignorance. Reste donc, me
semble-t-il, (d) qu'à des sources étrangères je me sois,
par l'oreille, empli quelque part, comme s'emplit un
vase; mais, en revanche, dans quelles conditions l'ai-je
entendu et de quelles personnes? voilà justement ce
que m'a fait oublier ma nonchalance d'esprit! - (PHÈDRE) :
Eh bien! ô le meilleur des hommes, tu viens de parler
on ne peut mieux, car, de quelles personnes et dans
quelles conditions tu l'as entendu, ce n'est pas du tout
ce que je te demande de me dire! Mais, cela même que
tu dis, fais-le : tu as promis de dire d'autres choses que
celles de mon cahier, qui leur seraient supérieures,
qui, aussi bien, ne seraient pas moins abondantes, et
en t'abstenant de reprendre celles-ci. De mon côté,
pareil aux neuf Archontes, à toi, je te promets de faire
offrande à Delphes (e) d'une effigie en or, de grandeur
identique, non pas seulement de moi, mais de toi aussi"!
- (SOCRATE) : Phèdre, je t'aime de tout mon coeur et tu
vaux vraiment ton pesant d'or, de croire que, selon moi,
Lysias a totalement manqué son coup et que, dès lors,
tout ce qu'il y a dans son discours, il est possible de le
dire autrement! Mais c'est là une disgrâce à laquelle
ne serait pas exposé, même le plus pauvre écrivain...
Exemple, la thèse même sur laquelle porte le discours :
quel écrivain imagines-tu, alors qu'il affirme l'obligation
de céder aux voeux de celui qui n'aime pas, plutôt que
de celui qui aime, omettant de célébrer la sagesse du premier
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