Texte grec :
[233] (233a) τοῖς δὲ μὴ ἐρῶσιν, οἳ καὶ πρότερον ἀλλήλοις φίλοι ὄντες ταῦτα
ἔπραξαν, οὐκ ἐξ ὧν ἂν εὖ πάθωσι ταῦτα εἰκὸς ἐλάττω τὴν φιλίαν αὐτοῖς ποιῆσαι,
ἀλλὰ ταῦτα μνημεῖα καταλειφθῆναι τῶν μελλόντων ἔσεσθαι. καὶ μὲν δὴ βελτίονί
σοι προσήκει γενέσθαι ἐμοὶ πειθομένῳ ἢ ἐραστῇ. ἐκεῖνοι μὲν γὰρ καὶ παρὰ τὸ
βέλτιστον τά τε λεγόμενα καὶ τὰ πραττόμενα ἐπαινοῦσιν, τὰ μὲν δεδιότες μὴ
ἀπέχθωνται, τὰ δὲ (233b) καὶ αὐτοὶ χεῖρον διὰ τὴν ἐπιθυμίαν γιγνώσκοντες.
τοιαῦτα γὰρ ὁ ἔρως ἐπιδείκνυται· δυστυχοῦντας μέν, ἃ μὴ λύπην τοῖς ἄλλοις
παρέχει, ἀνιαρὰ ποιεῖ νομίζειν·
εὐτυχοῦντας δὲ καὶ τὰ μὴ ἡδονῆς ἄξια παρ᾽ ἐκείνων ἐπαίνου ἀναγκάζει
τυγχάνειν· ὥστε πολὺ μᾶλλον ἐλεεῖν τοῖς ἐρωμένοις ἢ ζηλοῦν αὐτοὺς προσήκει.
ἐὰν δέ μοι πείθῃ, πρῶτον μὲν οὐ τὴν παροῦσαν ἡδονὴν θεραπεύων συνέσομαί
σοι, ἀλλὰ καὶ (233c) τὴν μέλλουσαν ὠφελίαν ἔσεσθαι, οὐχ ὑπ᾽ ἔρωτος ἡττώμενος
ἀλλ᾽ ἐμαυτοῦ κρατῶν, οὐδὲ διὰ σμικρὰ ἰσχυρὰν ἔχθραν ἀναιρούμενος ἀλλὰ διὰ
μεγάλα βραδέως ὀλίγην ὀργὴν ποιούμενος, τῶν μὲν ἀκουσίων συγγνώμην ἔχων,
τὰ δὲ ἑκούσια πειρώμενος ἀποτρέπειν· ταῦτα γάρ ἐστι φιλίας πολὺν χρόνον
ἐσομένης τεκμήρια. εἰ δ᾽ ἄρα σοι τοῦτο παρέστηκεν, ὡς οὐχ οἷόν τε ἰσχυρὰν
φιλίαν γενέσθαι ἐὰν μή τις ἐρῶν τυγχάνῃ, (233d) ἐνθυμεῖσθαι χρὴ ὅτι οὔτ᾽ ἂν
τοὺς ὑεῖς περὶ πολλοῦ ἐποιούμεθα οὔτ᾽ ἂν τοὺς πατέρας καὶ τὰς μητέρας, οὔτ᾽ ἂν
πιστοὺς φίλους ἐκεκτήμεθα, οἳ οὐκ ἐξ ἐπιθυμίας τοιαύτης γεγόνασιν ἀλλ᾽ ἐξ
ἑτέρων ἐπιτηδευμάτων.
ἔτι δὲ εἰ χρὴ τοῖς δεομένοις μάλιστα χαρίζεσθαι, προσήκει καὶ τοῖς ἄλλοις μὴ
τοὺς βελτίστους ἀλλὰ τοὺς ἀπορωτάτους εὖ ποιεῖν· μεγίστων γὰρ ἀπαλλαγέντες
κακῶν πλείστην χάριν αὐτοῖς εἴσονται. καὶ μὲν δὴ καὶ ἐν ταῖς (233e) ἰδίαις
δαπάναις οὐ τοὺς φίλους ἄξιον παρακαλεῖν, ἀλλὰ τοὺς προσαιτοῦντας καὶ τοὺς
δεομένους πλησμονῆς· ἐκεῖνοι γὰρ καὶ ἀγαπήσουσιν καὶ ἀκολουθήσουσιν καὶ ἐπὶ
τὰς θύρας ἥξουσι καὶ μάλιστα ἡσθήσονται καὶ οὐκ ἐλαχίστην χάριν εἴσονται καὶ
πολλὰ ἀγαθὰ αὐτοῖς εὔξονται. ἀλλ᾽ ἴσως προσήκει οὐ τοῖς σφόδρα δεομένοις
χαρίζεσθαι, ἀλλὰ τοῖς μάλιστα ἀποδοῦναι χάριν δυναμένοις·
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Traduction française :
[233] (233a) Avec ceux qui n'aiment pas, au contraire,
et chez qui une mutuelle amitié a précédé le temps où ils en
sont venus à leurs fins, ce n'est vraisemblablement pas la
satisfaction de leur désir qui amoindrira chez eux cette amitié,
mais il subsistera ensuite un gage de ce que sera l'avenir.
« Bien plus, il t'appartient de devenir meilleur, si tu me
cèdes, à moi plutôt qu'à un amoureux. Ces gens-là effectivement,
au mépris de ce qui vaut le mieux, louent paroles et
actions, en partie par crainte de se rendre odieux, en partie
parce que, personnellement, (b) ils portent leur attention sur
ce qui vaut le moins. Voici en effet de quelle sorte sont telles
façons dont fait montre l'amour : un échec, en des choses qui
au reste des hommes ne causent pas de peine, l'amour leur
fait tenir ces choses pour affligeantes ; un succès, en des choses
qui ne valent même pas qu'on y goûte du plaisir, et les voilà
forcés par lui d'y trouver matière à louange ! En conséquence
ce qui convient à leurs bien-aimés, c'est d'être pris en pitié
plutôt que d'être objets d'envie. Au contraire, si tu me cèdes,
ce n'est pas au service de la jouissance présente que je mettrai,
en premier lieu, mon commerce avec toi, (c) mais encore à
t'être utile dans l'avenir; non pas vaincu par l'amour, mais
triomphant de moi-même ; incapable de me laisser emporter
à une forte inimitié par de faibles motifs, mais, pour de grosses
raisons, lent à m'irriter peu; ayant pour les fautes involontaires
de l'indulgence, mais, à l'égard des volontaires, m'efforçant
de les conjurer; ce sont là en effet des témoignages d'une
amitié qui doit être de longue durée. Que si, pourtant, il t'est
par hasard venu à la pensée qu'il n'est pas possible à une forte
amitié de se former, à moins, justement, que l'on n'aime, (d)
il te faut réfléchir que de nos fils nous ne ferions pas grand cas,
ni de nos pères et de nos mères, ni nous ne posséderions d'amis
fidèles, qui ne le sont pas devenus par l'effet d'une passion de
ce genre, mais par celui de pratiques d'un ordre différent.
« Ajoutons-le : s'il faut céder aux voeux de ceux dont la
sollicitation est la plus pressante, il convient alors, pour les
autres aussi, de bien traiter, non pas ceux qui valent le plus,
mais ceux dont le dénûment est le plus grand! Délivrés en
effet des pires maux, ils nous voueront la plus grande
reconnaissance ! Bien mieux, (e) jusque dans les festins privés, ce
ne sont pas nos amis qu'il serait bon d'inviter, mais les
mendiants et ceux qui demandent à se remplir la panse ; car
ces gens-là seront aimables avec vous, ils vous feront cortège,
ils viendront frapper à votre porte, leur joie sera débordante,
leur reconnaissance ne sera pas de la moindre espèce, ils nous
souhaiteront une foule de biens ! Au contraire, ce qui convient
probablement, ce n'est pas de céder aux voeux de ceux dont
la sollicitation est impérieuse, mais de ceux qui sont le plus
capables de nous payer de gratitude ;
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